Guillaume Bourgault-Côté - Trois mois d'immersion, quelques cours, une mutation et un énoncé de principes pour régler un couac linguistique. Ce fut là la réponse de la Caisse de dépôt et placement (CDP) du Québec, qui a annoncé hier que les deux dirigeants unilingues anglophones de sa filiale Ivanhoé Cambridge iront apprendre le français pour parer à leurs carences.
Pour sa part, le responsable de l'embauche des employés d'Ivanhoé au Québec, David Smith, doit commencer immédiatement un programme intensif d'immersion qui durera trois mois. Sa seule tâche durant cette période sera d'apprendre le français.
Lorsqu'il sera de retour au travail, M. Smith sera toutefois muté à un nouveau poste (vice-président exécutif aux ressources humaines - international) qui devrait le mettre moins en contact avec des employés francophones. Le remplaçant de M. Smith relèvera directement du chef de la direction d'Ivanhoé, Daniel Fournier.
Quant à Kim McInnes, président de l'exploitation chez Ivanhoé, il aura droit à une formation plus progressive: il «accélérera son apprentissage du français par le biais de cours de langue privés et des périodes d'immersion régulières intégrées à sa charge de travail», indique-t-on. Ivanhoé ne précise toutefois pas d'échéancier: il prendra le temps qu'il faut pour devenir «plus à l'aise en français».
Ces décisions ont été suivies par une profession de foi du président de la Caisse, Michael Sabia. Ce dernier a diffusé en fin de journée un communiqué affirmant que «le français comme langue de travail à la Caisse est plus qu'une obligation: c'est un engagement personnel fondamental». Il estime que la CDP a la responsabilité de constituer «la prochaine génération de fonctionnaires francophones», ce qui rend «essentiel» le choix du français à la Caisse et dans ses filiales.
Daniel Fournier avait plus tôt soutenu qu'Ivanhoé n'a «jamais sous-estimé que le français est primordial», mais il avait aussi reconnu que, «dans le contexte actuel, il faut aller encore plus loin».
Le contexte actuel, c'est celui révélé mardi par La Presse: on y apprenait que les employés d'Ivanhoé avaient déposé une plainte auprès de l'Office québécois de la langue française pour dénoncer la présence des deux patrons unilingues au sein de la filiale de la CDP, symbole de la maîtrise des Québécois francophones sur leur économie.
Selon un porte-parole de la Caisse, l'unilinguisme de M. Smith n'était pas nécessairement problématique: «Il a des subalternes qui parlent le français», avait-il dit.
Charte modifiée?
Le dossier a continué d'alimenter les discussions à Québec. La ministre de la Culture, Christine St-Pierre, a lancé hier matin que M. Sabia «a sa responsabilité» dans ce faux pas linguistique. «C'est étonnant de sa part, a-t-elle dit: il est un anglophone qui parle un français très acceptable, pas parfait, mais il s'est donné la peine de l'apprendre.»
La chef du Parti québécois, Pauline Marois, a de son côté demandé au premier ministre de modifier l'article 20 de la Charte de la langue française, qui prévoit que, «pour être nommé, muté ou promu à une fonction dans l'administration publique, il faut avoir de la langue officielle une connaissance appropriée à cette fonction». La disposition s'applique à la Caisse, mais pas à ses filiales.
Jean Charest a répondu qu'il ne «ferme pas la porte à des changements». Mais à son sens, «l'esprit de la loi» est déjà clair. «Nous nous attendons à ce que la CDP assume ses responsabilités conformément aux valeurs québécoises», a-t-il souligné.
Mutation et immersion à la Caisse de dépôt
Trois mois d'immersion, quelques cours, une mutation et un énoncé de principes pour régler un couac linguistique.
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