Pour une première fois, les dirigeants politiques français ont nommé clairement les groupes terroristes de l’État islamique (de Daesh), actifs en Irak et en Syrie, et qui projettent des attentats un peu partout dans le monde, spécialement dans les pays occidentaux. J’attire votre attention sur le terme « Occident ». Sous cette expression, on met un amalgame de pays identifiés aux États-Unis, comme le Canada, Israël, l’Australie, les pays européens, etc. Or, les pays européens ont des cultures très différentes de celle des Américains, et la Russie là-dedans est-elle occidentale ou orientale? Il en va de même quand on parle de Communauté internationale : fait-on référence aux États membres de l’ONU, aux cinq États membres du Conseil de sécurité des Nations unies, aux groupes de pays comme le G8 ou le G20?
Qui est en guerre contre les groupes terroristes, les États-Unis avec sa supposée coalition internationale? La Russie depuis le mois de septembre? La France depuis les derniers attentats? On a vite oublié les récents attentats de Bamako au Mali avec ses 19 morts, les attentats de Beyrouth avec ses 44 morts. Mais comment expliquer que les attentats de Paris du 13 novembre dernier avec ses 120 morts causent autant de choc et d’émoi à travers le monde? Les couleurs de la France (le bleu, blanc, rouge) ont illuminé les édifices et les monuments publics de beaucoup de pays, comme si chacun de nous était, dans son cœur profond, un peu français? Pourquoi ne sommes-nous pas un peu palestiniens gazaouis avec ses 2 000 morts, suite aux bombardements destructeurs d’Israël en 2014, un peu nigériens avec ses 5 000 morts ou yéménites avec plus de 1 850 morts?
Pour ceux et celles qui ne parlent pas arabe, comme moi, l’expression « État islamique » traduit davantage l’idéologie politique du Moyen-Orient que Daesh (État islamique en Irak et au Levant). Cependant tout le monde sait que Daesh n’est pas un état et qu’il n’est pas islamique au sens propre du terme. Daesh est une puissante armée de mercenaires issue d’une quarantaine de pays et qui ont choisis Raqqa en Syrie comme capitale et siège de leur gouvernement, en 2013.
D’où vient Daesh? Ce groupe est une émanation d’Al-Qaïda en Irak. Après l’invasion d’Irak en mars 2003 par les États-Unis, une scission s’est produite entre Abou Bakr al-Baghdadi d’Al-Qaïda et Ayman al-Zaouahiri, le dirigeant d’un réseau terroriste irakien. Ce dernier, Daesh, voulait créer les conditions d’une guerre civile en Irak entre chiites et sunnites. Al-Qaïda n’était pas d’accord, considérant qu’on ne pouvait pas s’en prendre à des civils musulmans. Aujourd’hui ce groupe Daesh, après la prise de Mossoul, s’est étendu sur le Nord de l’Irak et passé en Syrie, au désespoir des Kurdes musulmans. Cette armée ne cherche plus à se faire reconnaître comme groupe d’opposition politique au régime syrien, démocratique et laïc du président Bachar Al-Assad, mais veut s’imposer comme unique structure mondiale d’encadrement des peuples. Ses chefs rejettent les frontières qui, pour eux, sont des frontières occidentales, imposées et artificielles. Ils ne reconnaissent que la nation islamiste, le califat. Mais d’où vient leur haine envers l’Occident et leur projet de le détruire?
Pour bien comprendre cette idéologie islamique au nom du dieu Allah, on doit revenir en arrière. Mon but est de me décoller le nez des attentats sanglants des derniers jours pour éviter le jugement facile et le piège de la peur ou de l’islamophobie. Ce bref retour en arrière va nous aider à comprendre cette idéologie politico-militaire issue de la mouvance wahhabite de l’Arabie saoudite. Voici, en résumé, les dates les plus importantes qui ont marqué l’histoire récente du Moyen-Orient.
