C’était la Conférence des présidents du Parti québécois en fin de semaine à Montréal. Le grand post mortem de la dégelée subie par le parti lors de la dernière élection.
La réaction de Jean-François Lisée était attendue. Dans les coulisses, on savait pourtant que l’ex-chef n’allait pas faire acte de contrition.
Lisée n’a pas déçu (sic!). Le PQ a gagné la campagne selon lui; tout en ajoutant qu’il ne croyait pas avoir commis d’erreur dans le cadre de celle-ci. Et que ça aurait pu être bien pire pour le Parti québécois.
Cet homme est dans le déni. La réalité c’est que sous sa gouverne, le Parti québécois n’a jamais vraiment réussi à s’imposer comme alternative solide, crédible, aux Libéraux. Vrai que dans l’urne, la majorité des électeurs ont voulu en finir avec le règne délétère du Parti libéral, mais il y avait une place à prendre, un terrain complet à occuper, ce que le PQ de Lisée n’a jamais réussi à faire.
Et en fin de compte, le chef doit porter la responsabilité de cet échec. Ce que, manifestement, Jean-François Lisée refuse de faire. À sa défense, on admettra que le positionnement politique du Parti québécois est déficient depuis longtemps.
Tiraillé à gauche, à droite, attaqué de toutes parts, ne sachant trop comment assumer sa propre raison d’être, ce parti se cherche depuis la déroute de 1995. Le PQ n’a pas gagné de majorité parlementaire au cours du présent millénaire. Et la dégelée de 2018 devra servir de tremplin à la plus importante réflexion qu’il aura à faire depuis sa fondation, il y a 50 ans.
Tout doit être sur la table. Aucune option ne doit être repoussée d’emblée. Déjà, on sent une volonté intéressante de vouloir repositionner le PQ résolument vers sa raison d’être, l’indépendance.
Alors... on fait quoi avec le Parti québécois?
Certains voudront faire comme d’habitude, espérer la conjoncture favorable à l’élection du Parti québécois. Comme l’analysait Martine Biron de Radio-Canada, espérer que la CAQ se plante, prendre la place, saisir la balle au bond. D’autres voudront ébranler les colonnes du temple, quitte à le voir vaciller et rebâtir sur les décombres.
Analyse des grandes tendances.
Les réformateurs
Certains voudront surtout dépoussiérer la maison, regarder du côté du programme, des accessoires, de la présentation du message et tenter d’améliorer le véhicule politique qu’est le Parti québécois. Je les appellerai ici les «réformateurs».
Se lancer dans une énième réflexion et préparer les prochaines élections en fonction du cadre qui existe déjà. Ouvrir un peu plus les fenêtres, certes, mais dans l’optique du maintien du véhicule en place. Se cracher dans les mains, travailler fort dans les coins, être une bonne opposition à l’Assemblée nationale et travailler à présenter un PQ qui fera mieux la prochaine fois.
Tout en essayant d’attirer plus de monde dans la maison. Tout en protégeant la marque du véhicule. Ceux-ci seront très attachés à l’héritage politique du Parti québécois et la suite des choses devra se faire, pour eux, au PQ.
Les refondateurs
D’autres au Parti québécois accepteront de remettre en cause jusqu’aux fondations de la maison. Faire l’état des lieux, certes, mais sans exclure la possibilité qu’il faille tout rebâtir sur des bases plus saines. Quitte à changer l’adresse; le nom. Oui, aller jusque là.
Car il faudra bien la poser cette question, celle qui brûle les uns, qui agace les autres...
La marque « Parti québécois » est-elle entachée? Le serait-elle au point d’être un boulet pour une large part de l’électorat? Il est indéniable que pour certains, des jeunes et d’autres, de ma génération par exemple, le PQ est le parti de ceux qui l’ont fondé, des baby-boomers et de ceux qui ont suivi tout de suite après.
Un parti qui a mal vieilli. Qui a perdu ses repères, qui n’a jamais su se remettre du rendez-vous avorté de 1995.
Pourtant, dès lors, nous avons eu un aperçu de ce qui allait venir. On se souviendra de la déclaration de Jacques Parizeau sur l’argent et le vote ethnique. Cela aura suivi l’ex PM toute sa vie. Pourtant, quand on analyse la chose froidement, quand on prend le temps de lire, par exemple, le brûlot de Robin Philpot sur le référendum de 1995, difficile de ne pas conclure que M. Parizeau savait très bien de quoi il parlait.
Surtout par rapport à «l’argent», à cette fraude inqualifiable. À plus forte raison peut-on être transi de rage quand on voit un des artisans de cette fraude, Jean Chrétien, qui parade dernièrement, s’en vantant presque...
Le Parti québécois ne s’est jamais vraiment remis de ça.
Avec le temps, ses adversaires ont réussi à lui coller l’image d’un parti ringard, réactionnaire à la limite. Dans le dossier de la laïcité et des accommodements raisonnables, la gauche et une part de la caste médiatique qui l’appuie ont réussi à instiller l’idée que le PQ a versé vers la droite identitaire; pire, ces adversaires, à coup d’assignations fallacieuses de racisme faites à répétition, ont réussi à convaincre bien des jeunes que cette formation politique était infréquentable.
Ça m’écoeure de l’écrire, mais le nier serait faire fausse route.
Ça m’écoeure, car c’est bien mal connaître le Parti québécois. Lors de la dernière campagne, le PQ présentait une équipe diversifiée, compétente. Comment peut-on croire qu’un parti qui comptait comme ténors dans son équipe des candidat(e)s comme Catherine Fournier, Paul St-Pierre Plamondon, Jean-Martin Aussant, Maka Kotto, Pascal Bérubé, Jennifer Drouin, etc. Comment croire que ce parti était versé vers l’intolérance, un parti réactionnaire, dépassé...
Pourtant, lorsque j’ai causé avec des candidats de leur expérience lors de la récente élection, j’ai entendu plus d’une fois que ceux-celles-ci s’étaient butés à beaucoup de résistance à la seule mention de leur parti.
« On avait beau avoir travaillé sur notre programme, sérieusement, avec rigueur et passion, rien à faire. Ce n’était pas une question de programme, c’est tout simplement que bien des gens rebutaient à la seule mention du Parti québécois. Cette volonté de changement des électeurs, elle nous a visés nous aussi » m’expliquait un candidat que j’ai rencontré récemment.
Dans le cadre des réflexions que mèneront les députés, militants et sympathisants du Parti québécois, il devrait y avoir une place pour que cette réflexion-là se fasse aussi.
Certains diront que le simple fait d’évoquer une « refondation » de cette formation politique serait donner raison aux adversaires du PQ, notamment ceux à gauche qui ont tant travaillé à lui coller, faussement, cette assignation d’intolérance.
On leur rappellera que cette gauche a changé de noms plusieurs fois depuis 1995, s’appelant même « Parti de la démocratie socialiste » (PDS) à un moment donné, ce qui est assez gênant en soi.
L’idée de repartir sur de nouvelles bases fera son chemin chez plusieurs militants au Parti québécois. Voyons ce qui en ressortira.
(Bientôt, une autre entrée de blogue sur les perspectives du PQ par rapport aux autres formations politiques, ici la CAQ et Québec solidaire.)