Même dans un parti aussi discipliné que le PLQ, les militants ont rappelé à l'ordre le gouvernement qui en est issu, qu'il s'agisse du régime de redevances, jugé encore trop généreux pour les compagnies minières, ou des compressions budgétaires qu'il voulait imposer aux commissions scolaires.
Bien entendu, le gouvernement n'est pas lié par les résolutions adoptées au congrès libéral de la fin de semaine dernière et il n'a manifestement pas l'intention de les mettre en oeuvre, mais il aura au moins été averti qu'il y avait problème.
Il est grand temps que François Legault crée son nouveau parti. Passer son «plan d'action» à travers le filtre d'un congrès des membres pourrait se révéler très utile. Une fois en campagne électorale, il sera un peu tard pour corriger certaines incongruités.
M. Legault semble parfois avoir du mal à comprendre qu'on puisse avoir une approche autre que comptable. Par exemple, que des enseignants soient prêts à renoncer à l'augmentation de 20 % qu'il leur promet afin de consacrer davantage de ressources aux élèves en difficulté. Se pourrait-il qu'un meilleur climat de travail puisse constituer un puissant incitatif?
L'ancien ministre a une propension remarquable à minimiser les problèmes. Selon lui, l'exploitation du gaz de schiste devrait être carrément interdite tant que de nouvelles technologies plus sécuritaires n'auront pas été découvertes. Excellente nouvelle, mais que doit-on faire avec les permis qui ont été accordés? «On va s'arranger», dit-il. Voilà, c'est réglé.
M. Legault fera peut-être le bonheur des écologistes, mais il devra aussi donner quelques explications à ses amis du monde des affaires. Chose certaine, le lobbyiste en chef de l'industrie pétrolière et gazière, Lucien Bouchard, qui est aussi le mentor politique de M. Legault, ne semble pas dans des dispositions qui permettraient un règlement facile.
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Au PLQ, on a pris acte de la réaction très négative de la communauté anglophone à la perspective d'une diminution du rôle des commissions scolaires, qui y sont perçues comme des institutions plus essentielles qu'aux yeux de la majorité francophone.
Même si le dernier sondage Léger Marketing-Le Devoir créditait son futur parti du quart des intentions de vote des non-francophones, M. Legault propose carrément l'abolition des commissions scolaires. Le problème est qu'encore une fois il tourne les coins rond.
On ne lui reprochera certainement pas de sacrifier ses intérêts électoraux à ses convictions, mais il pourrait bien se heurter à la... Constitution. Eh oui! On peut toujours essayer de mettre la question nationale en veilleuse, mais la Constitution ne disparaîtra pas pour autant.
L'article 23 de la Charte canadienne des droits garantit l'accès à l'école anglaise aux enfants dont au moins un des parents a reçu son éducation primaire en anglais au Canada. Or, en 1990, dans la célèbre affaire Mahé, la Cour suprême a décrété que les minorités des deux langues officielles ont le droit constitutionnel de participer activement, dans toutes les provinces, à la gestion et au contrôle de l'enseignement et des établissements scolaires que fréquentent leurs enfants. En sa qualité d'ancien ministre de l'Éducation, M. Legault doit bien savoir cela.
Ce droit reconnu aux minorités linguistiques suppose l'existence d'une structure représentative, peu importe le nom qu'on lui donne, et on peut compter sur la communauté anglophone pour le faire valoir devant les tribunaux.
Théoriquement, il serait peut-être possible de n'abolir que les commissions scolaires francophones. Sur le plan politique, l'opération serait pour le moins délicate. Comment justifier une démocratie scolaire à géométrie variable selon la langue? Quant à soustraire le Québec aux dispositions de la Charte, aucun gouvernement canadien n'y consentira.
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De toutes les limitations imposées à la juridiction du Québec en matière de langue, l'article 23 de la Charte est certainement la plus importante. Prétendre rapatrier «100 % de la souveraineté sur la langue», comme le propose M. Legault, est de la pure foutaise.
La clause dérogatoire peut toujours être invoquée pour éliminer les écoles passerelles, mais elle ne s'applique pas à l'article 23. Sinon, il y a longtemps que cela aurait été fait. Là encore, M. Legault crée des attentes qui ne pourront pas être satisfaites. On se refuse à croire qu'il puisse chercher à tromper la population, mais des explications seraient les bienvenues.
Tant qu'à y être, il pourrait également nous dire comment il compte s'y prendre pour convaincre Ottawa de renoncer à appliquer sur le territoire québécois la Loi sur les langues officielles, qui non seulement prévoit que les institutions fédérales doivent être bilingues d'un océan à l'autre, mais qui vise également à «appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et, de façon générale, de favoriser, au sein de la société canadienne, la progression vers l'égalité et l'usage du français et de l'anglais».
Si l'objectif était de faire naître les «conditions gagnantes», on pourrait toujours comprendre que M. Legault s'emploie à faire naître de faux espoirs, mais il assure être maintenant un souverainiste non pratiquant. Qu'est-ce à dire?
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