La date du 3 septembre 1897
Il faut bien comprendre une chose. Il y a environ un siècle, les Juifs étaient éparpillés à travers l’Europe et le monde. Depuis des lunes, ils rêvaient de se réunir un jour comme peuple élu de Dieu. Dans cet esprit, une organisation mondiale sioniste (porteuse d’une idéologie politico-nationaliste) se crée le 3 septembre 1897, lors du premier congrès juif tenu à Bâle en Suisse, sous l’initiative de Théodore Herzl. L’objectif premier est l'établissement d'un centre spirituel, territorial (ou étatique) pour le peuple juif en terre d'Israël, c’est-à-dire en Palestine. Théodore Herzl, (le Mont Herzl, à Jérusalem, abrite la sépulture du fondateur du sionisme et celle d'autres figures marquantes de l'histoire d'Israël), déclare suite au congrès ceci : « À Bâle, j’ai donné naissance au futur État juif. Il peut venir dans cinq ans, ou dans cinquante ans, tout le monde le verra ».
La date du 16 mai 1916
Quelques années plus tard, la France et le Royaume-Uni décident de se partager le Moyen-Orient et signent dans le plus grand secret les accords Sykes-Picot, le 16 mai 1916, en pleine guerre mondiale. Les Palestiniens, tant arabes que juifs, ne sont pas consultés. Ces derniers n’acceptent pas la partition de leur pays. Ils se perçoivent tous comme des arabes israéliens et Jérusalem est leur ville sainte où le Dôme du Rocher fut construit au septième siècle et achevé en l’an 692. Suite à cet accord, ils se sentent comme des moins que rien et humiliés.
Sans perdre de temps, le Secrétaire d’État des affaires étrangères britanniques, Arthur Balfour, écrit une lettre à Lord Lionel Walter Rothschild, une éminence de la communauté juive britannique qui devint rapidement le principal financier du mouvement sioniste. Cette lettre donne naissance à la Déclaration Balfour du 2 novembre 1917 où Arthur Balfour demande d’établir en Palestine un « Foyer national pour le peuple juif ».
La date du 26 avril 1920
Les Palestiniens manifestent et se révoltent, mais rien n’y fait. Cet accord unilatéral, non négocié, est entériné par la Société des Nations, lors de la Conférence de paix de San Remo, en avril 1920, qui décrète la partition de la Palestine. La France reçoit le mandat du Liban, de la Syrie, du bassin de Kirkuk et la Grande-Bretagne de l'Irak incluant Mossoul, la Transjordanie, la Terre Sainte désignée sous son nom romain de Palestine. À travers une immigration clandestine, la population de la Palestine passe de 55 000 Juifs en 1918 à 600 000 en 1948 et les Palestiniens de 560 000 en 1918 à 1 200 000 en 1948.
Depuis cette partition mandataire de la Palestine (française et britannique), les conflits ne font que s’accumuler et deviennent de plus en plus violents entre les Palestiniens et les Juifs. Même si la Conférence de paix de San Remo stipulait clairement que rien ne serait fait qui puisse porter atteinte aux droits civiques et religieux des musulmans israélites de Palestine et Transjordanie, rien n’a été respecté en ce sens par la suite. Une organisation sioniste, désignée sous le vocable d’Agence juive, ancêtre du Likoud d’aujourd’hui, se forme et conteste les accords et décisions de la Société des Nations. Par contre, la population musulmane palestinienne, se considérant « israélienne », rejette avec force l’idée d’un État pour la population juive de Palestine, spécialement sous le vocable d’État d’Israël. Les arabo-musulmans se sentent trahis à nouveau, comme si on avait usurpé leur identité.
Entre 1935 et 1939, les arabo-musulmans palestiniens n’en peuvent plus de se faire voler leurs terres, détruire leurs maisons et villages par des colons juifs. Ils se soulèvent contre le mandat britannique et la colonisation sioniste éhontée et injuste. Ce soulèvement est finalement réprimé dans le sang par la Haganah, une organisation clandestine paramilitaire sioniste, créée en 1920. Les musulmans palestiniens sont donc une fois de plus écrasés et humiliés.
