Une campagne de Québec solidaire (QS) qui ciblait des électeurs montréalais par message texte est « peu éthique » et prouve qu'il faut encadrer la manière dont les partis politiques utilisent les données personnelles, dénonce l'ancienne candidate du Parti québécois Michelle Blanc.
Cette spécialiste du numérique a porté plainte au Directeur général des élections (DGEQ) au début de la campagne, après avoir été informée de messages textes faisant la promotion de son adversaire solidaire Ruba Ghazal.
« Il y a des gens qui m'ont envoyé des copies d'écran de messages qu'ils recevaient de Québec solidaire, relate Mme Blanc. Ils me jurent qu'ils n'ont jamais signé aucune pétition et ils trouvaient ça drôle que Québec solidaire ait leur numéro de cellulaire et leur envoie des messages ciblés dans leur circonscription. »
La blogueuse n'a aucune idée du nombre de personnes qui ont reçu le message dans sa circonscription. « C'était quand même assez pour que trois personnes différentes m'en parlent », a-t-elle dit.
« Je m'appelle Marc-Olivier et je suis bénévole pour Ruba Ghazal, la candidate de Québec solidaire dans Mercier ! Ici, on pense qu'on est en bonne posture pour conserver la circonscription même avec le départ d'Amir. Est-ce qu'on peut compter sur ton vote ? », pouvait-on ainsi lire dans un message texte diffusé par Québec solidaire à des électeurs de Mercier.
« AUCUN POUVOIR LÉGAL »
Le DGEQ n'a jamais enquêté sur la plainte de Mme Blanc. Dans sa réponse, l'organisme a affirmé que les appels téléphoniques et les messages textes ne sont pas réglementés par la Loi électorale, pas plus que l'utilisation des renseignements personnels des électeurs.
« Le DGEQ n'a pas davantage de mandat découlant de la loi concernant la protection des informations personnelles des électeurs détenues par les partis politiques autorisés. Dès lors, le DGEQ n'a aucun pouvoir légal vis-à-vis des campagnes que les partis politiques peuvent mener à des fins de sondage ou de pointage. »
Québec solidaire n'a pas été en mesure de préciser combien de personnes ont été ciblées par la campagne de messages textes dans la circonscription de Mercier. Le parti assure qu'il agit dans le strict respect des lois électorales, et qu'il ne collige pas de renseignements sur les électeurs à leur insu.
« Nous obtenons des coordonnées de gens qui nous signifient volontairement leur appui, que ce soit sur un enjeu spécifique ou sur notre projet politique plus globalement, en porte-à-porte, par des campagnes sur le web, des pétitions, a indiqué la porte-parole de QS, Élise Tanguay. Toutes les associations de Québec solidaire font ce genre de travail à plus ou moins grande échelle. »
Elle ajoute que QS souhaite des « balises plus claires » sur l'usage des données personnelles par les partis politiques.
LE DGEQ SONNE L''ALARME
Le directeur général des élections Pierre Reid réclame depuis des années une réforme de la Loi électorale pour encadrer la manière dont les partis politiques colligent les données personnelles des électeurs. Son message s'est fait plus pressant dans les derniers mois, dans la foulée du scandale Facebook-Cambridge Analytica.
Me Reid a de nouveau appelé les parlementaires à agir dans son rapport annuel, déposé il y a deux semaines à l'Assemblée nationale. Il a prévenu que les partis politiques ne sont pas à l'abri des « cybermenaces contre le processus démocratique ».
Selon Michelle Blanc, la campagne de Québec solidaire n'est « pas illégale », mais elle est « peu éthique ». Selon elle, l'épisode prouve « l'impuissance » du DGEQ.