OTTAWA | Le gouvernement fédéral a payé 4,5 milliards de dollars pour un pipeline qui pourrait n’en valoir que 3,6, et des retards et des hausses des frais de construction quasi inévitables coûteraient 1 milliard de dollars de plus aux contribuables.
C’est ce que révèle une nouvelle étude du directeur parlementaire du budget publiée aujourd'hui au sujet de la valeur du pipeline Trans Mountain acheté par le Canada l’an dernier.
Au total, l’infrastructure de transport pétrolier dans l’Ouest canadien ainsi que son projet d’agrandissement seraient d'une valeur de 3,6 G$ à 4,6 G$.
«Le gouvernement a payé le prix plus élevé dans la fourche de prix [pour le pipeline Trans Mountain]. Si c’était une voiture, on pourrait dire que le gouvernement a payé le prix affiché, sans négocier ou recevoir de rabais. Il a payé le prix suggéré par le manufacturier», note le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux.
Le pipeline Trans Mountain transporte actuellement du pétrole brut entre les raffineries de l’Alberta, de la Colombie-Britannique et des États-Unis. Un projet d’expansion proposé par l’ancien propriétaire, Kinder Morgan, vise à allonger et doubler la capacité de cette infrastructure.
Or le projet est hautement contesté par des groupes autochtones et environnementaux dans l’Ouest canadien, et a subi de nombreux retards et contrecoups.
La Cour fédérale a notamment servi une cuisante défaite à Ottawa le 30 août dernier en ordonnant au gouvernement d’aller refaire des études et des consultations avant d’approuver les permis de construction de l’agrandissement.
Le gouvernement fédéral a donc décidé le lendemain d’acheter le pipeline afin de pouvoir terminer le projet lui-même. Le pipeline doit entrer en service le 31 décembre 2021.
Retards très coûteux
Or un retard d’un an ou une augmentation des coûts de construction de 10 % feraient chuter la valeur du pipeline de 1 G$ supplémentaire, calcule le DPB.
Il juge aussi que ces scénarios sont fort probables.
«S’il y a des retards ou des dépassements de coûts, c’est sûr que le gouvernement aura payé trop cher pour l’agrandissement du pipeline [...] Il est peu probable, selon moi, que la construction soit complétée à temps, et chaque fois qu’on retarde l’échéancier d’un projet d’infrastructure majeur, les coûts ont tendance à augmenter», analyse M. Giroux.
«Il ne faut pas oublier que la construction de ce pipeline passe en terrain qui est parfois inhospitalier [...] la construction en hiver est plus difficile, et elle est interdite à certains endroits par moments, à cause des impacts sur la faune», a continué le DPB.
L’analyse du chien de garde des finances fédéral vient toutefois avec un hic: il n’a tenu compte ni de la valeur de différents terminaux attachés au pipeline ni d'une autre partie de pipeline à Puget Sound, inclus dans la transaction.
«La valeur de ces actifs dépend purement de l’expansion du pipeline, et si celle-ci n’a pas lieu, la valeur de ces actifs diminue significativement», explique le DPB.