Viktor Orban a mis ses menaces à exécution. Mercredi matin, le Fidesz, son parti, a claqué la porte du groupe PPE au Parlement européen dans lequel il siégeait depuis 2004. «Je vous informe que les députés Fidesz démissionnent de leur adhésion au PPE», a écrit le premier ministre hongrois dans une lettre adressée au chef de file des eurodéputés de la droite européenne, Manfred Weber, ajoutant que la mesure prenait effet «immédiatement». Dans ce même courrier, il estime que la méthode du groupe parlementaire est «antidémocratique, injuste et inacceptable».
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Le premier ministre hongrois avait fait connaître dimanche son opposition à la refonte des statuts du groupe, convaincu qu’elle aurait abouti d’ici à quelques semaines à la suspension des eurodéputés du Fidesz. Les menaces de Budapest n’ont rien changé à l’affaire. Et il n’y a pas eu cette fois une tentative de sauvetage orchestrée depuis Berlin. Les eurodéputés du PPE se sont prononcés mercredi matin en faveur du changement de règlement qui permet désormais de suspendre, non pas seulement un eurodéputé, comme c’était le cas dans les précédents statuts, mais l’ensemble des membres d’un parti. Cette modification a, en outre, été approuvée à une écrasante majorité: 148 ont voté pour, 28 contre, 4 se sont abstenus.
Selon ces nouvelles règles, la suspension d’un parti est désormais possible si 15 % des eurodéputés PPE appartenant à au moins 4 délégations en font la demande et si cette demande recueille, ensuite, les votes - à bulletins secrets - des deux tiers des membres du groupe. À entendre un membre du PPE, l’idée est d’«avoir une certaine cohérence» entre les statuts du groupe et ceux du parti dont est suspendu le Fidesz depuis mars 2019. De fait, en dépit de la décision prise il y a deux ans par le parti et qui prive Orban de sa participation aux sommets du PPE, les élus Fidesz ont, eux, conservé toutes les prérogatives liées à leur statut. Un poids lourd du groupe livre sa version de la manière dont les choses se sont passées: «Weber voulait gagner du temps jusqu’à ce que le parti se décide à exclure le Fidesz, mais c’était trop loin, et la pression au sein du groupe est fortement montée quand l’eurodéputé hongrois Tamas Deutsch a comparé Manfred Weber à la Gestapo en décembre. La manière soft de faire était de modifier le règlement pour calmer les eurodéputés les plus virulents» contre le Fidesz.
Relation tumultueuse
L’affaire s’est corsée au cours du week-end lorsque le premier ministre hongrois a fait savoir son intention de quitter le groupe si le changement de règlement était voté. «Orban a rendu le soutien impossible en mettant un ultimatum là où il n’y en avait pas besoin, poursuit cet eurodéputé PPE. Un compromis avait été trouvé sur les modifications apportées au règlement. Si le groupe avait de nouveau repoussé ou dilué la décision, alors les treize partis, qui réclament depuis des mois l’exclusion du Fidesz, et non sa suspension, auraient quitté le PPE.» Peu après le vote, Manfred Weber, les traits tirés faisait ce constat aigre-doux: «J’ai essayé à maintes reprises ces dernières années, en argumentant et en luttant toujours pour une approche commune. Malheureusement, cela n’était plus possible et le groupe a clairement indiqué aujourd’hui qu’il voulait aller de l’avant.»
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Il s’agit là du énième épisode dans la relation tumultueuse qu’entretient la droite européenne avec le Fidesz de Viktor Orban. Beaucoup semblent croire que c’est un des derniers rebondissements, convaincus que le premier ministre hongrois est désormais prêt à couper le lien avec le PPE - dont le Fidesz est toujours membre - et qu’il a épuisé la patience de Berlin, en prenant en otage, à l’automne, le budget de l’UE et le plan de relance européen, pour s’opposer à la conditionnalité liée à l’État de droit.
Quel groupe rejoindre?
Pour l’heure, la droite européenne a perdu mercredi 12 eurodéputés Fidesz, mais, avec 175 membres, elle reste le groupe le plus important au Parlement européen. Viktor Orban pourrait, en revanche, sortir affaibli de son coup de force, se privant de précieux alliés européens, l’Allemagne en tête. La question est maintenant de savoir quel groupe parlementaire rejoindront les eurodéputés du Fidesz, lorsque leur parti aura effectivement coupé le cordon avec le PPE. «Ils ont tout intérêt à rejoindre les conservateurs et réformistes européens où siègent les Polonais du PiS. Cela leur permettrait de créer une minorité qui dérange au Parlement et une minorité qui dérange au Conseil européen», confie un cadre du groupe parlementaire.
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Quoi qu’il en soit, le groupe PPE pourrait peut-être voir ses effectifs se renforcer à terme. Les tractations vont bon train entre la Lega et certains membres de la droite européenne, depuis que le parti de Matteo Salvini a rejoint le gouvernement Draghi et entrepris un virage dans ses positions sur l’Europe. L’ancien président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, ainsi que l’ex-président du Parlement européen, Antonio Tajani, manœuvrent en coulisses pour que ces eurodéputés quittent le groupe Identité et démocratie (ID), où siègent les élus RN. «L’arrivée de Mario Draghi est en train de détacher le plus grand allié européen de Marine Le Pen et de le mettre sur la voie du PPE», estime l’ancien président du Conseil italien, Enrico Letta. Si ces tentatives aboutissaient, la Lega devrait montrer patte blanche. Car le nouveau règlement du groupe PPE est aussi bien plus explicite et précis qu’il ne l’était sur les valeurs que doivent partager ses membres.