En 1942, l’Agence juive crée le Mossad, une structure paramilitaire échappant aux Britanniques, pour organiser une immigration clandestine massive de Juifs issus d’Allemagne, de Russie et d’Europe vers la Terre sainte, c’est-à-dire la Palestine. L’Agence juive affronte directement les dirigeants et services britanniques. Sa branche armée, la Haganah, se livre à de nombreux sabotages, grèves et manifestations. L’OSM (Organisation sioniste mondiale) décide de demander un état juif sur toute la Palestine mandataire. Les diplomates sionistes (du département politique de l’Agence juive) se mettent alors au travail (surtout après 1945), auprès des gouvernements et des opinions publiques, pour défendre son plan d’un état juif. Les liens sont rompus avec son allié historique, les Britanniques. Ces sionistes lobbyistes travaillent en pratique sous la direction de Ben Gourion. Il en va de même pour l’OSM. La population juive en général est loin de comprendre tout ce qui se trame derrière les portes closes des lobbyistes sionistes.
La date du 29 novembre 1947
Les Britanniques, soudoyés par le mouvement sioniste (avec Rothschild en tête) n’arrivent plus à concilier les revendications nationalistes de part et d’autre des Palestiniens et des Juifs. En conséquence, avec l’accord des Soviétiques, des Français et des Américains, les Britanniques remettent l’administration de la Palestine et leur mandat à l’ONU, récemment créée, en février 1947. C’est ainsi que le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale de l’ONU décide d’un nouveau plan de partage de la Palestine en trois entités : la création d’un État juif, d’un État arabe et le territoire de Jérusalem, placé sous le contrôle de la Communauté internationale.
Le plan est accepté par les dirigeants de la communauté juive en Palestine, mais rejeté par la quasi totalité des dirigeants de la communauté arabe de Palestine qui forme les deux tiers de la population. Les dirigeants arabes revendiquent l’ensemble de leur territoire, soutenant que le partage constitue une violation du droit de la majorité des habitants de la Palestine de décider d’eux-mêmes. L’année suivante, David Ben Gourion proclame le 14 mai 1948 l’établissement de l’État d’Israël. Le lendemain du vote, la première guerre israélo-arabe de 1948-1949 éclate. Les guerres vont se succéder pendant 66 ans, jusqu’à aujourd’hui.
La date du 25 décembre 1979
Mais voilà qu’en septembre 2001, plusieurs d’entre nous entendent parler pour la première fois d’Al-Qaïda et de Ben Laden. Moi, le premier. Mais pour les dirigeants Russes, Américains, Afghans et Saoudiens, tant politiques que militaires, connaissent bien cette mouvance islamique issue du wahhabisme sunnite. Dès 1979, lorsque la révolution islamique de l'ayatollah Khomeiny renverse le régime du Shah en Iran, la géopolitique du Moyen-Orient change du tout au tout. Pendant que tous les regards sont tournés vers la révolution de l’Iran, un mois plus tard, l’Union soviétique envahit l’Afghanistan. L’Afghanistan est un pays divisé en clans tribaux qui se disputent le pouvoir, mais qui sont jaloux de leur indépendance. C’est ainsi que de nombreux jeunes (moudjahidines) issus des divers clans vont combattre, au nom de l’islam, contre l’envahisseur communiste qu’est l'URSS. Ces combattants sont recrutés, fiancés, armés et envoyés au front par l'Arabie saoudite et les États-Unis. De nombreux groupes islamistes se forment autour de leaders en Afghanistan et au Pakistan. C’est ainsi qu’un leader apatride d'origine saoudienne, Oussama Ben Laden devint le chef spirituel d’un réseau de djihadistes appelé Al-Qaïda au Pakistan.
À ce moment-là, le jeune ingénieur Oussama de 23 ans est recruté par la CIA. Et depuis Istanbul, il organise des collectes de fonds pour la « guerre sainte » d’Afghanistan contre l’armée soviétique. Il réussit à enrôler plus de 12 000 hommes en provenance d’Algérie, d’Égypte, du Yémen, de Somalie et des Philippines. Après dix ans de guerre et de nombreuses tractations entre Moscou, Washington, Kaboul et Islamabad, le 16 février 1989, l’armée soviétique se retire totalement de l’Afghanistan. Tous ces groupes paramilitaires secrets se sont forgés sous l’œil attentif du prince Faisal bin Turki Al Saud, le chef tout-puissant des services secrets saoudiens. Ce dernier a d’ailleurs été démis de ses fonctions le 31 août 2001, soit dix jours avant les attentats du 11 septembre. Quelle coïncidence, n’est-ce pas!
