Ni crise ni invasion

ECR - Éthique et culture religieuse


La ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, a réagi rapidement.
Elle aurait pu prendre poliment le rapport de 124 pages sur les accommodements raisonnables à l'école, donner une bonne tape dans le dos à son auteur, Bergman Fleury, puis balancer le document sur une tablette où il aurait moisi pendant des années.


La tentation était d'autant plus forte que le comité de Bergman Fleury a été complètement éclipsé par la commission Bouchard-Taylor. Qui se souvient de la décision de l'ex-ministre de l'Éducation, Jean-Marc Fournier, de créer un groupe de travail présidé par un obscur spécialiste des accommodements raisonnables?
C'était en octobre 2006. Le Québec nageait en plein psychodrame. Il se relevait à peine du choc provoqué par la décision de la Cour suprême d'autoriser le kirpan dans les classes.
Les écoles se posaient des questions. Qu'est-ce qui est raisonnable? Doit-on dire oui à des locaux de prière? Permettre aux filles de sauter les cours de natation? Accorder des congés aux juifs, bouddhistes, musulmans ou Témoins de Jéhovah pour qu'ils pratiquent leur religion?
Les écoles voulaient des balises, des repères, bref un coup de pouce pour se dépatouiller dans tout ça.
Hier, Michelle Courchesne les a écoutées. Dès février, a-t-elle annoncé, une petite équipe du ministère de l'Éducation conseillera les écoles. Il y aura aussi un guide de référence et des sessions de formation.
Une structure légère qui étonne. Le ministère de l'Éducation a l'habitude de pondre des programmes longs comme le bras, bourrés de compétences transversales. Dieu merci, les accommodements raisonnables échappent à ce délire bureaucratique.
Il n'y aura ni loi ni liste d'interdits. Du gros bon sens, des discussions et des critères. Exemple: l'école québécoise est laïque; les locaux de prière seront donc difficilement tolérés.
En parcourant le rapport, une réalité saute aux yeux: il n'y a pas de crise. Des ajustements, des tensions, des écoles démunies devant certaines demandes, oui. Mais une crise? Non.
Les écoles ont fini par acquérir une expertise. Elles ont fait le ménage dans les exigences les plus farfelues. Seulement 50% des demandes d'accommodement ont été acceptées, 25% ont été refusées et 25% ont fait l'objet de négociations. Aucun élève ne se présente en classe avec trois burqas sur le dos ou une cabane à sucre sur la tête.
La crise ne se passe pas sur le terrain, au ras des pâquerettes, mais dans les journaux, à la commission Bouchard-Taylor et dans la tête de plusieurs Québécois qui ont peur de perdre leur identité.
Ce sont les Témoins de Jéhovah qui présentent le plus de demandes d'accommodement, suivis de près par les musulmans. S'ajoutent, par ordre d'importance, les protestants, les juifs et les catholiques.
Les Témoins de Jéhovah ne représentent que 0,4% de la population du Québec; les musulmans 1,5%.
Tiens, tiens.
Autre chiffre intéressant: 40% des écoles de Montréal ont reçu des demandes d'accommodement; au Québec, c'est 25%. Pour un grand total de 450 demandes par année dans 351 écoles. Pas la mer à boire.
Conclusion: non seulement il n'y a pas de crise, mais il n'y a pas, non plus, d'invasion par les méchants immigrants qui menacent l'identité du Québécois de souche profond.
***
En 1998, les commissions scolaires ont perdu leur statut religieux. Pas l'ombre d'un manifestant dans les rues.
En juin 2000, les écoles sont devenues laïques. Dans l'indifférence générale.
En septembre 2008, le dernier bastion catholique va rendre l'âme: les cours de religion vont être remplacés par un cours d'éthique et de culture religieuse.
Il était temps.
Les Québécois sont attachés à la religion. Selon un sondage CROP, la moitié d'entre eux sont d'accord avec le cardinal Ouellet, qui souhaite que l'école ouvre ses portes à l'enseignement religieux. Beau geste, bel élan du coeur. Je ne veux pas casser le party, mais il est temps de tourner la page.
Car il y a un prix à payer pour maintenir les cours de religion catholique dans les écoles. Le gouvernement du Québec doit utiliser la clause nonobstant, car en privilégiant le catholicisme, il déroge à la Charte canadienne des droits.
Sans cette clause, les écoles seraient obligées d'accueillir toutes les religions: le bouddhisme, l'islam, le sikhisme, les Témoins de Jéhovah
Imaginez le portrait, imaginez la tour de Babel, les coûts, l'organisation. Bref, le bordel.
Ingérable.
- source


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