Mais pourquoi les Français seraient-ils les seuls à bénéficier de la verve macronienne ? Pourquoi auraient-ils le monopole de se faire « emmerder », de « foutre le bordel », de « n’être rien » ou de traverser la rue pour trouver un boulot ? Surtout qu’en grand rassembleur européen, il reste encore quelques hordes de barbares à civiliser en Europe centrale. Magnanime, donc, Jupiter a profité de son meeting d'hier à Strasbourg pour ajouter la Hongrie à son très long répertoire de saillies. Quand un manifestant hostile lança un (fort stupide, il faut bien le dire) « À bas la République », un Macron visiblement à bout de souffle ne trouva rien de mieux à répondre que « Ici, vous pouvez le faire, c’est la différence entre vivre en France et vivre en Hongrie ».
🗣️ "Vous pouvez le faire, c'est la différence entre vivre en France et vivre en Hongrie"
À Strasbourg, Emmanuel Macron répond à une personne qui scande "À bas la République !" lors de son meeting
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— franceinfo plus (@franceinfoplus) April 12, 2022
Après avoir traité le Premier ministre polonais d’antisémite (excusez du peu), voici qu’il accuse un autre pays de l’Union européenne, au détour d’une envolée devant la foule, d’être, grosso modo, un goulag à ciel ouvert. Pourquoi s’en prendre à la Hongrie, d’ailleurs ? Peut-être parce que Viktor Orbán vient de se faire réélire triomphalement en provoquant des migraines à une intelligentsia européenne aussi myope que rancunière qui pariait sur une opposition bancale et incompétente pour le désarçonner. Cinglant camouflet pour cette Europe d’en haut qui rêve de jouer, à Bruxelles, le match retour d’une élection nationale qui n’a aucune vocation à être arbitrée où que ce soit. Macron, en champion toutes catégories de cette caste de mandarins, ne pouvait se retenir de jeter l’anathème sur ces Hongrois réfractaires à l’air du temps. C’est désormais chose faite avec la désinvolture et le fiel que les Français lui connaissent et qui, pour une fois, n’est pas forcément le fruit de son mépris de classe récurrent mais de la fébrilité d’un candidat en difficulté.
Les comparaisons sont odieuses mais quitte à jouer la chansonnette du Président, ne nous privons pas de rappeler quelques faits bien têtus. Pour commencer, la Hongrie vient de se rendre aux urnes sans que personne n’ait eu à subir le quart de la moitié des violences auxquelles sont confrontés, en France, les militants qui soutiennent les mauvais candidats. Dans ce pays, personne ne se fait cracher dessus ou tabasser s’il distribue les mauvais tracts sur un marché. Un degré de sécurité qui est d’ailleurs une constante, dans ce pays. La Hongrie n’est en rien tiraillée par les fractures culturelles et religieuses et les problèmes de « vivre ensemble » qui en découlent. Un pays aux antipodes de tout ensauvagement et dans lequel la Hongrie périphérique n’est pas le souffre-douleur des élites, mais plutôt la grande gagnante de douze ans de gestion pragmatique et judicieuse, avec l’intérêt de l’immense majorité des Hongrois comme seule boussole.
Un pays, par ailleurs, dans lequel le cancer culturel de la cancel culture n’a pas imposé cette chape de plomb d’autocensure qui oblige, en France, des milliers de journalistes, d’universitaires ou de citoyens à tourner leur langue sept fois avant de s’exprimer. Un pays dans lequel le droit des parents à éduquer leurs enfants comme ils le souhaitent est pleinement reconnu et dans lequel l’école n’est pas devenue la succursale d’ONG intersectionnelles qui endoctrinent les élèves en les abrutissant de haine de soi. Un pays, enfin, quoi qu’on en dise, dans lequel la presse est politiquement diverse et où l’opinion publiée reflète l’opinion publique.
Un pays, en somme, qui est en droit d’exiger que personne ne remette en cause ses choix politiques et sociaux et qui mérite surtout d’être respecté comme il respecte les autres. Si Orbán a eu l’élégance de ne jamais s’immiscer dans les affaires internes de la France, il serait grand temps que le très policé Macron en fasse autant. Et, en passant, qu’il se montre digne de la fonction qu’il est censé incarner, au lieu de la dégrader au fil de ses dérapages.
Au demeurant, nous vivons dans un pays où la sortie de Macron n’a fait aucune vague et dans lequel le gouvernement semble avoir d’autres priorités que celles d’un Président TikTok en campagne. Les chiens aboient, la caravane passe, surtout que les chiens ont perdu du poil de la bête.