La neige tombe, c’est une belle tempête, elle donne envie de s’enferme chez soi et de se réfugier près du foyer, si on en a un.
Nous aurons droit, comme le veut la chanson, à un Noël blanc et pour quelques jours, nous regarderons cela avec une forme de tendresse poétique en pensant à nos souvenirs d’enfance. Mais le nouvel an passé, l’hiver s’imposera à nous et on aura beau chanter les sports d’hiver et le froid qui revigore, on commencera à pester: nous passerons de l’hiver poétique à l’hiver maudit, celui qui chaque année, devient tôt ou tard étouffant. Notre peuple s’encabanera: que faire d’autre devant un froid glacial? Lorsqu’il le faudra vraiment, nous sortirons de chez nous emmitouflés, nous affronterons les éléments avec résignation. Et nous espérerons le printemps qui comme d’habitude, prendra plus de temps qu’il ne le devrait pour s’installer. La psychologie du peuple québécois est intimement marquée par l’hiver: faut-il se surprendre qu’il occupe une telle place dans notre culture?
On me demandera pourquoi je me transforme d’un coup en commentateur météo. Pour une raison simple: je confessais cette semaine sur Facebook mon admiration pour les premiers colons de la Nouvelle-France qui ont entrepris de bâtir ici un pays, dans un environnement hostile, inimaginable et j’ai constaté qu’ils étaient très nombreux à partager ce sentiment. Alors je me permets de le développer un peu. Des hommes et des femmes normalement constitués auraient vu dans cette entreprise une folie insensée: pourquoi construire un pays dans un coin du monde où il faudra toujours se battre pour survivre. Pourquoi construire une Nouvelle-France sur ce territoire qui semblait inhospitalier à un tel idéal? Comment ont-ils pu tenir? Oui: comment ont-ils pu résister? Quelle promesse devinaient-ils? Chaque fois que je vois arriver l’hiver, je suis pris d’admiration pour nos ancêtres. L’histoire de l’Amérique française, depuis cinquante ans, a été tour à tour oubliée puis diabolisée. C’est pourtant une histoire magnifique, une épopée, même, comme nous le disions dans un hymne qu’on nous a volé. C’est une histoire qu’on devrait redécouvrir, en portant attention à son incroyable charge poétique.
Vigneault a écrit sur cela des chansons magnifiques et ce n’est pas sans raison qu’il est notre plus grand poète: il a su saisir l’âme québécoise dans ses plis les plus intimes. Ce pays, nous le savons, est d’une immense beauté et il faut le parcourir pour le découvrir dans sa splendeur. Comment avons-nous pu, au fil des siècles, jeter partout nos villes et nos villages dans ce pays de poudrerie? Notre peuple, manifestement, n’était pas étranger à l’esprit d’aventure. Nous aurions dû le savoir: il a conquis l’Amérique, il en a exploré à peu près tous les racoins. Il en reste quelque chose chez les Québécois d’aujourd’hui. Mais je reviens à l’essentiel: dans ce coin d’Amérique qui nous appartient encore qu’est le Québec, nous avons eu le culot de construire un nouveau monde, plein de défauts, certainement, un nouveau monde inachevé, certainement, mais un monde qui est le nôtre et auquel nous appartenons intimement. Ce Québec mérite d'être chanté: ceux qui l'ont fait naître et ceux qui le font vivre poursuivent une très grande aventure.