Les ténors du mouvement souverainiste québécois avaient jugé très durement les accords négociés au lac Meech il y a 23 ans. Selon eux, le Québec réglait son avenir au rabais dans un cadre dangereusement réducteur pour ses aspirations nationales en acceptant ces dispositions.
Pendant les trois ans du débat mouvementé que l'accord a suscité, leur opposition ne s'est jamais démentie. Le jour où le projet Meech a fait naufrage, les leaders souverainistes ont poussé un soupir collectif de soulagement.
À l'époque, peu d'entre eux avaient prévu que l'idée d'un règlement canadien à la question du statut politique du Québec serait encore aussi tenace deux décennies plus tard. Envers et contre tout, elle continue d'être significativement plus rassembleuse que le projet d'un Québec souverain.
Vingt ans après la mort de Meech, ses principaux éléments font toujours consensus au Québec. Selon un sondage réalisé pour le Bloc québécois et les Intellectuels pour la souveraineté, l'appui à l'enchâssement du caractère national du Québec dans la Constitution rallie quatre Québécois sur cinq. Le reste est à l'avenant. Mais le blocage canadien qui a mené à la crise constitutionnelle de 1990 est tout aussi intact.
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Ce blocage a beaucoup retenu l'attention des militants souverainistes qui se sont réunis autour de la tombe de Meech ce week-end pour exorciser le fantôme d'un arrangement à la canadienne entre le Québec et le reste de la fédération. Il ne constitue néanmoins pas l'élément le plus nouveau ou même, du point de vue souverainiste, le plus perturbant du portrait Québec-Canada actuel.
La faille dans laquelle le projet de Meech et, plus tard, celui de Charlottetown se sont engloutis a servi de toile de fond du référendum de 1995. De plus, le Bloc québécois vient de passer vingt ans — du haut de sa très visible tribune fédérale — à souligner à grands traits son existence. Pour autant, l'intérêt pour une solution canadienne à la question du statut politique du Québec ne se dément pas tandis que l'appui à la souveraineté piétine.
Dans les faits, au cours des vingt ans qui ont suivi l'échec de Meech, l'appui à la souveraineté et l'état des relations Canada-Québec ont cessé d'être des vases aussi communicants. Le courant qui ne passe pas entre le Québec et le ROC alimente de moins en moins la cause souverainiste.
Aux dernières élections fédérales, le débat sur la culture, une question identitaire s'il en est, n'a pas permis au Bloc québécois de franchir la barre des 40 %. Le score bloquiste de 2008 contre Stéphane Dion et Stephen Harper s'apparente, à deux dixièmes de point de pourcentage près, à celui récolté par Gilles Duceppe au terme de la campagne maladroite qu'il avait menée comme chef néophyte en 1997.
Dans le passé, la cote de la souveraineté a généralement atteint des sommets pendant que des gouvernements fédéralistes étaient au pouvoir à Québec. Mais, aujourd'hui, l'impopularité ambiante du gouvernement Charest et ses hésitations sur le front identitaire et linguistique n'ont pas un grand effet d'entraînement sur la souveraineté.
Vingt ans après Meech, la majorité de Québécois pour qui la barre, aussi minimale soit-elle, était suffisamment élevée pour justifier leur adhésion au Canada semble progressivement moins disposée à faire une équation entre ses griefs sur le front canadien et la désirabilité de la souveraineté.
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Les commanditaires du sondage qui a alimenté les discours du colloque souverainiste du week-end ont eu la prudence de ne pas demander aux répondants de situer la réforme constitutionnelle dans l'ordre de leurs priorités. Il aurait été intéressant de voir quelle proportion de Québécois privilégiait la quête active de nouveaux arrangements constitutionnels par rapport à l'économie, la santé, l'éducation ou l'environnement.
À voir le peu de pressions que subissent les premiers ministres actuels du Canada et du Québec sur ce front, on peut penser que les Québécois ne sont guère plus pressés de voir leurs leaders fédéralistes remonter au front constitutionnel que de voir les ténors souverainistes les convier à un nouveau débat référendaire.
Dans un discours prononcé au cours du week-end, Gilles Duceppe a affirmé que les Québécois qui croient encore à un renouvellement du Canada dans le sens de leurs revendications se bercent d'illusions. Mais par comparaison à leurs compatriotes du ROC, ils rêvent les yeux grands ouverts.
Dans le reste du Canada, on s'inquiète de plus en plus du dysfonctionnement des institutions fédérales et on se questionne beaucoup sur le rôle du Bloc québécois dans l'avènement de gouvernements minoritaires à répétition à Ottawa. Mais les circonstances qui ont présidé à la naissance du Bloc sont largement évacuées du discours officiel ambiant et on ferme les yeux devant l'évidence que le Canada du XXIe est voué à continuer de fonctionner avec des institutions conçues au XIXe siècle tant qu'il n'aura pas la volonté politique de normaliser sa relation avec le Québec.
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Chantal Hébert est columnist politique au Toronto Star.
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chebert@the star.ca
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