Le français à la Caisse: une priorité sans échéancier

Français à la Caisse de dépôt


Francis Vailles et André Dubuc La Presse - La direction de la filiale immobilière de la Caisse de dépôt estime que l'entreprise est injustement traitée dans le dossier de la langue de travail. L'entreprise fonctionne à «plus de 95% en français à son siège social de Montréal» malgré sa vocation internationale.
Jeudi après-midi, la haute direction d'Ivanhoé Cambridge a demandé une rencontre avec La Presse. À moins de deux heures d'avis, dix des cadres supérieurs de l'entreprise se sont présentés dans les locaux de la rue Saint-Jacques, du jamais vu. La rencontre portait sur deux aspects: l'unilinguisme de deux cadres et certaines questions d'éthique chez Ivanhoé Cambridge.
Selon le PDG, Daniel Fournier, la connaissance du français devient maintenant une exigence au sein de l'entreprise. «C'est en français à Montréal et c'est tout. C'est non négociable. Il ne peut pas y avoir d'exception, même une exception de politesse», dit le gestionnaire.
Il admet toutefois qu'il n'a pas imposé d'échéancier pour cette exigence. «On va voir comment vont les résultats», dit-il.
Se présenter à dix, est-ce une démonstration de force? «Non, ce n'est pas du tout ça. On essaie de démontrer de la transparence. Demandez vos questions, on va répondre au meilleur de nos connaissances», a dit Daniel Fournier, le PDG de l'entreprise.
À l'interne, peu de gens, même les francophones, ont compris la controverse entourant les deux cadres unilingues, affirme Sylvain Fortier, le président de la division résidentielle. «Les gens qui côtoient Kim [McInnes] et David [Smith] trouvent qu'ils sont injustement traités, pas parce que ce n'est pas important le français, mais en raison de l'ampleur pour ces individus, qui ont d'autres compétences et d'autres qualités», dit-il.
Le 15 novembre, La Presse a révélé que les deux hauts dirigeants étaient des anglophones unilingues, une situation singulière au sein de ce fleuron de Québec inc. La nouvelle a vivement fait réagir, amenant même le premier ministre Jean Charest à déclarer la situation inacceptable. L'institution a réagi en leur imposant des cours de français.
Toutefois, La Presse a ajouté hier que les deux cadres suivent de tels cours depuis 10 ans, mais sans grand succès. Le président de l'exploitation, Kim McInnes, se présentait même rarement à ses cours à Toronto entre 2001 et 2009, préférant parfois envoyer ses secrétaires.
Hier, Kim McInnes a demandé de pouvoir s'expliquer en anglais et semblait comprendre assez bien nos questions en français. Il n'a pas nié les informations publiées dans La Presse, mais soutient que le contexte de son travail justifiait ses agissements.
«La vérité, c'est que mon horaire était difficile. Je n'ai pas focalisé autant que j'aurais dû sur le français. Et les gens qui se rapportaient à moi étaient anglophones, sauf une personne de Montréal», a t-il dit.
Les cours étaient alors suivis de façon volontaire. Ils ne pouvaient être annulés à la pièce, d'où la délégation à sa secrétaire. Lorsqu'il a déménagé à Montréal, en 2009, la direction s'est faite plus insistante sur l'apprentissage du français. M. McInnes serait alors passé à environ deux ou trois heures de cours par semaine. Prochainement, il passera à trois séances par semaine totalisant environ six heures, affirme-t-il.
Comment fera-t-il? «En raison de la nature mondiale de mon travail, ça peut être à toutes sortes d'heures. Avec mes voyages d'affaires, ça peut donc être trois heures le mardi et trois heures le jeudi dans une semaine. Deux heures le lundi, deux heures le mercredi et deux heures le vendredi une autre semaine», explique-t-il.
Le président des investissements de l'organisation, William Tresham, est intervenu pour défendre son collègue. Ontarien d'origine, il explique ne pas avoir su parler français dans sa jeunesse malgré les cours imposés à l'école. Une langue seconde s'apprend mieux en immersion, explique-t-il dans un français correct.
Hier, le vice-président des ressources humaines, David Smith, était absent, car il est en sabbatique de trois mois pour parfaire son français. À la suite de la controverse, son poste a été scindé en deux. Il s'occupera des ressources hors Québec. La société fait des entrevues avec des candidats francophones pour prendre la responsabilité du Québec.
Ivanhoé Cambridge compte 1600 employés, dont la moitié au Québec. Malgré la diminution de ses responsabilités, il n'est pas question pour le moment de réduire le salaire de M. Smith, qui vit à Montréal depuis 11 ans. «On n'est pas rendu là», dit M. Fournier, qui explique que les actifs de l'entreprise sont de 31 milliards de dollars, dont 5 milliards au Québec.
Selon M. Fournier, David Smith a des états de service enviables, Ivanhoé Cambridge s'étant classé dans les 50 employeurs de choix pour la huitième année consécutive. Depuis trois ans, faut-il préciser, la filiale immobilière est passée du 16e au 49e rang de ce concours.
Pourquoi le français est-il important à la Caisse?
«Au niveau de la Caisse, c'est tellement clair que le français est primordial. Mais quand on parle d'Ivanhoé Cambridge, c'est le même constat. [...] On est extrêmement fier du fait qu'on construit un prototype pour une compagnie québécoise qui veut faire affaire sur une base internationale», dit M. Fournier.
Kim McInnes juge que dans son nouveau rôle, le français, «c'est important. J'ai plus d'interactions avec des francophones. J'ai des réunions complètement en français. [...] C'est vraiment important parce que je suis à Montréal. Il faut que je puisse parler aux employés dans la langue de leur choix».
Sylvain Fortier ne croit pas que la firme traverse une crise. Une réorganisation d'entreprise comme le vit Ivanhoé Cambridge fait toujours des mécontents, ce qui explique les plaintes anonymes d'employés à l'Office québécois de la langue française, dit-il.


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