Indéniablement, le racisme existe : nous autres « faces de craie » en connaissons l’impénétrable composante « deux poids deux mesures ». Dixit le rappeur Nick Conrad, « Pendez les blancs » : « Je rentre dans des crèches, je tue des bébés blancs. » C’est râpé pour le rappeur, insuffisamment raciste pour offusquer Lilian Thuram ni mériter mieux que le sursis du tribunal (5.000 euros). Chères chapelles antiracistes dont Alain Finkielkraut disséquait certaines modalités : « Avec SOS Baleines, il faut sauver les baleines. Avec SOS Racisme, il s’agit de sauver le racisme. »
Retour au début de années 1960, nous sommes aux Pays-Bas. Ma maman est folle de l’« Afro-Américain » Harry Bellafonte, l’homme à la « voix de velours ». Mon papa, lui, inconditionnel de la voix de l’« Afro-Américain » Louis Armstrong et de la clarinette « afro-américaine » de Sidney Bechet, qu’il siffle à longueur de journée. Quant à moi, du haut de mes 6 ans, dans mon coin et secrètement, je suis amoureux de l’« Afro-Américaine » Mahalia Jackson, dont la voix, mais aussi le sourire ornant la pochette du vinyle parental, me font littéralement fondre… Contexte éminemment propice au racisme, moyennant quoi M. Lilian Thuram, plus d’un demi-siècle plus tard, apportera son lumineux éclairage sur mon propre passé familial (dans le Corriere dello Sport) : « Il faut prendre conscience […] qu’il y a du racisme dans la culture italienne, française, européenne et plus généralement dans la culture blanche. »
« Propos sortis de leur contexte », rétropédalera-t-il le lendemain. Propos offrant toutefois une sorte de résonance à ceux assenés, il y a quelques semaines, par la Ligue de défense noire africaine, perturbant l’exposition Touthânkamon à la Villette au prétexte que l’ensemble du corps scientifique occidental (blanc) participerait d’un complot raciste niant la négritude du pharaon en question. Sur l’une des pancartes, l’on pouvait lire : « Européens and family, votre génome est criminel, hypocrite, menteur. » Est-ce donc ballot, MM. Thuram et honorables membres de la LDNA, de vous voir ainsi sous-estimer l’étendue de la gangrène raciste universelle ! Témoignage dans L’Obs du 2 février 2018 de la « stand-upeuse » Fadily Camara : « Sur scène, Camara rappelle en passant qu’elle est musulmane. » Née à Paris en 1992 d’une mère sénégalaise, guinéenne, et marocaine, et d’un père guinéen, elle livre à L’Obs les impressions de son premier séjour au Maroc. « Sur un marché, un passant m’a traité de cafard en arabe […] dit-elle, avant d’évoquer le racisme structurel et la négrophobie parfois meurtrière des pays du Maghreb. Comme je suis noire, on ne veut pas croire que j’ai aussi des origines marocaines. » « Le racisme structurel des pays du Maghreb ? » Pincez-moi… Et que dire de la quatrième de couverture de l’ouvrage Le Génocide voilé », du Sénégalais Tidiane N’Diaye ? : « Les Arabes ont razzié l’Afrique subsaharienne pendant treize siècles sans interruption. La plupart des millions d’hommes qu’ils ont déportés ont disparu du fait des traitements inhumains… »
D’urgence, alerter M. Thuram sur la gangrène raciste, bien plus ancienne et universelle que ses redoutables et propres lacunes historiques ne le laissent apparemment supposer !