Les nouvelles mesures concernant l'enseignement de l'anglais, annoncées par Jean Charest il y a quelques semaines, ne répondent pas réellement aux besoins actuels des milieux.
PHOTO: ERICK LABBE, ARCHIVES LE SOLEIL
Suzanne Richard - L'auteure adresse sa lettre ouverte à la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp.*
L'Association des professeurs de français a pour mission de contribuer à l'amélioration de la qualité de la langue et de son enseignement. Ses quelque 900 membres oeuvrent dans les écoles du Québec, du primaire à l'université, et sont issus de toutes les régions.
Les dernières annonces faites par le premier ministre, lors de son discours inaugural du 23 février dernier, nous laissent perplexes et nous inquiètent vivement. En fait, ce ne sont pas tant les annonces faites qui nous préoccupent, mais plutôt le silence en ce qui a trait au soutien aux enseignants de français dans les classes.
Pourtant, la situation du français, tant au primaire, au secondaire qu'au collégial et à la formation des maîtres, est décriée depuis longtemps par plusieurs, avec raison. Les nombreux articles publiés ces dernières années sur la réussite aux examens du ministère de l'Éducation de fin de secondaire ou sur l'examen d'entrée à l'université (le TECFÉE) en font foi.
Comment interpréter en effet l'annonce de l'achat de tableaux blancs interactifs pour chaque classe, alors qu'on manque cruellement de dictionnaires et de grammaires dans les classes de français? Pourquoi fournir à chaque enseignant un ordinateur portable alors qu'on leur refuse de participer à des sessions de perfectionnement ou à des congrès, sous prétexte que les budgets ne le permettent pas?
Si on achète des uniformes sportifs aux élèves, donnera-t-on un budget équivalent aux enseignants de français pour l'achat de romans, de pièces de théâtre, de recueils de contes, de nouvelles ou de poésie pour leurs élèves?
Sur quelles bases s'appuie-t-on pour décider que tous les élèves de la 6e année du primaire, sans égard à leur compétence actuelle en anglais ni à leurs besoins, recevront un enseignement de l'anglais intensif la moitié de l'année alors que dans plusieurs écoles, le temps indicatif d'enseignement de la langue première, le français, n'est même pas respecté? Alors qu'une bonne partie de nos élèves ont déjà une connaissance fonctionnelle de l'anglais, comment s'assurer qu'ils maîtrisent le français adéquatement? Les besoins comme les acquis sont très diversifiés et ne justifient pas une telle mesure.
En 2008, le ministère de l'Éducation lançait en grande pompe 22 mesures pour améliorer la maîtrise du français chez les jeunes. Ces mesures touchent tous les ordres d'enseignement, sauf le collégial, et concernent entre autres le temps d'enseignement du français, les exigences relatives à l'orthographe au primaire ainsi que la formation initiale et continue des enseignants. Trois ans plus tard, aucune évaluation n'a été faite de l'impact de ces mesures visant à améliorer la maîtrise de la langue et à soutenir les enseignants et les milieux scolaires. Pire encore: comme aucun échéancier n'accompagnait ces 22 mesures, il est impossible même de savoir si elles sont appliquées dans les milieux.
Nous sommes d'avis que ces nouvelles mesures, annoncées par monsieur Charest il y a quelques semaines, ne répondent pas réellement aux besoins actuels des milieux. Nous craignons qu'il ne s'agisse que de la poudre aux yeux et de coups de trompette pour éviter de voir la réalité des classes et d'entendre les grincements de dents des enseignants.
Les mesures proposées n'amélioreront en rien l'enseignement du français au Québec, cette langue que nous souhaitons tous mettre en valeur dans notre système scolaire.
* L'auteure est présidente de l'Association québécoise des professeurs de français.
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