La date du 11 septembre 2001
Suite aux attentats du 11 septembre 2001, détruisant les tours jumèles du World Trade Center, George W. Bush déclare la guerre au terrorisme. Il est le premier à parler de guerre au terrorisme et accuse un dénommé Oussama Ben Laden, le chef d’Al-Qaïda en Afghanistan. Bush a besoin d’un bouc émissaire, d’un coupable, pour couvrir la honte et l’humiliation de l’Amérique. Suite aux pressions américaines, le Conseil de sécurité des Nations unies, en sa résolution 1373 du 28 septembre 2001, oblige tous les États membres de l'ONU à prendre des mesures législatives contre le terrorisme. C’est la mise en place d'un « état d'exception », c'est-à-dire la légitimité de faire des guerres préventives. George W. Bush décide, le 7 octobre 2001 de bombarder les principales villes de l’Afghanistan et d’envahir le pays. Au même moment, il met en place fin 2001, sur la base militaire de Guantánamo à Cuba, un camp de détention du même nom où sont incarcérés (hors de tout cadre juridique) les combattants islamistes capturés. Imaginez la haine contre l’Amérique des combattants islamiques et du monde arabo-musulman en général!
La date du 20 mars 2003
Pire encore, Washington décide d’envahir l’Irak en 2003 et de renverser le régime laïc de son président Saddam Hussein, l’auteur de supposées armes de destruction massive, qui n’ont jamais existé. Traqué, il meurt pendu aux vus et aux sus du monde entier, le 30 décembre 2006. Quelle peine, frustration et humiliation pour ses fidèles militaires et la majorité de la population irakienne!
La date du 4 janvier 2011
Suite à la tentative d’immolation d’un jeune vendeur ambulant tunisien, Mohamed Bouazizi, le 17 décembre 2010, un mouvement de protestation populaire s’organise le 4 janvier 2011 et contraint le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali, au pouvoir depuis 1987, à quitter son pays pour l'Arabie saoudite. Le mois suivant, Hosni Moubarak, président de l'Égypte depuis 1981, doit également abandonner le pouvoir face à la pression de la rue. Ces soulèvements populaires, qui ont lieu dans ces pays du monde arabe (pour la plupart soumis à des régimes laïcs et autoritaires), sont désignés sous le nom de « Printemps arabes ». Les printemps arabes se sont manifestement soldés par un échec, car ils ne sont pas issus du peuple, mais de différents groupes rebelles recrutés, armés et financés par la CIA américano-sioniste. Le constat aujourd’hui est que les promesses de 2011 n’ont pas répondu aux attentes des populations aspirant à plus de droits, de liberté et de démocratie.
À partir de février 2011, les services secrets américains, français et britanniques moussent au nom de la liberté et de la démocratie, une importante contestation contre le leader spirituel Mouammar Kadhafi de Lybie, au pouvoir depuis plus de 41 ans, en tant que dirigeant de facto de la Jamahiriya arabe libyenne. On l’accuse de bombarder sa propre population. Or, le pays n’a pas de dette internationale (au détriment du FMI), son président Kadhafi projette une Monnaie commune africaine, un Fonds monétaire africain, une Banque centrale africaine, indépendante de la Banque mondiale, une Compagnie de transport aérien, Afriqiyah Airawyas qui doit assurer la liaison entre les capitales africaines et régions du continent. En 2007, il met sur la table trois cents millions de dollars et achète le premier satellite de télécommunications entièrement dédié au continent africain et ses îles. Le RASCOM-QAF1 a été mis en orbite le 4 août 2010 par le lanceur Ariane 5, depuis le Centre spatial guyanais. Cela a contrarié Israël et les Américains. Dans les faits, Mouammar Kadhafi a investi davantage en Afrique que toutes les institutions financières occidentales (FMI, BM, Club de Paris, etc.), ce qui fait de lui le chef d'État ou de gouvernement le plus redoutable d’Afrique pour les États-Unis et en particulier Israël. Les services secrets américains et français vont armer un mouvement d’opposition que se transforme rapidement en une insurrection armée, puis en une guerre civile.
