Pas de fumée sans feu

8d586ccd88b943a6b9a579559a74edd5

Changeons de pays !





On nous dit qu’il ne faut pas parler de politique et de religion à Noël. Heureusement que nous ne sommes pas dans le temps des fêtes, parce que nous sommes de plus en plus « pognés » pour traiter des deux à la fois.


Cette fois-ci, la controverse provient d’une « fausse citation » de Justin Trudeau, qui ne relève pourtant pas des fameuses « fake news » dont nous entendons parler depuis plusieurs mois.


La semaine dernière, Richard Martineau reprochait au premier ministre d’être trop « politiquement correct » : « Au pays des licornes, il faut respecter la culture des autres, ce n’est pas poli de dire à certaines communautés que [... ] couper le clitoris des fillettes [...] est "barbare" ».


Le site français L’Important a ensuite relayé sur Twitter que c’est le PM lui-même qui aurait formulé la chose ainsi, dans ces mots-là. Puis, ça a été l’explosion de réactions en France, où l’ensemble de la classe politique a condamné les « propos » de Justin Trudeau. Au Québec, même Ken Pereira s’est fâché en rappelant que la mutilation génitale féminine était bel et bien barbare.


L’ennui, c’est que Justin Trudeau n’a pas textuellement dit ça. Du moins, pas la semaine dernière. Ce n’est, par ailleurs, pas ce que Richard Martineau prétendait.


Cependant, au final, que le chef du gouvernement ait ou non employé une telle formule n’est qu’un détail.


L’important, c’est que le Guide de citoyenneté canadienne, remis aux nouveaux arrivants, sera modifié pour retirer la mention de l’excision comme d’une pratique barbare. Les babines n’ont peut-être pas bougé, mais les bottines, elles, le font.


En 2011, Justin Trudeau, simple député libéral, avait critiqué l’emploi du terme « barbare » quand le gouvernement de Stephen Harper avait fait ajouter ladite mention. Suite à une levée de boucliers, il avait dû s’excuser et jurer qu’il ne voulait pas minimiser la « nature cruelle et sérieuse des meurtres d’honneur ou tout autre acte violent »


Cette question met le doigt sur le fait que conservateurs et libéraux défendent des univers symboliques très différents.


Quand les conservateurs sont au pouvoir, on célèbre le « Canada historique » à coup de portraits de la Reine et de cérémonies militaires. S’ils avaient été aux commandes pendant le 150ème anniversaire du pays, les festivités auraient été d’un tout autre ordre.


Quand les libéraux sont là, on célèbre plutôt la « diversité ». Le PM porte à peu près tous les signes religieux, dépendamment de la parade où il se trouve, et participe à des rassemblements où les femmes et les hommes sont séparés, en profitant pour saluer les « sisters upstairs ».


La question qui doit être posée est la suivante : le Canada est-il un vrai pays ? Quand le visage officiel du pays -comme ses commémorations et son Guide de citoyenneté- change en fonction du gouvernement, nous sommes portés à se dire que non. Quand Cœur de pirate n'est pas certaine d'être canadienne lorsque c’est Harper qui dirige mais qu'elle change d’idée quand c’est Trudeau, on se dit que l’identité canadienne est une coquille vide qu’on remplit comme on veut.


Quand on gratte un peu pour voir plus loin que les symboles et qu'on cherche à comprendre les grandes visions des partis politiques canadiens, on découvre la même chose que derrière un selfie du PM : le vide. Libéraux et conservateurs construisent des oléoducs, augmentent la production de sables bitumineux, vendent des armes à l’Arabie-Saoudite et signent en secret des ententes commerciales dangereuses. Aucun gouvernement n’osera, de toute façon, toucher à la Constitution permettant aux juges de renverser les décisions politiques votées démocratiquement dans les Parlements. On a tellement peur de ce que le peuple pourrait vouloir faire. Depuis sa fondation, le Canada n’a jamais été rien d’autre qu’une création coloniale pour servir les besoins d’une petite élite qui avait besoin de créer un marché d’un océan à l’autre. Or, une construction uniquement marchande a toujours bien du mal à se trouver une âme.


À quoi bon changer de gouvernement dans ce cas, mis à part pour avoir un autre genre de party le 1er juillet ? Je propose plutôt de changer de pays.



Featured 8cd5019c993a24a5180787bcecdeee68

Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

  • 56 533

Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).





Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé