SÉCURITÉ FERROVIAIRE

Pétrole maudit

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Un an après, la timidité des mesures prises sidère !

Depuis la tragédie de Lac-Mégantic, la sécurité du transport du pétrole par train fait l’objet de débats. La crainte d’un deuxième « Lac-Mégantic » habite tous les esprits. De fait, cette tragédie pourrait se répéter, et plus d’une fois, car le pétrole continuera d’être transporté par rail en quantité de plus en plus grande.​

L'idée que le pétrole puisse à nouveau traverser le territoire de Lac-Mégantic est pour les citoyens de cette ville un véritable cauchemar. La circulation des trains reprendra et un jour il y aura à nouveau des convois de pétrole. Le nouveau propriétaire de la MMA voudrait qu’il y en ait dès 2016, ce qui rend impérieux le déplacement de la voie ferrée hors de la zone urbaine pour protéger les Méganticois d’un nouveau drame.

L’accident de Lac-Mégantic a été l’occasion d’une prise de conscience du risque inhérent au transport par rail de matières dangereuses. En raison de la configuration du réseau ferroviaire, celles-ci traversent villes et villages, longent tantôt des résidences, tantôt des écoles, parfois des hôpitaux. Une cohabitation qui, lorsque le pire arrive, devient meurtrière.

Citoyens et élus municipaux ont exigé d’Ottawa un resserrement des règlements. Ce printemps, on adoptait un faisceau de mesures, dont le remplacement d’ici trois ans des wagons DOT-111, la réduction des vitesses des trains et la présence obligatoire de deux employés à bord des trains. Une réaction tardive, car on sait maintenant que l’American Railroad Association avait sonné l’alarme dès 2011 à propos du danger associé aux DOT-111.

Le gouvernement conservateur ne pouvait bien sûr rester insensible au drame de Lac-Mégantic, mais les nouvelles normes imposées aux compagnies ferroviaires l’ont été sans doute plus par raison que par compassion. Une large partie de la stratégie économique conservatrice repose sur l’exploitation du pétrole albertain, qu’il faut pouvoir sortir de cette enclave qu’est l’Alberta, située loin des grands marchés intérieurs et d’exportation. Les oléoducs actuels ne suffisent pas et les projets de construction de nouveaux pipelines sont plus qu’incertains, qu’il s’agisse du Keystone XL vers les États-Unis ou du Northern Gateway vers la côte britannico-colombienne. La seule autre solution demeure le train.

Les voies ferrées, tant au Canada qu’aux États-Unis, sont devenues depuis deux ans un oléoduc sur roues. Les quantités de pétrole transportées augmentent sans cesse. Au premier trimestre de 2014, l’Office national de l’énergie du Canada a compté 14,4 millions de barils, soit 10 fois plus qu’à la même période deux ans plus tôt. Facile de comprendre que le risque d’accident croît en proportion. Les citoyens de la banlieue sud de Montréal ont ainsi accueilli avec crainte le projet de Suncor de faire de Tracy un point de chute du pétrole qu’elle importe de l’Ouest par train. Pour tout citoyen qui habite près d’une voie ferrée, le pétrole est devenu un produit maudit.

Puisqu’on n’arrive pas à se passer de ce pétrole, la seule avenue est de chercher à diminuer le risque associé à son transport, que ce soit par train, par bateau ou par pipeline. Les grandes compagnies, comme le CN et le CP, en sont conscientes, mais on ne peut se fier à l’autorégulation. Le gouvernement fédéral peut faire plus qu’il ne l’a fait jusqu’ici. Le délai de remplacement des wagons-citernes désuets pourrait être ramené à un an. Il pourrait interdire d’y transporter le pétrole de schiste, plus volatil et plus inflammable. Il pourrait exiger la présentation des plans de transport de produits dangereux aux autorités réglementaires et instituer une obligation d’informer les municipalités. Bien sûr, toute réglementation additionnelle sera un poids pour les transporteurs, mais la preuve de nécessité a été faite un certain 7 juillet 2013. C’est maintenant une question de volonté.


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