Le Conseil de sécurité des Nations unies adopte en mars 2011 la résolution 1973, qui permet notamment l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne en Libye où l’armée locale libyenne de Kadhafi ne peut plus voler. Au fil des mois, le régime doit faire face à une suite de défections et de défaites militaires. À la fin du mois d'août 2011, les insurgés entrent dans la capitale, Tripoli, ce qui permet au Conseil national de transition (CNT) de s'installer au pouvoir. Mouammar Kadhafi, s’enfuit avec sa famille vers Syrte sa ville natale et continue à appeler au combat. Mais en vain! Le 20 octobre 2011, à 12 h 30 (heure de Tripoli), le colonel Yunus al Abdali, qui dirige les opérations militaires des soldats gouvernementaux dans l'est de Syrte, annonce la prise de la ville, après un mois de bataille. Sans argent, sans nourriture, traqué de tous bords, sous le commandement de son fils Mouatassim, décide de s’enfuir à nouveau, plus terrorisé par les bombardements de l’Otan que les rebelles du CNT. Un missile (de type français) est tiré et explose près de sa camionnette blindée. Le choc déclenche les airbags et blesse son chauffeur Daw et Kadhafi à la tête. Abandonnant leur véhicule, ils tentent de se réfugier dans un ponceau d’égout sous la route où ils sont découverts, capturés, martyrisés et tués. Son corps et celui de son fils Mouatassim sont exposés pendant plusieurs jours, dans un entrepôt frigorifique de Misrata. Quelle fin de vie!
La date du 6 mars 2013
Depuis l’invasion américaine d’Irak, les forces politiques, laïques du parti Baas (d’allégeance sunnite) sont délibérément détruites par les nouveaux dirigeants irakiens chiites. Depuis, les sunnites sont montés contre les chiites au pouvoir. Le mécontentement de la population sunnite, marginalisée par l’ex-premier ministre Nouri Al-Maliki, a formé un terreau idéal pour les djihadistes. L’Arabie saoudite et le Qatar (d’allégeance sunnite) n’ont pas raté cette opportunité pour jeter de l’huile sur le feu. C’est de cet ensemble de djihadistes qu’est issu l’État islamique. Comme nous pouvons le constater, les djihadistes ne sont pas apparus par hasard. Ils sont le produit d’une longue humiliation, fanatisation, radicalisation ou wahhabitation de l’islam contre une modernité occidentale envahissante. « Dans le passé l’Arabie saoudite a formé environ 45 000 cadres religieux à l’étranger. Le pays finance des dizaines de chaînes satellitaires et des centaines de sites internet. Les Saoudiens ont investi à ce jour 87 milliards de dollars pour diffuser le wahabisme dans le monde entier, pour construire des mosquées et rémunérer des imams. Cela s’est fait et cela continue de se faire non seulement dans nos contrées mais aussi en Asie, en Afrique et bien sûr au Moyen-Orient. Il n’est pas exagéré de parler d’une wahabisation de l’islam ».
Revenant aux données de l’histoire récente, le 6 mars 2013, les dirigeants de l’État islamique décident d’établir leur capitale et le siège de leur gouvernement à Raqqa, en Syrie. Trop occupées à combattre sur plusieurs fronts à la fois, l’armée syrienne n’a pu défendre la ville adéquatement et elle leur a échappé. Depuis lors, comme je l’ai signalé au début, nous avons à faire à une véritable armée de mercenaires venus d’une quarantaine de pays. Ils ont plus de cent chars d’assaut, des milliers de jeeps blindés, des mitraillettes, des lances roquettes, des missiles, etc. Ces armes ne sont pas tombées du ciel, c’est le cas de le dire!
