On apprenait hier qu’un nouveau cégep « bilingue » pourrait bien être créé à Vaudreuil-Dorion à l’automne 2021. Il naîtra de la collaboration entre deux cégeps francophones et un cégep anglophone.
Apparemment, il y aurait une clientèle pour cela. C’est à tout le moins la logique qui justifie ce projet.
Cette proposition vient confirmer et renforcer une dynamique très défavorable au français dans la grande région de Montréal, où l’enseignement supérieur bascule actuellement du français à l’anglais, comme l’a souligné à de nombreuses reprises le chercheur Frédéric Lacroix, ces derniers temps. Car il ne s’agit pas d’un cas isolé. Au contraire.
La Fédération des cégeps s’est dite « emballée » par ce projet. On cherche à comprendre comment notre classe dirigeante peut ainsi s’enthousiasmer pour le déclassement du français, confirmé par un nombre croissant d’indicateurs.
Anglicisation
On a beau parler d’approche marchande et de dérive clientéliste du système d’éducation, on peine à ne pas voir ici des mécanismes psychologiques plus profonds, comme si certains Québécois consentaient de plus en plus à vivre en étrangers dans leur propre pays.
La conversion du français à l’anglais par le passage du bilinguisme institutionnel n’est rien d’autre qu’une trahison à l’échelle de l’histoire.
Évidemment, elle est masquée par de grands discours vertueux. On parle de mondialisation, de rencontres des cultures. Et les militants d’un Québec français passent pour réactionnaires. Dans les faits, une partie de nos élites porte désormais la culture québécoise comme un fardeau. La société québécoise elle-même se laisse convaincre qu’en vivant dans sa langue, elle se coupe du monde.
Elvis Gratton, aujourd’hui, se déguise en progressiste ouvert sur le monde.
Et les jeunes générations comprennent le signal. L’hégémonie du cégep Dawson sur l’île de Montréal en témoigne. Cela fait un bon moment que les Québécois financent leur anglicisation à même les fonds publics. Faut-il parler de suicide linguistique ou de négligence criminelle ? Chose certaine, la loi 101 est devenue un symbole faussement rassurant.
Les faits sont là : de plus en plus de francophones passent à l’anglais. Quant aux allophones, dès qu’ils ne sont plus obligés de fréquenter le système scolaire francophone, ils le fuient. Il faut des mesures fortes pour renverser la tendance.
La classe politique joue ici sa crédibilité linguistique. On ne peut pas se dire nationaliste et consentir à cette bilinguisation institutionnelle de l’enseignement supérieur qui n’est rien d’autre qu’une anglicisation. Ce cégep « bilingue » n’a pas sa place à Vaudreuil.
Concrètement, il nous faut renouer avec une idée trop longtemps laissée de côté : l’application de la loi 101 au niveau collégial. Nous ne pouvons plus tolérer le détournement systématique des institutions de la minorité anglophone pour bilinguiser notre vie collective.
Français
Marcel Rioux, en d’autres temps, parlait des Québécois comme d’une classe-nation. C’est-à-dire que l’identité québécoise correspondait à celle d’une classe sociale désavantagée. Qui voulait se hisser socialement devait se renier culturellement. Peu à peu, nous renouons avec cette situation humiliante.
Le Québec demeurera une nation francophone à condition de le vouloir vraiment.