On fait quoi maintenant?

D'abord, on pose un diagnostic, puis on propose une solution

Tribune libre

Après l'élection de septembre 2012, l'Action Nationale a publié une analyse qui présageait des jours difficiles pour le PQ. Suite à la raclée du 7 avril, ce document peut nous aider à mieux comprendre ce qui s'est passé.
En résumé, on nous dit ceci:
- Jusqu'en 1998, le PQ et le PLQ se disputaient le vote des québécois. C'était un monde bipolaire (bipartisme). Un indépendantiste n'avait pas d'autre choix que le PQ. Un fédéraliste n'avait pas d'autre choix que le PLQ. Dans ce monde, le PQ arrivait à tirer son épingle du jeu.
- À partir de 1998, le PQ a commencé à mettre en sourdine son article Un. L'objectif de prendre le pouvoir prenait le pas sur l'objectif de l'indépendance. D'année en année, on a dilué et remis à toujours plus tard le projet de pays.
- Cela a enclenché un processus de défection au PQ. Plusieurs en sont venus à la conclusion que la stratégie poursuivie par le PQ ne pourrait jamais mener à l'indépendance, et ont commencé à regarder ailleurs.
- Certains se sont réfugiés dans l'abstention. D'autre, plus à droite, ont créé l'ADQ. D'autres, plus à gauche, ont créé QS. La coalition que le projet d'indépendance avait réussi à maintenir a éclaté.
- D'un monde bipolaire, nous sommes soudainement passés à un monde multipolaire. Bien involontairement, dans le but de s'approcher du pouvoir, le PQ a engendré le multipartisme d'aujourd'hui, qui a un effet tout à fait contraire.
- Dans ce nouveau monde, le PLQ bénéficie d'une avantage déterminant: le vote non francophone (15% des électeurs inscrits) lui assure au départ un minimum de 35% des sièges.
- Le PQ ne bénéficie pas d'un tel coussin. Au contraire, beaucoup de francophones l'ont abandonné pour essaimer vers d'autres partis.
- M. Serré de l'Action nationale conclu donc que cette division du vote francophone fait en sorte que le PQ ne peut à peu près plus espérer un gouvernement majoritaire. Grâce à son électorat non francophone, seul le PLQ peut maintenant aspirer à un tel statut.
- La CAQ et QS sont désormais bien implanté. Il est donc futile d'espérer un retour au bipartisme d'avant 1998.
- Et M. Serré de conclure: «C’est ainsi que le nouveau système de partis esquisse les contours d’une nouvelle grande noirceur repoussant encore plus loin dans le temps l’indépendance du Québec et le rêve d’une société plus juste et intolérante face à la corruption et au favoritisme.»
M. Serré a écrit ce mots quasi prophétiques en Octobre 2012. L'élection de 2014 vient d'en rajouter une couche.
ALORS, QUE FAIT-ON MAINTENANT???
Le PQ n'a guère plus d'autre choix que l'alternative suivante:
- Il supprime l'article Un de son programme, et fusionne avec la CAQ (ou une variante de ce concept).
Ou....
- Il renforce son article UN pour énoncer qu'un vote pour le PQ est un vote pour initier le processus d'accession à l'indépendance. Il faudra rédiger cet article assez clairement pour que même Stéphane Dion n'y trouve aucune ambigüité. À partir de là, on travaille à temps plein pour promouvoir le projet de pays, quitte à oublier le pouvoir pour plusieurs années.
Les sondages accordent généralement 40% à l'idée de l'indépendance. Il faudra donc rapatrier les brebis égarées, puis faire croître ce pourcentage pour aller chercher le 50%+1.
Mais, où trouver ces appuis?
D'abord, du côté des francophones. Parce que le bloc non francophone est, et restera, acquis au PLQ.
Mais, où sont ces francophones?
Sans doute, quelques uns de la CAQ et de QS. Mais surtout de la masse des abstentionnistes (28.5% des électeurs inscrits en 2014). Finalement, il faudra cibler particulièrement les jeunes de 35 ans et moins. Si on se décide finalement à oser parler d'indépendance avec eux, on pourrait avoir d'heureuses surprises.
Chaque élection devenant une élection référendaire, on peut s'attendre à ce que le taux de participation soit très élevé. Les abstentionnistes seront ainsi forcés de sortir de leur tanière. Par exemple, le taux de participation au référendum de 1995 était de 93.5%. Ce faisant, la CAQ et QS risquent de se faire sortir du marché. Si le PQ arrive à être perçu comme menaçant, les fédéralistes vont se réfugier massivement au PLQ.
Si dans quatre ans, le PQ réussi à aller chercher 40% du vote, alors, tout les espoirs seront permis. Avec 40% du vote, le PQ constituera un parti en excellente santé. Il formera l'opposition officielle, et bénéficiera d'un financement tout à fait approprié. Par contre, s'il ne réussi pas à faire mieux que le 25% actuel, il faudra tirer les conclusions qui s'imposent.
Pendant ses années dans l'opposition, le PQ aura amplement le temps de rédiger l'ébauche d'une constitution, et une feuille de route vers l'indépendance. Lorsque le PQ se fera élire avec une majorité absolue des votes (50%+1), il pourra immédiatement enclencher un référendum sur la constitution, et entamer la démarche vers l'indépendance.
Si le PQ remporte une majorité de circonscriptions avec 40% du vote, il devrait refuser de former le gouvernement. Il devrait demander au Gouverneur Général de former un gouvernement à partir d'une coalition des autres partis. Il faut que cela soit clair que l'on refuse de gérer les bécosses d'une province. L'objectif, c'est de gérer un pays. Rien d'autre.
Je termine avec un dernier commentaire. Le contexte socio-économique actuel ne favorise pas tellement le projet d'indépendance. Toutefois, on commence à percevoir des signes que le contexte socio-économique pourrait changer assez radicalement dans les prochaines années. Il est donc important de garder le projet de pays en vie parce que les conditions pourraient changer rapidement.