En bout de ligne, qui sont les responsables des attentats de l’État islamique? Les pays vassalisés des États-Unis, Israël, l’Arabie saoudite et le Qatar et tous les autres membres de leur supposée coalition. Les bombardements sont-ils la solution? Non, sauf peut-être ceux qui visent les raffineries pétrolifères et les camions-citernes qui transportent le pétrole volé et vendu à rabais à la Turquie et à des pays européens. Avec l’arrivée de la Russie en Syrie, sous l’invitation du président Bachar al-Assad de Syrie, la Turquie est en train de perdre sa mamelle pétrolière (et Daesh aussi), en étant privée de son hégémonie sur la frontière avec la Syrie. L’attaque d’un avion de chasse russe par la Turquie-Otan n’est pas due à une erreur ou à une menace russe à sa sécurité nationale, mais à sa vengeance (celle de son président Recep Tayyip Erdoğan) de se voir couper les vives pétrolières et d’être incapable de continuer à soutenir en personnel et en armes Daesh. Il y a de profondes divergences au sein de l’Otan, mais face à la Russie, l’Otan n’a pas le choix de soutenir la Turquie comme un de leurs membres. Quelle incongruence et hypocrisie!
On fait quoi maintenant? Pour éradiquer le terrorisme, il faut atteindre les causes. Au niveau national, tant en Irak qu’en Syrie, il est urgent de couper les vives aux principaux groupes terroristes, Al-Qaïda, Al-Nusra et Daesh, en libérant les raffineries de pétrole qu’ils détiennent et exploitent, en détruisant les camions-citernes qui transportent le pétrole et le vendent via la Turquie. Demander à la Turquie de contrôler ses frontières pour empêcher ce commerce illicite payant tant pour elle que pour les groupes terroristes relève du rêve. Dans le même ordre, il est impératif de saisir tous les dons, les subventions, les fonds destinés aux groupes terroristes envoyés principalement par l’Arabie saoudite, le Qatar, le Koweït, etc. (dans plus de 19 banques protégées), et garder cet argent comme réserve pour la reconstruction de la Syrie et de l’Irak.
Des sanctions économiques doivent être décrétées par les Nations Unies, comme dans le cas de l’Iran et de bien d’autres pays. Il en va de même pour toute livraison d’armes à ces groupes de mercenaires en provenance spécialement des États-Unis et des pays de l’Otan. Que les États-Unis, le Royaume uni, la France, le Canada annulent tout contrat de vente d’armes à l’Arabie saoudite et au Qatar. Il faudrait cesser pour un temps toute relation diplomatique avec ces pays.
Il y a un urgent besoin de coordonner les services secrets du renseignement qui travaillent en parallèle et qui ne communiquent pas entre eux. Il faut une seule coalition qui puisse s’imposer et frapper fort les différents groupes djihadistes où qu’ils soient. Pour un meilleur contrôle, il faut à tout prix garder intactes les frontières de l’Irak et de la Syrie. Pour ce faire, nous devons compter sur la collaboration de Bachar Al-Assad et des pays arabo-musulmans.
Deux mises en garde importantes. Les conflits au Moyen-Orient ne se règleront pas sans une mise au pas d’Israël et son idéologie sioniste de colonisateur de la Palestine. Je l’ai passablement développé un peu plus haut. Mais permettez-moi de vous rappeler quelques faits récents. Le 2 juin 2014 la politique palestinienne change, le Fatah au pouvoir en Cisjordanie et le Hamas sur la bande de Gaza forment un gouvernement palestinien d'union nationale. Cette réconciliation est immédiatement condamnée par Israël qui au même moment soigne des djihadistes blessés dans ses hôpitaux. Suite à l’enlèvement de trois jeunes juifs (situation toujours ambigüe), le 14 juin 2014 Israël lance l'opération « Gardiens de nos frères », durant laquelle sont arrêtés et emprisonnés 800 Palestiniens, sans inculpations ni procès. En juillet et août 2014, l’armée israélienne lance une autre offensive « Bordures protectrices » contre la bande de Gaza. Selon le journal le Monde, cette dernière guerre, qui a duré plus d’une cinquantaine de jours, aurait causé plus de 2 000 morts du côté palestinien dont au moins 1 444 civils, parmi lesquels 478 enfants, et 64 morts du côté israélien, dont 3 civils, sans compter les 10 000 blessés et les 485 000 réfugiés palestiniens. Israël veut redessiner les cartes et déplacer les frontières du Moyen-Orient pour faire de la place au Grand-Israël. Et pour être un peu machiavélique, je dis : vidons l’Irak et la Syrie de leurs différentes populations et il sera plus facile à Israël de réaliser son rêve! Au même moment, n’y aurait-il pas un deuxième but visé? Les pays d’accueil n’étant pas nécessairement préparés et outillés pour recevoir cette avalanche de réfugiés, des dissensions vont se créer au milieu des différentes populations et, sans trop me tromper, augmenter une islamophobie latente et malsaine. Pendant que l’Europe sera occupée par les réfugiés, Israël aura la voie libre, si l’ONU ne fait rien.
