Marois doit «réfléchir», dit Landry

Pacte électoral - gauche et souverainiste



«Je ne veux pas personnaliser le débat. Je ne veux pas tirer dans le dos de quiconque, j'ai trop connu ça. Le fond des choses, c'est que le Parti québécois a été fondé pour faire l'indépendance et non pour gouverner le Québec», a dit Bernard Landry, hier.
Photo: David Boily, Archives La Presse


Denis Lessard La Presse (Québec) - Les nombreux mécontents au sein du Parti québécois ont trouvé leur champion: quelques associations de circonscription se préparent à envoyer une lettre publique au député démissionnaire de Nicolet-Yamaska, Jean-Martin Aussant, pour lui dire «qu'ils ont bien reçu son message».
M. Aussant, le seul à avoir réclamé publiquement le départ de Mme Marois, a même été invité à une activité-bénéfice du PQ dans Crémazie, vendredi, à laquelle devraient aussi assister la députée Lisette Lapointe et son mari, Jacques Parizeau.
Bernard Landry aurait souhaité y être, mais il a d'autres engagements, a-t-il expliqué. Il avoue son inquiétude devant la crise qui secoue son parti: «Je suis angoissé sans perdre espoir. Je n'ai jamais connu une telle crise depuis le début de mon militantisme», a soutenu M. Landry dans une entrevue sollicitée par La Presse.
Les jeunes députés péquistes n'auraient jamais dû écrire cette mise en garde à Jacques Parizeau, selon lui: «Un peu d'expérience et de sagesse les aurait fait agir autrement. En tout respect, quand Parizeau parle de souveraineté ou de finances internationales, je l'écoute davantage qu'eux.»
Quant à la stratégie de Mme Marois au cours des derniers jours, «tout le monde le constate, l'ensemble est un gâchis, et M. Parizeau dit ce que tout le monde pense. Imaginez, voir partir les Beaudoin, Curzi et Aussant du caucus!», a lancé l'ancien chef du PQ.
Devant la crise qu'elle a suscitée avec son programme de «gouvernance souverainiste», Pauline Marois «doit réfléchir, comme c'est le devoir de tous les chefs», dit Bernard Landry. «Je ne veux pas personnaliser le débat. Je ne veux pas tirer dans le dos de quiconque, j'ai trop connu ça. Le fond des choses, c'est que le Parti québécois a été fondé pour faire l'indépendance et non pour gouverner le Québec. Elle doit remettre ça de l'avant de façon non équivoque. On ne fait pas l'indépendance d'un peuple dans le flou artistique. Parizeau avait trouvé la bonne expression.»
Réunion extraordinaire
La lettre ouverte de M. Parizeau publiée hier dans Le Devoir a carrément mis le feu aux poudres dans le parti de Pauline Marois. La chef, assiégée, a décidé de convoquer une réunion extraordinaire des députés mercredi prochain, à Québec, pour calmer le jeu et rassurer les élus, secoués par la crise qui frappe leur parti. Certains réclament déjà des départs. Nicole Stafford, chef de cabinet de Pauline Marois, est trop proche d'elle, mais Pascal Monette, stratège en communications, et Stéphane Bédard, leader parlementaire, risquent de servir de paratonnerres.
François Rebello, un des signataires de la lettre des jeunes députés à qui Jacques Parizeau a répondu hier, a qualifié «d'enfantillages» ce débat, animé au fond, résume-t-il, parce que Lisette Lapointe avait vu sa suggestion de démarche souverainiste repoussée par la très large majorité des délégués au congrès péquiste d'avril dernier. «Normalement, le lendemain d'un congrès, on se rallie, on serre les rangs, surtout quand notre chef a obtenu 93% d'appui. C'était comme ça avec M. Parizeau quand il était chef. Jamais il n'aurait accepté ce genre de situation!», a lancé le député de La Prairie. «On ne lui demandait pas de se taire, mais qu'il se rende compte des conséquences», a-t-il soutenu.
Député de Gouin et instigateur de la lettre des jeunes députés péquistes, Nicolas Girard abonde dans le même sens. Quand il était à la barre du PQ, Jacques Parizeau ne souffrait pas les dissensions, rappelle-t-il. «Il avait défini une stratégie en 1995, et on a tous suivi. On lui demande maintenant de se rallier à ce qui a été adopté par les militants.»
Mais d'autres députés restent fidèles à l'ancien chef. C'est le cas notamment de Claude Cousineau, député de Bertrand: «J'ai un très grand respect pour M. Parizeau, il a été de tout temps un mentor. Son message est que tout le monde a le droit de parole au Québec. Il n'a pas à se faire dire par qui que ce soit: laissez-nous aller!»
«La lettre des députés qui se disent jeunes était très maladroite. M. Parizeau a fédéré beaucoup de militants avec sa réponse, observe Félix-Antoine Dumais-Michaud, vice-président dans Lévis. Il faut que le Parti québécois change, avec ou sans Mme Marois.»
Amphithéâtre de Québec
Dans la lettre publiée ce matin, sans jamais nommer Mme Marois, Jacques Parizeau qualifie de «gâchis» sa stratégie des derniers jours dans le dossier de l'amphithéâtre de Québec. Il la critique vertement pour avoir «ordonné» à tous les députés du Parti québécois d'appuyer le projet de loi 204 «alors que plusieurs d'entre eux éprouvaient de sérieux problèmes de conscience face aux dispositions de ce texte».
«Derrière cette incroyable comédie politique s'est joué le drame de ceux qui refusaient d'être muselés et d'avoir à trahir leurs principes; ils réclamaient leur liberté de parole», souligne M. Parizeau. La crise qui secoue le PQ vient aussi, selon lui, des entraves posées à la liberté de parole au dernier congrès du parti. «J'étais moi aussi persuadé que l'article 1 était beaucoup trop faible, l'objectif trop dilué, la démarche trop incertaine et, d'autre part, la liberté de parole, de discuter, de voter qui avait si longtemps été la réalité de mon parti me semblait bien malmenée», a-t-il écrit dans sa lettre.
«La démarche souverainiste a été appuyée par 1800 délégués, rétorque Nicolas Girard. Mme Lapointe, je l'ai vue à plusieurs micros, j'estime qu'elle a pu faire valoir son point de vue, et les gens en ont décidé autrement». Quant au projet de loi 204 sur l'amphithéâtre de Québec, «Mme Marois a admis qu'elle avait commis une erreur», dit-il.


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