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11 commentaires

  • Marcel Haché Répondre

    18 avril 2014

    @ Gaston Carmichael
    Je sais que vous savez lire Gaston Carmichael.
    Je réponds ici, sur votre texte, aux questions que vous me posiez sur le texte de M. Prumeau.
    Je ne suis pas « contre » ni « un » référendum ni « le » référendum. J’ai voté Oui deux fois. Et s’il m’était donné de pouvoir voter Oui 10 fois encore, ce dont je doute beaucoup…je voterais 10 fois encore Oui.
    Je refuse simplement que le phare Référendum prenne autant de place dans la Marche de l’Indépendance. Ce n’est pas- et cela n’a jamais été quant à moi- le bon phare. Et il y a une même différence entre le phare et le cap qu’il y en a une entre le Rêve et la Réalité. Et il y a de la conséquence à bien distinguer : tous les référendums sur beaucoup de sujets, à peu de chose près, révèlent les avis différents, divergents, mais ils les consacrent aussi, fixent les antagonismes, et divisent durablement. Et au Québec plus particulièrement, parce que le West Island veille au grain…pendant que les indépendantistes feignent d’ignorer qu’il existe.
    Le bon cap, le seul, c’est l’Indépendance. Mais le Phare, c’est Nous. Mon humble avis, évidemment.
    C’est Nous que le P.Q. doit défendre, et non pas s’imaginer qu’il Nous défend parce qu’il défend de vieilles institutions, ou qu’il en promeut de nouvelles. Franchement, même si je ne suis pas de cette génération de ce temps lointain, je crois que les indépendantistes pourraient tirer profit de l’expérience Maurice Duplessis, qui a beaucoup « défendu » mais n’a pas beaucoup « innové », mais à qui cependant le Nous de l’époque lui avait consenti la clef de la Maison Québec, ce qui reste déterminant.
    Et maintenant, dans une telle éventualité, c’est-à-dire l’obtention de la clef de la Maison Québec, je vous retourne la question, Gaston Carmichael, que vous venez ici de me poser encore une fois : en échange de la clef de la Maison, est-il si important que l’article #1 reste #1, ou devienne #3, ou numéro 5, peu importe, Gaston Carmichael si le Cap, restant le même, si le phare devenait enfin le bon… ? N’avons-nous pas suffisamment tourné en rond ?
    Un dernier commentaire : « at last », et malgré toutes les péquisteries dont les indépendantistes sont encore capables, le West Island sera isolé mais ne sera pas ostracisé. Soit. Cela est entendu. Mais ne peut-il pas être un tipeu boxé avant d’être isolé ? D’autant qu’il nous boxe plutôt sérieusement… Pourquoi ne pas comprendre ce que « Maurice » avait compris il y a longtemps, et…ne pas s’y appliquer avec détermination ? Mais cette fois avec Détermination! Toute une ! Et non pas juste un tipeu de détermination…Parce que tout le discours un tipeu déterminé, les rouges et les médias ensemble sont capables d’en faire vous savez quoi depuis le 7 Avril.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 avril 2014

