L’archevêque de Québec Marc Ouellet (à droite), accompagné d’Isabelle Théberge, directrice des communications du diocèse, le 30 octobre dernier, lors de son passage à la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables. (Archives PC)
À la suite de mon intervention à la commission Bouchard-Taylor, vos commentaires ont été nombreux et variés. Je les ai tous lus avec grande attention, qu’ils proviennent du courrier ou des médias. Merci des messages d’appui, merci aussi des critiques qui m’ont fait réfléchir et qui motivent cette lettre ouverte qui voudrait prolonger la réflexion, dissiper les incompréhensions et inviter à une écoute réciproque dans un esprit de paix et de réconciliation. (…)
La frilosité devant la procréation, devant la vie, compromet l’avenir du Québec, et sa jeunesse cherche des modèles qui semblent lui manquer cruellement. Il nous faut un dialogue sérieux sur les valeurs et sur notre témoignage de chrétiens pour redonner espérance et foi à l’âme québécoise.
Pourtant, l’Église catholique ne manque pas de figures exemplaires qui ont marqué l’histoire de notre société. Des laïcs, hommes et femmes, des religieuses et religieux, ont laissé des traces mémorables, un précieux héritage dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’évangélisation. Le pape Jean-Paul II a canonisé ou béatifié 14 de ces personnalités, durant son pontificat. Mais, malheureusement, elles sont trop peu connues.
On accorde beaucoup plus d’attention au passif de l’Église qu’à sa contribution active à l’histoire et à la culture québécoises. Un regard juste et clairvoyant sur notre passé chrétien aiderait, je pense, à reconnaître nos limites, mais aussi à nourrir la fierté et la confiance des Québécoises et des Québécois face à notre avenir.
M’inspirant du geste de Jean-Paul II dont j’ai été témoin à Rome en mars de l’an 2000, j’invite les catholiques à un acte de repentance et de réconciliation. La société québécoise traîne une mémoire blessée dont les mauvais souvenirs bloquent l’accès aux sources vives de son âme et de son identité religieuse. Le temps est venu de faire le point et de prendre un nouveau départ. Des erreurs ont été commises qui ont terni l’image de l’Église et pour lesquelles il faut humblement demander pardon. J’invite les pasteurs et les fidèles à chercher avec moi la manière de reconnaître nos erreurs et nos déficiences, afin d’aider notre société à se réconcilier avec son passé chrétien.
Comme archevêque de Québec et primat du Canada, je reconnais que des attitudes étroites de certains catholiques, avant 1960, ont favorisé l’antisémitisme, le racisme, l’indifférence envers les premières nations et la discrimination à l’égard des femmes et des homosexuels. Le comportement des catholiques et de certaines autorités épiscopales relativement au droit de vote, à l’accès au travail et à la promotion de la femme n’a pas toujours été à la hauteur des besoins de la société ni même conforme à la doctrine sociale de l’Église.
Perte de confiance
Je reconnais aussi que des abus de pouvoir et des contre-témoignages ont terni chez plusieurs l’image du clergé, et nui à son autorité morale : des mères de famille ont été rabrouées par des curés sans égard pour les obligations familiales qu’elles avaient déjà assumées ; des jeunes ont subi des agressions sexuelles par des prêtres et des religieux, leur causant de graves dommages et traumatismes qui ont brisé leur vie ! Ces scandales ont ébranlé la confiance du peuple envers les autorités religieuses, et nous le comprenons ! Pardon pour tout ce mal !
Le carême de 2008, dans le cadre de la préparation spirituelle au congrès eucharistique international de Québec, nous donnera l’occasion de témoigner publiquement de notre repentance, prenant appui sur le don de Dieu qui nous est fait dans l’eucharistie, pour la vie du monde. D’autres initiatives suivront pour faciliter l’accueil, le dialogue et la guérison de la mémoire.
Que cette recherche de paix et de réconciliation, vécue en toute sincérité, aide le Québec à se souvenir plus sereinement de son identité chrétienne et missionnaire, qui lui a valu une place enviable sur la scène internationale.
En tant que pasteur d’un peuple en grande majorité catholique, vous comprendrez que la transmission de notre héritage culturel et religieux me tient beaucoup à cœur. C’est pourquoi je réitère l’appui aux parents qui ont droit à ce que leurs enfants reçoivent à l’école un enseignement religieux qui corresponde à leurs convictions. Je demande donc avec eux à l’État de respecter la tradition québécoise de transmission des connaissances religieuses à l’école – pas nécessairement par l’école – et d’offrir un espace aux Églises et aux groupes religieux reconnus afin qu’ils donnent des cours confessionnels qui soient conçus et rémunérés par eux. Et qu’au nom de la liberté religieuse de chacun, le cours d’État d’éthique et de culture religieuse soit optionnel.
Nous sommes fiers d’être Québécois et Québécoises et nous ne voulons pas perdre nos moyens de transmettre les valeurs profondes de notre héritage religieux. Notre tradition judéo-chrétienne a fait de nous un peuple solidaire et charitable, nous savons faire preuve d’entraide et nous sommes capables de pardonner avec l’aide de Dieu. Afin de retrouver pleinement l’estime de nous-mêmes et la confiance en l’avenir, cherchons des chemins de réconciliation et offrons à nos compatriotes un dialogue vrai sur les valeurs spirituelles et religieuses qui ont façonné l’identité québécoise. En un mot, ne s’agit-il pas, aujourd’hui comme hier, tout simplement, de vivre l’évangile ?
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Marc Ouellet
L’auteur est archevêque de Québec et primat du Canada.
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