Que fait Guy Ouellette en politique ? Est-il une sorte d’agent infiltrateur ?
L’arrestation du député de Chomedey mercredi couplée à l’opacité de l’Unité permanente anticorruption quant à cette opération suscitent plusieurs légendes, voire caricatures, à propos de l’homme.
Ça doit le faire sourire, lui, le « factuel ».
« Je suis avant tout un homme de renseignements. Être rigoureux, s’en tenir aux faits, au “factuel” comme on dit dans le métier, est primordial », écrivait-il en préface de Mom (Intouchables, 2005), son récit de ses 31 années d’enquêteur doublé d’une biographie non autorisée de son ennemi juré, le chef des Hell’s Angels, qu’il a contribué à faire coffrer.
Actuellement, se développe une impression selon laquelle Ouellette a fait de la politique un sport de renseignements. Député de Chomedey ? La continuation de son ancien métier par d’autres moyens.
Bernard Drainville évoquait même, hier, au 98.5, une impression encore plus forte : l’ex-policier serait, aux yeux d’un certain public, une sorte d’Edward Snowden québécois (informaticien ex-employé de la CIA qui a dévoilé nombre d’informations explosives).
L’avenir pourrait confirmer ou infirmer ces thèses. Je dis bien « pourrait », car saura-t-on jamais tout de cette affaire trouble ?
Cirage
Aujourd’hui, on nage dans le cirage. Que reproche-t-on au député ? Le communiqué de l’UPAC de jeudi ne mentionnait même pas son nom. On y évoquait de « possibles infractions d’abus de confiance et d’entrave à la justice ».
La situation a quelque chose de surréaliste : un élu a été arrêté, semble-t-il, sans mandat après avoir été — semble-t-il — leurré. Son appartement a fait l’objet d’une perquisition.
Les lanceurs d’alerte des uns sont les félons des autres. (Mot du jour signifiant « qui trahit ses engagements ».)
En public, les libéraux prônent évidemment la présomption d’innocence.
En privé, plusieurs d’entre eux n’hésitaient pas à admettre que le lien de confiance était rompu. On le traite de « bandit », de traître.
« On ne sait jamais à côté de qui on est assis », me disait un ministre libéral furieux contre son ancien collègue, cette semaine.
Un peu plus et on disait : « C’est notre Claude Morin ! »
Était-il un infiltré au PLQ ? On le dit pourtant très attaché à « son » parti auquel il s’est joint en 2007 peu avant l’élection d’un gouvernement Charest minoritaire.
Chose certaine, déçu de ne pas être ministre, Guy Ouellette a pris au sérieux et le travail parlementaire et l’indépendance du législatif. A pris plaisir à présider des commissions parlementaires, dont celle des institutions. Il n’est pas du type partisan, sauf pour certains de ses combats.
Vivement les faits
Par exemple, il s’est longtemps opposé à la mise sur pied d’une commission d’enquête sur l’industrie de la construction. Devant Charbonneau, il sera d’ailleurs question d’une de ses activités de financement où il aurait été tenté par le financement sectoriel. L’UPAC l’interrogera à deux reprises à ce sujet.
Au reste, il ne se gênait pas pour critiquer le patron de l’UPAC, Robert Lafrenière.
Dans son rapport de mission, remis au premier ministre en septembre, sur la norme anticorruption ISO-3701, on pouvait lire entre les lignes sa grande méfiance à l’égard de l’UPAC : « La perception que les gens les plus corrompus sont ceux qui travaillent dans les services anticorruption est très présente dans plusieurs parties du globe. Qui garde les gardiens ? Comment sont sélectionnés les dossiers d’enquête ? »
Évidemment, on n’arrête pas un député parce qu’il fait du renseignement en politique, est non partisan ou parce qu’il promeut une norme peu commode pour un organisme comme l’UPAC.
Vivement les faits donc, les accusations, les preuves. Vivement le « factuel ».
LA CITATION DE LA SEMAINE
« Si mes propos ont pu être appelés à être interprétés, je fais amende honorable et je m’en excuse. »
– Stéphanie Vallée, ministre de la Justice, à propos de sa volte-face au sujet de la loi 62.