En cette fin d'année, j'y reviens. En guise de bilan sur le volet linguistique. 2009 aura été marquée par la décision de la Cour suprême du Canada rendue le 23 octobre dernier. En un trait de plume elle a pulvérisé un quatrième pilier de la Charte québécoise de la langue française : l'obligation pour tous les enfants du Québec de fréquenter le réseau français, à l'exception de ceux dont un parent ou un frère ou une sœur a fréquenté le réseau anglais au Québec ou au Canada. Antérieurement la Cour suprême du Canada avait invalidé le français comme seule langue de l'État et de l'administration, avait cassé la clause Québec pour ouvrir le réseau scolaire anglais à tous les Canadiens anglais et avait réintroduit l'anglais dans l'affichage commercial. Sans compter plusieurs autres atteintes sur plusieurs autres points. Pourquoi tant d'acharnement?
Dans toute société la langue remplit quatre fonctions. D'abord utilitaire : une fonction de base matérielle; transmettre des informations, des données. La langue de traduction remplit cette fonction. Le multilinguisme aussi. Ensuite citoyenne : une fonction de délibération publique permettant le bouillonnement et l'engagement démocratique. Puis identitaire : une fonction de représentation collective, de mémoire historique, de sentiments d'appartenance, de solidarités spontanées. Un accent reconnu dans un métro à l'étranger ou sur plage dans le Sud nous en convainc. Et la fonction politique.
La langue sert à « faire nation ». Ben Gourion, premier président de l'État d'Israël nouvellement crée est allé jusqu'à ressusciter une langue morte, l'hébreu, pour « faire nation ». Ici, deux siècles avant la France, les nouveaux habitants arrivant de plusieurs régions de France, ayant des patois distincts, firent nation en adoptant une langue commune, celle de l'Ile de France. La langue a donc une fonction politique. Et c'est cette fonction qui ne passe pas au Canada. Ou plutôt, le Canada porte un projet linguistique différent de celui du Québec précisément pour « faire nation » canadienne (nation building).
Il faut peut-être se rappeler que dans notre propre histoire, visant le peuple canayen, puis canadien français, et plus tard québécois, les dominants s'en sont systématiquement pris à la langue. Au moins à sept reprises : 1755 (déportation des Acadiens); 1759 (prise de Québec) et 1763 (proclamation royale); 1840, l'Acte d'Union; 1864-71, etc. (élimination du français dans toutes les provinces anglaises; 1969 (reconnaissance de services là où le nombre le justifie et non de droits); 1982 (constitution non signée par le Québec où les droits sont individuels et non collectifs) et la dernière décision de la Cour suprême du Canada le confirmant. Il y a ici une partie de bras de fer que le Canada lui-même a rendu indénouable tellement les conditions de modification de la constitution canadiennes sont impossibles à remplir (règle de l'unanimité, règle du 50% plus 7 provinces, règle du véto régional et obligation de référendum dans au moins trois provinces!). Qui pense qu'il y a encore une solution à la pérennité du français à l'intérieur du Canada?
Oui, la langue a une fonction politique - Et il y a deux projets politiques
Qui pense qu'il y a encore une solution à la pérennité du français à l'intérieur du Canada?
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