François Legault me fait penser à un mononcle fatigant qui ne rate jamais une occasion d’exprimer haut et fort ses préjugés et ses analyses simplistes, en se croyant le porte-parole du gros bon sens. Sa pensée a à peu près la même profondeur que celle de Rogatien Dubois, le grossier chauffeur de taxi incarné par Patrick Huard.
La récente sortie de Legault contre les cégeps, « une maudite belle place pour apprendre à fumer de la drogue et puis à décrocher » selon lui, est franchement désolante. Elle confirme que Legault vit dans sa bulle d’homme d’affaires et entend utiliser la démagogie comme stratégie électorale.
Le créditiste Camil Samson, un autre beau mononcle, dénonçait, au début des années 1970, la « fornication » qui battait son plein dans les cégeps. Mononcle François, aujourd’hui, essaie de faire peur aux parents poules inquiets en agitant le spectre de la « maudite drogue ». Dans un cas comme dans l’autre, c’est n’importe quoi, évidemment. « S’il fallait abolir tous les endroits où on fume et décroche dans le système scolaire québécois (et nord-américain), écrivait récemment Jean-François Lisée en se moquant de Legault, on ne se rendrait guère plus loin qu’en sixième année. »
Séduit par le gros bon sens simpliste de Mononcle François, mon collègue Raphaël Melançon déterrait, dans une récente chronique, le Rapport Bédard de 2003, commandé par la Fédération des commissions scolaires. Dans ce document, on affirmait que l’abolition des cégeps, qu’on remplacerait par l’ajout d’une année au secondaire et d’une année à l’université, ferait économiser un milliard de dollars et réduirait le décrochage.
Or, ce rapport, à l’époque, a été démoli. Une étude du ministère de l’Éducation montrait plutôt qu’un tel changement coûterait 170 millions de dollars par année, sans procurer d’avantages sur le plan du décrochage. L’économiste Pierre Fortin, dans L’Actualité du 1er juin 2003, allait plus loin. Les cégeps, écrivait-il, « favorisent la persévérance scolaire », en permettant notamment aux jeunes tannés du secondaire de changer d’air. « L’implantation de dizaines de cégeps dans les petites villes du Québec, précisait Fortin, encourage nos jeunes à poursuivre leurs études pour une autre raison importante : les cégeps réduisent la distance entre le domicile familial et le lieu d’enseignement. Conséquence : 85 % des jeunes Québécois de 15 à 19 ans vont à l’école. C’est plus qu’aux États-Unis et à peine moins qu’en Ontario. »
Il n’y a pas que dans ce dossier que Mononcle François se croit brillant en parlant à tort et à travers. Quand il était péquiste, il affirmait que le Québec, comme province, est ingouvernable et qu’il fallait, pour être cohérent, ne « pas s’engager à gouverner l’ingouvernable ». Aujourd’hui, Mononcle François nous dit qu’il faut d’abord s’occuper des « vraies affaires » et mettre en veilleuse la question nationale.
« Proposition absurde », lui réplique avec raison le journaliste Marc Laurendeau dans un texte paru dans La Révolution tranquille en héritage (Boréal, 2011). Abandonner le débat constitutionnel, explique Laurendeau, reviendrait à se transformer en « eunuques du débat national » et à se laisser imposer les écoles passerelles, la commission des valeurs mobilières unique, la diminution du poids relatif du Québec à la Chambre des communes et une Constitution que le Québec n’a pas signée. Cet « état de fait actuel, conclut Laurendeau, n’est ni rassurant ni conforme à la dignité d’un peuple ». L’histoire de la Révolution tranquille montre d’ailleurs qu’on peut se préoccuper de la question nationale sans négliger les autres enjeux sociaux.
Mononcle François, lui, ne veut pas s’occuper de la question nationale parce qu’elle suscite des divisions. Il n’hésitera pourtant pas à foutre la pagaille partout ailleurs (éducation, santé) en appliquant sa philosophie capitaliste primaire, qui consiste à payer plus cher les enseignants et les médecins et à leur pousser dans le dos pour qu’ils produisent.
Dans un party de famille, une fois par année, un tel mononcle bourru peut amuser. Comme premier ministre, il serait pas mal moins drôle.
louisco@sympatico.ca
Mononcle François
Dans un party de famille, une fois par année, un tel mononcle bourru peut amuser. Comme premier ministre, il serait pas mal moins drôle.
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