Pendant que les péquistes pansent leurs plaies, les libéraux sont sur un pied de guerre. Oubliez le déséquilibre fiscal et le budget fédéral, les troupes de Jean Charest demandent à leur chef de déclencher des élections le plus tôt possible pour profiter des déboires d'André Boisclair, et bloquer Mario Dumont dans sa remontée.
Le premier ministre rentre de Paris tard demain soir. Il rencontre son cabinet mardi et son caucus jeudi. À partir de lundi, tout devient possible, admettent les stratèges du parti, qui reconnaissent que les pressions en faveur d'élections rapides se font de plus en plus lourdes.
Jusqu'à maintenant, on tenait pour acquis que M. Charest attendrait le budget de Stephen Harper avant de déposer celui du Québec et de déclencher les élections. La donne a changé quand les libéraux ont appris que le budget fédéral ne serait probablement déposé que le 20 mars, au lieu de la fin février. La date n'a jamais été confirmée, mais l'entourage de Jean Charest semble y croire. La Chambre des communes prend congé les semaines du 4 et du 11 mars, et Stephen Harper a besoin de plus de temps pour attacher les ficelles de sa politique environnementale et de ses transferts aux provinces.
De plus, le ministre des Finances, Jim Flaherty, a déjà fait savoir que le Québec aurait 900 millions $ de plus en péréquation au cours de la prochaine année, en raison des derniers calculs de la richesse des provinces. Cela n'a rien à voir avec les changements demandés par Jean Charest à la péréquation, mais c'est tout de même 900 millions $ de plus dans ses coffres. Sur la base de cette information, le ministre des Finances, Michel Audet, a toutes les données nécessaires pour la préparation de son budget. Si Ottawa devait annoncer des sommes supplémentaires dans son budget du 20 mars, cela ne fera qu'accroître la marge de manoeuvre du gouvernement Charest.
Plusieurs autres facteurs militent maintenant en faveur d'un déclenchement hâtif des élections. Le désarroi du PQ, la remontée de l'ADQ, et la publication, début avril, du rapport d'enquête du juge Bernard Grenier sur les dépenses d'Option Canada au référendum de 1995.
La crise de cette semaine au PQ s'est calmée, mais elle a confirmé dans leurs doutes les Québécois qui ne croient pas en la capacité d'André Boisclair de former le gouvernement et de faire la souveraineté.
C'est la remontée de l'ADQ qui inquiète maintenant les libéraux. S'il est vrai que la cote de popularité des adéquistes dépasse les 20 % à l'échelle provinciale, le parti de Mario Dumont aura des scores encore plus forts en région, parce qu'il est absent de Montréal. "En bas de 20 %, l'ADQ ne ramasse rien. Mais en haut de 20 %, il ramasse des comtés rapidement et devient menaçant, confie un député. Si j'étais Jean Charest, je demanderais sans délai des sondages poussés dans les circonscriptions où l'ADQ a des racines pour savoir à quoi m'en tenir." Les difficultés encore récentes de Mario Dumont à obtenir du financement et à recruter des candidats seront vite surmontées si sa remontée se poursuit. Les libéraux n'ont pas intérêt à lui laisser le temps de s'organiser.
L'autre élément qui milite en faveur d'une campagne hâtive est la publication, fin mars ou début avril, du rapport d'enquête du juge Bernard Grenier sur Option-Canada. Cette enquête a été commandée par le directeur général des élections, Marcel Blanchet, pour faire la lumière sur de présumées dépenses illégales du camp fédéraliste pendant la campagne référendaire de 1995. Après avoir obtenu trois délais, le juge doit remettre son rapport le 31 mars. Le DGE le rendra public dans les jours suivants, le temps d'en prendre connaissance et de préparer ses communiqués de presse.
Les libéraux ont constaté, lors du passage de Stéphane Dion à Québec, à quel point il est facile de ramener à l'avant-scène le scandale des commandites et les magouilles liées au référendum. La publication de ce rapport, en pleine campagne électorale, n'est pas souhaitée. "Si vous me dites que le rapport sera publié le 4 ou le 5 avril, juste avant la longue fin de semaine de Pâques, j'en ai des frissons", a confié un député qui craint un dérapage et une perte de momentum. Si Jean Charest déclenchait les élections à la mi-février pour un scrutin à la fin mars, il minimiserait les risques.
S'il met le pied sur l'accélérateur, Jean Charest devra rappeler l'Assemblée nationale plus tôt que prévu afin de déposer un budget. "On serait bien malvenu de nous accuser d'opportunisme, lance un membre de son bureau. Depuis l'automne dernier que les péquistes nous supplient de déclencher des élections. Ils ont eu quatre ans pour s'organiser et trouver un chef. Ce n'est tout de même pas notre faute s'ils ont mis quatre ans à se torturer."
glavoie@lesoleil.com
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