    @M. Carrier,
    Effectivement, ce texte de Louis Charlebois ressemble beaucoup au mien. Sauf que le sien est plus complet, et mieux fignolé. Merci pour la référence.
    J'ai bien apprécié ce paragraphe, qui est un véritable défi aux partisans du statu quo:
    «Les « référendiens » qui s’y opposent doivent être amenés à défendre leur approche, à cesser de prendre pour acquis qu’elle est la seule valable, à prouver aux partisans qu’ils ont appris quelque chose de la défaite et à expliquer comment ils comptent adapter la stratégie pour une victoire. Leurs arguments gagnent à être adressés un à un et testés contre l’option alternative.»

  • Archives de Vigile Répondre

    15 avril 2014

    Bonjour M. Carmichael
    Excellente analyse et conclusions, qui va de pair d’ailleurs avec plusieurs points de l’article « Antidote aux paralytiques » de Louis Charlebois http://www.vigile.net/Antidote-aux-paralytiques.
    Le meilleur moment pour métamorphoser un parti est lorsqu’il est à l’ombre. Les nostalgiques rigides et les politiciens carriéristes sont momentanément affaiblis et déroutés. Leur défaite les oblige à écouter de nouvelles idées.
    Marois et cie ont opté de ne pas métamorphoser le parti lorsque Boisclair l’a envoyé à l’ombre la première fois. Espérons que cette fois sera différente.
    Quant aux critiques craignant que ce changement tactique réduira le parti à la taille de ON dans les intentions de vote, je n’y crois pas. Il est crédible d’affirmer qu’il y a toujours un noyau solide de 25% d’indépendantistes au Québec et qu’au minimum ceux-ci préféreront poursuivre avec un parti métamorphosé mais bel et bien souverainiste, plutôt que suivre une fade ambiguë comme la CAQ, qui est d’ailleurs tout aussi impuissante.
    25% c’est assez pour rester à vue, dans le décor comme option sérieuse, non marginale, prête à lever quand le vent tournera. C’est assez pour élire 20 à 40 députés et avoir une place aux débats dans les médias. Ça n’a rien à voir avec les 1% de l’ON. Si parmi ces 25%, 2 ou 5 % quittent à cause de cette métamorphose, 2% à 5% autres reviendront eux au bercail, stimulés par l’arrivée de ce changement.
    C’est une chose quand une voie nouvelle est proposée par un nouveau parti inconnu, c’est une toute autre quand cette même idée est proposée par un parti qui a déjà obtenu 49% des votes et gouverné 3 fois. Beaucoup plus de gens écouteront l'idée si ça vient d'un joueur établi.

  • François Ricard Répondre

    14 avril 2014

    Oui à une ou des élections référendaires.
    Si le PQ met le cap sur l'indépendance et s'il prend la peine de dire aux gens deux choses:
    1- voici ce dont il aura l'air, ce pays. Une république démocratique.
    2- l'indépendance, c'est payant.
    Le PQ, alors majoritaire à l'Assemblée nationale, enclenche le processus de libération.

