Une soixantaine de groupes environnementaux canadiens pressent l’Office national de l’énergie de prendre en compte la question des gaz à effet de serre dans l’étude du projet Énergie Est de TransCanada. L’organisme fédéral a toutefois déjà indiqué que cet aspect ne ferait pas partie de l’évaluation du projet d’exportation de pétrole des sables bitumineux.
Dans une lettre adressée jeudi au président de l’Office national de l’Énergie (ONÉ), Peter Watson, les groupes lui demandent de réexaminer la liste des enjeux du projet de pipeline « afin d’y inclure les impacts qu’aura cet oléoduc sur la pollution planétaire et le climat ». En clair, ils souhaitent que l’ONÉ évalue la quantité de gaz à effet de serre (GES) générée par la production pétrolière nécessaire pour alimenter le pipeline, qui transportera 1,1 million de barils par jour.
Pour le moment, la seule estimation disponible est celle produite par l’Institut Pembina. Selon l’étude publiée par le groupe plus tôt cette année, le pipeline Énergie Est devrait entraîner une production de pas moins de 32 millions de tonnes (Mt) de GES par année, soit l’équivalent des émissions annuelles de sept millions de véhicules.
Cette production de GES dépasse le total de toutes les industries du Québec, qui se chiffre à 25,3 Mt. Les émissions liées au projet de TransCanada sont aussi plus importantes que les émissions de toutes les automobiles, camions légers et camions lourds en circulation au Québec (27,4 Mt).
Non, dit l’ONÉ
Le hic, c’est que l’ONÉ a fait savoir dès le départ qu’elle n’aborderait pas la question des GES dans son étude du projet de TransCanada. « Les gaz à effet de serre et les changements climatiques ne feront pas partie de l’évaluation qu’on va faire », a répondu au Devoir un porte-parole de l’organisme fédéral, qui contrôle entièrement l’évaluation du plus important projet de pipeline en Amérique du Nord.
« L’Office reconnaît que ce sont des questions qui sont importantes aux yeux des Canadiens. Mais le rôle de l’Office est de réglementer les pipelines et bien souvent, les projets qui engendrent des gaz à effet de serre sont réglementés au niveau provincial », a-t-il ajouté, au lendemain du dépôt officiel du projet de TransCanada, au début novembre.
Une situation inacceptable, selon les groupes signataires de la lettre envoyée à M. Watson. « Le fait que l’ONÉ refuse de prendre en considération les impacts climatiques dans l’évaluation de ses projets est la dernière abdication de responsabilité en date de la part du gouvernement canadien par rapport à la lutte contre les changements climatiques », a souligné jeudi Steven Guilbeault, directeur principal d’Équiterre.
« Si nous ne pouvons pas discuter de l’expansion des sables bitumineux et du climat à l’ONÉ, où pouvons-nous le faire ?, a souligné pour sa part André Bélisle, président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique. Le transport par les pipelines en Alberta est presqu’à sa pleine capacité. En ajoutant une capacité de transport de 1,1 million de barils par jour, Énergie Est entraînera inévitablement une augmentation significative de la production et de la pollution en provenance des sables bitumineux. »
Climat
Alors que la communauté internationale négocie un futur accord de lutte contre les changements climatiques, les groupes estiment que le Canada ne peut faire fi de l’impact de l’exploitation des sables bitumineux. Cette industrie constitue le principal élément expliquant l’augmentation continue des GES au Canada.
« Si le Canada veut faire partie de la solution et lutter contre les changements climatiques, nous devons évaluer les impacts climatiques des projets comme Énergie Est et les rejeter s’ils contribuent à l’aggravation de la crise climatique », a d’ailleurs insisté Karel Mayrand, directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki.
Outre l’ONÉ, le gouvernement du Québec n’entend pas tenir compte des émissions liées à l’exploitation pétrolière albertaine dans son évaluation du projet de TransCanada. Le premier ministre Philippe Couillard a confirmé la chose la semaine dernière à la suite de sa rencontre avec le premier ministre albertain Jim Prentice.
Ce nouveau pipeline doit faciliter l’expansion de la production pétrolière de l’Ouest. Celle-ci doit atteindre 3,2 millions de barils par jour d’ici 2020, puis 5,2 millions de barils par jour en 2030. Cela veut dire que lorsque la construction du pipeline Énergie Est sera complétée, pas moins du tiers de la production canadienne des sables bitumineux transitera par le Québec. La province deviendra ainsi, et pour des décennies, la plus importante plaque tournante de la production pétrolière albertaine.
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