Le premier ministre a encore une fois menti à la population, a accusé André Boisclair hier. Il nous avait dit récemment qu'il attendrait le budget fédéral, qu'il fallait le budget fédéral pour qu'il puisse aller en élections."
Les politiciens n'ont pas le droit de se traiter de menteur à l'Assemblée nationale. Mais en campagne électorale, c'est une autre histoire.
Jean Charest n'a jamais promis d'attendre le budget fédéral avant de déclencher des élections. Les déclarations auxquelles se réfère le chef péquiste sont tirées de la conférence de presse du premier ministre le 15 décembre. Jean Charest avait alors dénoncé l'intention de Gilles Duceppe de provoquer des élections fédérales avant de connaître les propositions de Stephen Harper sur le déséquilibre fiscal.
Un journaliste lui avait posé une question directe : "Est-ce que vous avez besoin du budget fédéral avant d'aller en élections ?" M. Charest avait réitéré sa demande de voir le budget fédéral, mais il s'était bien gardé de dire qu'il en avait besoin pour déclencher des élections.
M. Boisclair devrait s'appuyer sur des déclarations plus précises avant de lancer des gros mots.
La sortie du chef péquiste est révélatrice de son manque d'enthousiasme devant le scénario d'élections hâtives. Si Jean Charest devait attendre l'adoption du budget fédéral, un exercice qui dure des semaines, il ne pourrait déclencher des élections avant le mois de juin.
M. Boisclair ne leurre personne lorsqu'il affirme qu'il était déjà prêt à se lancer en campagne électorale en août dernier.
Question crédibilité, M. Boisclair affirme qu'un budget québécois déposé avant l'adoption du budget fédéral ne sera qu'un "exercice de style". C'est vrai que les provinces déposent généralement leur budget après celui du gouvernement fédéral, mais pas après son adoption par les Communes. Quant à la crédibilité d'un budget québécois avant celui du fédéral, personne n'a mis en doute les chiffres du dernier budget Audet, déposé le 23 mars 2006, cinq semaines avant celui d'Ottawa.
Retour au déséquilibre fiscal. Stephen Harper aura-t-il de l'argent pour le Québec dans son budget du 20 mars ? Les souverainistes en doutent, le gouvernement Charest ne sait pas, et la presse torontoise en a la certitude. "Québec donne un coup de fil et nous ramassons la facture", écrivait mardi le National Post, en disant avoir appris que Jean Charest avait demandé 1,5 milliard $ à Stephen Harper la semaine dernière. Dans son spin préélectoral des derniers jours, l'entourage de Jean Charest faisait valoir qu'une campagne électorale à l'approche du budget fédéral mettra de la pression sur le gouvernement Harper. Si les libéraux ont besoin de mettre de la pression sur leurs cousins conservateurs, c'est qu'ils n'ont aucune garantie.
En fait, le scénario le plus optimiste n'ajouterait pas plus de 650 millions $ aux paiements de péréquation du Québec, et c'est un scénario risqué pour Stephen Harper. Ce scénario, c'est le rapport O'Brien, qui demandait que l'on inclue 50 % des ressources naturelles dans le calcul de la richesse des provinces, calcul qui sert de base au partage de la péréquation. En campagne électorale, Stephen Harper s'était engagé à ne pas tenir compte des ressources naturelles auprès des provinces productrices de pétrole. Le premier ministre fédéral marche donc sur des oeufs.
Malgré cela, Jean Charest est en mesure de présenter un budget équilibré avec les données connues. Il vient juste d'apprendre qu'il aura une hausse de 900 millions $ en péréquation, avant même la réforme promise par Stephen Harper. Cette hausse provient d'un nouveau calcul de la "moyenne mobile" de la richesse des provinces sur une période de trois ans.
De plus, le ministère des Finances est en mesure de prévoir, à quelques millions de dollars près, les montants attendus du fédéral au chapitre de l'éducation postsecondaire et des programmes sociaux avant toute majoration de la part du fédéral.
Le gouvernement Charest peut donc présenter un budget. Ce qui lui manque encore, cependant, ce sont les décisions d'Ottawa sur l'environnement et les garderies. Le ministre Claude Béchard est sorti enthousiaste de sa rencontre de la semaine dernière avec son nouvel homologue fédéral, John Baird. On pense qu'Ottawa pourrait accorder au Québec les 328 millions $ demandés pour son Plan vert sans créer de jaloux, puisque les autres provinces auront droit à la même aide lorsqu'elle auront soumis leurs projets pour réduire les gaz à effet de serre.
Parions que ce n'est pas dans le budget fédéral qu'il y aura le plus d'argent pour le Québec cette année. Mais dans des ententes bilatérales comme l'environnement, qui feront rouler de gros chiffres au Québec, sans brasser la querelle des provinces sur la péréquation...
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