En cette période électorale où l’on célèbre la figure de l’homme abstrait — un idiot sans singularité —, diluant tous les conflits sociaux dans notre belle « démocrasserie » représentative inféodée aux affairistes, nous accédons au paradis politique de la bourgeoisie et à ses vastes pâturages illusoires — opium d’un peuple de brebis galeuses — le temps de barbouiller une petite croix dans un carré prévu à cet effet. Quelle jouissance ! À chaque élection, on nous fait croire que tout le monde est fin, que tout le monde est gentil et que tout s'améliorera. En réalité, après le party, les hostilités recommenceront. Alors, pourquoi voter ? Pour réduire les inégalités et s’enrichir collectivement ? Est-ce possible avec les partis politiques actuels ?
Au Canada, le taux d’impôt fédéral sur le revenu des sociétés est de 15 % contre 33 % aux États-Unis. Le taux d’impôt fédéral le plus élevé des riches individus est de 39,5 % aux States contre 24 % dans « le plus meilleur pays au monde » (chiffres de 2013). Or on apprenait dernièrement que Thomas Mulcair, le chef du NPD qui promettait de réduire les inégalités sociales en imposant davantage les sociétés s’était rétracté. (Le Nouvelliste, le lundi 24 août 2015, p. 24) Mulcair se contenterait plutôt d’un maigre 17,5 % comme Stephen Harper. Selon Huffington Post Canada, le Fonds Monétaire International propose des politiques d’imposition plus progressives que ce que soutient le Parti « de gauche » canadien.
Tandis que plusieurs États dans le monde sont actionnaires majoritaires dans de grandes entreprises et exigent des golden shares, leur conférant un droit de véto sur toutes les décisions importantes dans les compagnies qu’ils dirigent, Martin Coiteux, le président du Conseil du trésor revient à la charge avec la privatisation de la SAQ. (Le Nouvelliste, le mardi 1er septembre 2015, p. 17) Il menace de privatiser et souhaite réduire les dépenses de la société d’État. Qu’est-ce qui est le plus couteux ? Subventionner une entreprise privée qui rapporte peu à l’État ou ne pas subventionner une société d’État qui rapporte gros ? Comme tous les « faiseux » de ce monde, Coiteux a la prétention de savoir compter, pour et sur ses amis, s’entend.
Pendant que les sociétés ne déclarent jamais leurs revenus réels, seulement leurs revenus fiscaux, les salariés, eux, se font flouer. Ils sont imposés à la source sur leur maigre salaire, tandis que les PDG d’entreprises se paient en stock-options leur permettant légalement d’être imposés sur la moitié de la valeur de leurs actions. Les dirigeants des sociétés disposent aussi d’une personnalité juridique distincte de leurs entreprises, ce qui les protège des saisies possibles. Nos B.S. corporatifs ne paient ni TPS ni TVQ. Leurs factures d’électricité sont aussi déductibles d’impôt. Ils bénéficient donc d’allègements et d’évitements fiscaux substantiels. À titre d’exemple, ils peuvent amortir le coût de la construction d’un immeuble sur une période de dix ans. S’enrichissant sur notre dos, ils investissent dans les REER, REEE, CELI, les paradis fiscaux et contrairement aux riches Américains, ils n’ont pas à payer d’impôts successoraux.
Au pays, les prix de l’ensemble des produits et services sont 20 % plus élevés qu’aux States. Pourtant, selon KPMG, le Canada arrive au deuxième rang mondial en ce qui a trait à la fiscalité des entreprises. Nos entreprises canadiennes sont moins taxées qu’en Chine, qu’au Mexique et qu’en Russie. Retenez ceci, dit Léo-Paul Lauzon : « hausser les impôts des nantis, c’est idéologique ; les baisser, c’est pragmatique. Privatiser, c’est réaliste ; mais nationaliser, c’est dogmatique. » (Lauzon, Contes et comptes du Prof Lauzon V) Le plan de match de nos « faiseux » est limpide : moins d’impôts pour les riches, moins de syndicats et de services publics, afin de subventionner nos B.S. corporatifs et de leur offrir plus de cadeaux. Nos B.S. corporatifs sont en PPP avec l’État. À l’opposé, l’État exige du simple contribuable qu’il devienne un utilisateur-payeur.
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