  • Stéphane Sauvé Répondre

    14 avril 2014

    Monsieur Cloutier,
    Vous comme moi, comme eux, avons nos prises de conscience à faire...Haché, Barberis et cie. feront les leurs (enfin j'espère!).
    Dans mon cas, c'est fait. L'indépendance, elle se fait et se fera chaque jour. Je n'attends plus le PQ ou un messie pour y arriver.

  • Archives de Vigile Répondre

    14 avril 2014

    .
    Le diagnostic de Mathieu Bock-Côté
    Cliquer « Entrevue avec Mathieu Bock-Côté et Alec Castonguay »
    Le statu quo est-il encore une option pour le PQ?

  • Pierre Cloutier Répondre

    14 avril 2014

    Moi je dirais que la première chose à faire c'est de se débarrasser de ce que moi j'appelle la "mentalité Marcel Haché". Ils nous ont fait tellement de tort ces gens-là et ils veulent continuer. Moi, je les encourage à immigrer vers la CAQ et à y rester.
    Pierre Cloutier

  • Archives de Vigile Répondre

    14 avril 2014

    Il manque un élément a cette stratégie;
    Le temps.
    Rester sur le bord du chemin et regarder les autres gouverner est la manière la plus rapide de disparaître.
    Il va falloir s'occuper, comme dit l'autre, 'de la petite politique provinciale de merde'.
    Les kamikaze c'était en 1944, on connaît la fin.

  • Jean-Jacques Nantel Répondre

    13 avril 2014

    Le plus important pour obtenir un appui majoritaire à la souveraineté sera de convaincre les Québécois que la souveraineté sera une affaire payante.
    C'est exactement ce que j'ai fait avec succès avec ma vidéo 13 sur Youtube qui s'intitule ¨Québec-Canada. Vidéo 13: Voici la preuve que l'indépendance sera payante¨, une vidéo qui a déjà été visionnée par près de 9000 Québécois avec un taux d'approbation de plus de 96%.
    Il faut arrêter de parler de la protection de la langue française, le plein de votes a été fait de ce côté. Si, par contre, on parle de l'argent à faire avec la souveraineté, même une partie des immigrants vont alors voter pour nous puisqu'il sont venus ici pour s'enrichir.
    Et arrêtons de demander aux fédéralistes s'ils veulent d'un référendum, bon sang!

  • Grarlam Répondre

    13 avril 2014

    On fait quoi? On dissout le PQ, qui ne gagnera jamais une autre élection. On fonde un nouveau parti nationaliste autonomiste, sans séparatisme.
    Une nouvelle Union Nationale modernisée avec un chef charismatique non lié par la haute finance, comme Duplessis.

  • Marcel Haché Répondre

    13 avril 2014

    « Il faut que cela soit clair que l’on refuse de gérer les bécosses d’une province » Gaston Carmichael.
    M. Carmichael.
    Cela peut se faire, certes, mais c’est le plus sûr moyen de se couper définitivement de l’électorat. Ce n’est même pas certain que l’électorat péquiste traditionnel veuille suivre un parti qui ne veut plus rien gérer. Ah oui, ce pourrait être chaque fois une élection référendaire ?
    C’est seulement s’il est majoritaire au pouvoir qu’un parti indépendantiste peut proclamer, et escompter un minimum de succès, qu’une élection est référendaire, parce que c’est lui alors qui reste maître du jeu et du sujet de l’élection.
    Minoritaire, le P.Q. n’a pas même été en mesure de continuer et imposer un sujet aussi simple qu’une charte sur la neutralité. Minoritaire ou dans l’Opposition, c’est pareil pour un parti indépendantiste. C’est la première leçon à tirer de la dernière élection.
    Le P.Q. n’aurait pas davantage qu’O.N. la force nécessaire pour imposer aucun sujet référendaire s’il reste dans l’opposition. Il serait d’ailleurs très rapidement écarté de la scène politique, aussi sûrement qu’O.N. l’a été à deux occasions.