Philippe Couillard affirmait récemment devant les jeunes libéraux que le Parti libéral du Québec se réclame désormais du progressisme. Selon le Larousse, le progressisme se traduit par le comportement de ceux qui estiment qu’une profonde transformation des structures politiques et sociales permettra une amélioration des conditions de vie et une plus grande justice sociale. Si nous souhaitons sincèrement que le PLQ s’inspire de cette idéologie, nous croyons cependant que Philippe Couillard oublie un détail fondamental : la pierre angulaire du progressisme est la lutte contre la corruption.
Le progressisme s’est manifesté au début du XXe siècle aux États-Unis en réaction à l’« Âge doré », une époque d’industrialisation accélérée, caractérisée par un laisser-faire économique, une déréglementation et l’établissement de puissants monopoles et oligopoles, par exemple celui de John D. Rockefeller. Cette industrialisation entraînait un recul dans les conditions de vie de la classe moyenne américaine, qui travaillait désormais pour des salaires dérisoires dans des usines où sa santé était mise en péril.
Un tel déséquilibre économique et social ne pouvait exister qu’à la faveur d’une stratégie bien établie : la corruption politique. Ainsi, pour assurer que le gouvernement ne réglemente pas en matière de concurrence et de normes du travail, la grande entreprise oligopolistique finançait généreusement les partis politiques de sorte que ses intérêts soient servis avant ceux de la population. Le mouvement progressiste, incarné par Théodore Roosevelt, allait rompre avec cette époque chaotique en s’attaquant publiquement à la corruption et en réglementant les activités de la grande entreprise.
Au Québec, la mouvance à l’origine de la Révolution tranquille, inspirée d’une idéologie progressiste, visait elle aussi à dénoncer la corruption et le laisser-faire, lesquels caractérisaient le règne de Maurice Duplessis. L’élimination de cette corruption et l’arrivée de plusieurs politiciens réputés pour leur intégrité furent d’importants catalyseurs de la Révolution tranquille. Et c’est au cours de cette période que purent voir le jour un grand nombre de politiques visant l’amélioration des conditions de vie des Québécois et l’atteinte d’une plus grande justice sociale, notamment en éducation et en santé.
Dix ans d’allégations
La gouvernance du Parti libéral entre 2003 et 2012 a été caractérisée par une vague sans précédent d’allégations de corruption et de conflits d’intérêts entre la grande entreprise et l’État. Le dossier du gaz de schiste en constitue un exemple. La proximité douteuse entre l’entreprise privée et le gouvernement, de même que le caractère précipité du processus décisionnel, ont soulevé de vives interrogations, considérant que le Québec consentait des droits d’exploration à un prix dix fois moins élevé qu’en Colombie-Britannique. La question des droits d’exploration sur l’île d’Anticosti, le scandale du CUSM et les allégations de conflits d’intérêts dans l’octroi de PPP constituent d’autres exemples en ce sens.
Mais le dossier le plus frappant demeure toutefois celui de la construction, où un gonflement d’approximativement 35 % de nos travaux publics a été découvert en 2010, lequel est directement lié au financement des activités politiques. Sur un budget en immobilisation avoisinant les 5 milliards en 2010, les sommes dilapidées se calculent assurément en centaines de millions, peut-être en milliards. Les conséquences d’un tel scandale sur notre réputation à l’étranger et notre prospérité économique sont indéniables.
Dette publique
Sur le plan des finances publiques, cette même période libérale a été caractérisée par une dette publique qui s’est creusée de 7 milliards de dollars par année en moyenne. Or, pour compenser pour cette gestion laxiste de nos fonds publics, le PLQ a renvoyé la facture de ses nombreux dérapages à la classe moyenne, par l’entremise de taxes et d’augmentations de tarifs. L’une de ces mémorables « factures » consistait en une hausse des frais de scolarité, laquelle a complètement paralysé le Québec pendant près d’un an et a grandement nui à notre prospérité économique, particulièrement dans la région métropolitaine.
Ultimement, ce sont les générations à venir qui subiront les conséquences de ces dérapages et devront porter le fardeau de la dette publique accumulée qui en découle. Nous sommes bien loin de la définition du progressisme.
Ramener le Parti libéral vers une idéologie progressiste est non seulement souhaitable, mais possible : ce parti a déjà incarné le progressisme. Les jeunes libéraux ont également, au cours des dernières années, présenté de nombreuses propositions innovatrices s’apparentant à cette idéologie.
Il demeure néanmoins que la commission Charbonneau a mis au jour une corruption d’une envergure sans précédent, qui devait être connue et orchestrée quelque part au palier provincial au cours des années 2003 à 2012 - plusieurs témoignages de la commission l’indiquent déjà et nul doute que les travaux de l’automne nous permettront de cerner plus précisément l’implication du palier provincial, qui est responsable de nos municipalités. Plusieurs des membres actuels du PLQ étaient en poste à cette époque et nombre d’entre eux ont tenté par tous les moyens d’éviter cette commission d’enquête, notamment en niant le problème et en tentant de mettre sur pied une commission d’enquête bidon dont le fonctionnement aurait été en contradiction même avec la Loi sur les commissions d’enquête.
Aujourd’hui, c’est notre prospérité économique qui souffre de ces dérapages, et c’est particulièrement notre classe moyenne qui en fait les frais. Si les jeunes libéraux désirent réellement redonner au PLQ ses lettres de noblesse et incarner un jour le progressisme que leur formation a déjà personnifié, ce que nous souhaitons ardemment, ils ne doivent pas être dupes et entreprendre l’inévitable tâche que cela suppose : le ménage.
Paul St-Pierre Plamondon - Avocat et cofondateur de Génération d’idées; Sébastien Boyer - Ingénieur stagiaire, membre de Génération d’idées et Anne de Ravinel - Avocate et membre de Génération d’idées
Libre opinion - Le retour des libéraux progressistes?
Paul St-Pierre Plamondon, Sébastien Boyer, Anne de Ravinel
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