Une seconde mise en garde. Je m’en voudrais de terminer sans parler d’un autre problème non réglé qu’est la situation des différentes populations kurdes. Ce peuple de 30 millions d’habitants n’a toujours pas d’État-nation et chevauche sur quatre frontières, celle d’Iran, d’Irak, de Syrie et de Turquie. Les Turkmènes à la frontière de la Turquie, opposé au régime de Bachar Al-Assad comptent sur la Turquie pour les protéger et les armer. Or, l’objectif des Russes est de fermer la frontière syrienne au nord de Lattaquié pour que l’armée syrienne puisse venir à bout des fiefs rebelles du Djebel Turkmène et du Djebel Akrad (la montagne des Kurdes en arabe), qui menacent les installations militaires russes. La Russie ne pourra pas y parvenir si les rebelles continuent à recevoir de l’aide militaire depuis la Turquie. À l’autre extrême se trouve le Djebel Ansarieh (la montagne sacrée des Alaouites) pro-Assad qui ne veulent pas s’engager ouvertement dans les conflits par peur des représailles de la Turquie. Cependant depuis qu’un des deux pilotes ait été tué par les rebelles turkmènes, le peuple kurde vient d’aggravé sa situation, en projetant l’image qu’ils sont aussi barbares que les rebelles de Daesh. J’espère qu’une fois la Syrie pacifiée (espérant que cela se produira un jour), les Nations-Unies devront tout faire en leur pouvoir pour préparer la voie à une autonomie politique et nationale des populations kurdes.
Voilà une brève ébauche visant à aborder les causes du problème islamique. Mais ne soyons pas naïfs! Quelles que soient les précautions employées, des civils (pire, des enfants), des innocents seront tués par nos bombardements. Plus les bombardements se succèdent, plus des bavures risquent de se produire. Le résultat sera dévastateur, dans l’opinion publique arabo-musulmane! Nous aurons, nous aussi, tué des innocents! Et cela va démontrer clairement la part que nos gouvernements ont eu dans la création de ce monstre.
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3 commentaires
Martin Perron Répondre
2 décembre 2015Impeccable, M. Morin. Votre rappel historique est très instructif et vous osez une explication qui jette une lumière nouvelle sur la crise des réfugiés actuelle en reliant celle-ci avec la politique expansionniste de l'État d’Israël. Ce dernier sujet est considéré comme tabou: aucun média n'en parle.
Michel Guay Répondre
30 novembre 2015Depuis Mahomet vers 700 le terrorisme musulman ( Jihad et Charia) n'a jamais cessé . Après les croisades il s'est déplacé en Afrique et en Asie et depuis 1948 il s'attaque de nouveau à l'occident . Et sa méthode est toujours la même ; déplacer les populations musulmanes en les obligeant à envahir l'occident .
Michel Guay
Marius Morin Répondre
29 novembre 2015Je viens de découvrir le site "Osons causer"
Voir ses deux dernières vidéos:
https://www.youtube.com/watch?v=WPVezWt6RWA
https://www.youtube.com/watch?v=i4kywUZ1DEc
Bon visonnement!