Mariage princier : la confiscation du réel par le star system mondial

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Le grand n'importe quoi qu'est devenue la culture de masse

On me pardonnera de revenir brièvement sur l’exaspérant délire des derniers jours sur le mariage princier qui s’est passé au Royaume-Uni. Au-delà de ce que j’ai déjà écrit sur la question, une chose me frappe plus que les autres: c’est la confiscation du réel par le star system mondial, qui a transformé un événement important pour la famille royale anglaise en événement d’importance capitale pour l’humanité entière, qui devait s’y intéresser, y consacrer son attention, le commenter, ou du moins, écouter ceux qui étaient appelés à le commenter.


On aura beau dire qu’il suffisait de fermer la télé ou la radio pour ne pas être enrôlé de force parmi les spectateurs du grand cirque, il n’en demeure pas moins qu’on peut voir dans cet événement une démonstration de force de la part du système médiatique, qui parvient pendant quelques jours à homogénéiser la planète et à imposer à chaque peuple et à chaque société un même agenda culturel. Le réel de chaque société était éclipsé par les détails d’un mariage princier. Ce qui se passait dans chacune d’entre elles était moins important à ce moment que la robe de la mariée.


Mieux encore: ceux qui le faisaient remarquer se faisaient répondre par les gardiens de l’ordre médiatique qu’ils n’avaient qu’à se taire si l’événement ne les intéressait pas. On admire ou on se tait! Il n’était donc pas permis de critiquer la trame médiatique obligatoire imposée par le système médiatique. Il n’était pas permis de critiquer la mise en récit de l’actualité et la hiérarchisation des sujets qu’on nous propose. Il n’était pas permis de se désoler de la mondialisation du mariage britannique.


Nous étions pourtant devant une manifestation évidente de la déréalisation du monde produite par le système médiatique tel qu’il nous impose aujourd’hui sa représentation du monde.


D’abord dans la mesure où l’importance accordée à cet événement laisse croire qu’il est «important en soi» et qu’il est en droit d’occuper tout l’espace médiatique. Il y a là un effet de distorsion fascinant. Il faudrait donc investir d’importantes ressources, d’une manière ou d’une autre, pour couvrir l’événement, mais on n’en trouvera jamais pour soutenir des émissions intellectuelles ou culturelles.


Ensuite, on consacre l’absorption de chaque société dans le fantasme d’une humanité homogène qui devrait vivre au même rythme et de la même manière un événement qui est à bien davantage créé par les médias eux-mêmes, du moins à cette échelle. Les médias ont théoriquement un devoir de représentation : ils s’engagent plutôt dans une entreprise de dissolution du réel. Ce dernier, pendant quelques jours, est devenu insaisissable.