Québec - Les libéraux jugent que les «gestes de souveraineté» que promet de faire Pauline Marois une fois le Parti québécois au pouvoir sont «antidémocratiques» et relèvent de la stratégie de «la cage à homards», une accusation que rejette la chef péquiste, qui veut agir à «visage découvert».
Le ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes, Benoît Pelletier, a tiré à boulets rouges, hier, sur Pauline Marois, qui a soutenu que le PQ, une fois reporté au pouvoir, ferait des «gestes de souveraineté», comme l'a suggéré dans les pages du Devoir et celles de L'Action nationale le président du Conseil de la souveraineté, Gérald Larose.
«Je considère inadmissible que le Parti québécois pense à s'aventurer dans des gestes de rupture, des gestes de scission, sans avoir de mandat de la population», a livré hier Benoît Pelletier avant d'entrer au conseil des ministres.
Selon M. Pelletier, le PQ radicalise sa position. Afin de contenter la «frange des purs et durs» de son parti, Pauline Marois se permet «de flirter avec des idées qui, à mon avis, sont antidémocratiques», a fait valoir le ministre. M. Pelletier trouve d'ailleurs «inquiétant» que Gérald Larose soit devenu une «éminence grise» au PQ.
Dans le même esprit, le ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, Raymond Bachand, un péquiste apostat qui a renié sa foi souverainiste, a comparé ces «gestes de souveraineté» à la stratégie de «la cage à homards», chère à Jacques Parizeau, qui, en 1995, aurait réalisé la souveraineté sans atermoyer à la suite d'un référendum affirmatif. «Mme Marois et le PQ, ils vivent dans les années 70. Ils n'ont pas pris acte de toute l'évolution de la société québécoise, estime M. Bachand. Moi, je suis passé à autre chose.»
De son côté, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Philippe Couillard, s'est montré catégorique. «Une majorité de Québécois ne voudra jamais abandonner sa citoyenneté canadienne, a affirmé le ministre. Il faut que les souverainistes en prennent acte.»
Pauline Marois trouve «très intéressante» cette idée de gouvernance souverainiste que propose Gérald Larose. «J'ai toujours dit que nous allions agir en souverainistes lorsque nous serons élus [au gouvernement]. Agir en souverainistes, ça veut dire justement poser des gestes de souveraineté mais qui s'inscrivent dans la légalité», a-t-elle livré au Devoir. «Ce ne sont pas des gestes de rupture au sens qu'ils sont illégaux, a-t-elle insisté. On agit avec tous les moyens dont on dispose, comme si nous étions un État souverain dans les limites, évidemment, des lois qui nous gouvernent.»
La chef péquiste a cité l'exemple de l'instauration de la citoyenneté québécoise ou encore celui de l'adoption d'une constitution du Québec, des propositions qui font l'objet des deux projets de loi qu'elle a déposés cet automne. Elle a aussi évoqué le rapatriement de pouvoirs en rappelant des réalisations passées: les rapatriements de la gestion des commissions scolaires linguistiques, des programmes de main-d'oeuvre ou des congés parentaux. Elle a aussi signalé des actions qui viseraient la représentation internationale du Québec.
Ces gestes de souveraineté ou d'affirmation, balisés par le cadre constitutionnel actuel, ressemblent beaucoup à ce que propose l'Action démocratique du Québec avec son slogan «S'affirmer sans se séparer». Pour Pauline Marois, c'est plutôt «S'affirmer pour mieux être capables de se séparer», a-t-elle souligné. Contrairement à ce qu'affirment les libéraux, cette démarche est parfaitement démocratique, a soutenu la chef péquiste. Le PQ fera clairement connaître ses intentions avant la prochaine campagne électorale: il n'y aura pas d'ambiguïté. «On va le faire à visage découvert. Les gens qui prétendent qu'on pourrait vouloir faire ça en cachette, ils me connaissent bien mal», a-t-elle dit.
De passage à Québec, le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a dit appuyer pleinement Mme Marois. «Je suis d'accord pour que le Québec exerce la plénitude de ses pouvoirs, toujours dans le cadre fédéral. On est toujours dedans tant qu'on n'a pas fait l'indépendance, a dit M. Duceppe. Mme Marois, c'est exactement ce qu'elle dit ce matin [hier]: parlons du fond des choses, renforçons le Québec au maximum plutôt que de parler de la date du référendum», le tout dans le respect du cadre légal actuel.
Pour sa part, le chef de l'opposition officielle, Mario Dumont, estime qu'avec son intervention Pauline Marois vient de faire reculer l'idée de doter le Québec de sa propre constitution, un projet que caresse l'ADQ. C'est une idée valable mais, comme le but du PQ, «c'est de faire dérailler le système, c'est de faire des gestes de pré-rupture, on va se retrouver avec une partie importante de la population au Québec qui va dire: "Cette idée-là, on ne veut plus en entendre parler"», a prédit M. Dumont.
Il lui apparaît évident que ces gestes, qui serviraient à rapprocher le Québec de sa souveraineté, annihileraient les chances, pour un gouvernement péquiste, de parvenir à de quelconques ententes avec Ottawa sur le rapatriement de pouvoirs.
«Ce qui me frappe, c'est comment, pour Pauline Marois, dans tous les grands enjeux, ce sont des forces occultes qui prennent les positions à sa place», que ce soit Gérald Larose ou Jean-François Lisée, a accusé Mario Dumont.
Pour l'heure, au PQ, on est entré dans une petite saison des idées, façon Pauline Marois. À la suite de la parution d'un «cahier d'animation» destiné aux militants et adopté en octobre par la Conférence nationale des présidentes et présidentes (CNPP) du PQ, les associations de circonscriptions ont planché sur «les pistes de réflexion» touchant divers enjeux de société, pistes qui doivent conduire à un renouvellement de la social-démocratie prônée par le parti. Les propositions régionales doivent être déposées d'ici le 14 février en vue du Conseil national qui aura lieu les 15 et 16 mars prochains. Pauline Marois est confiante quant à l'issue de cette séance de remue-méninges qui, en d'autres temps, aurait pu donner des sueurs froides au chef. «Je sens une adhésion et une solidarité souhaitées. On vit à l'intérieur du caucus du Parti québécois quelque chose que je n'ai jamais vécu de ma vie. Et quand je vais sur le terrain, les militants me disent: "Nous, on n'a pas le goût de commencer des débats, des chicanes à n'en plus finir".»
Avec la collaboration d'Antoine Robitaille
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