Lettre à un ministre de l’Éducation qui voulait être recteur

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Une autre grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf

Monsieur François Blais, ministre de l’Éducation,

La rentrée scolaire et universitaire de même que certaines interventions récentes de votre part nous amènent à penser qu’il peut être utile de rappeler à votre esprit et à celui des lecteurs, ne serait-ce que brièvement, les fonctions respectives des différentes institutions qui composent le système d’éducation québécois. Le ministère de l’Éducation, qui chapeaute l’ensemble du parcours scolaire des citoyens québécois du primaire jusqu’à l’université en passant par les cégeps (car il n’y a plus de ministère de l’Enseignement supérieur…), fixe les grandes priorités de l’État en matière d’éducation. La mise en oeuvre de ces priorités est ensuite déléguée à différentes corporations autonomes qui ont leur propre conseil d’administration chargé d’assurer la bonne gestion des budgets qui leur sont octroyés par l’État. Dans ce système complexe, les universités occupent une place à part et ont, à juste titre, un degré d’autonomie de programmation plus élevé que les autres ordres d’enseignement.

Je ne vous apprendrai rien : votre tâche à titre de ministre de l’Éducation est imposante. On vous imagine d’ailleurs actuellement très occupé à peaufiner les derniers détails fixant, pour chaque université, le montant précis des compressions additionnelles de 72 millions imposées au système universitaire québécois par votre gouvernement, compressions devant s’appliquer — notons-le — sur l’année fiscale 2015-2016, pourtant déjà à moitié entamée. Sans compter bien sûr l’attention que vous devez aussi porter aux niveaux primaire, secondaire et collégial.

De leur côté, les dirigeants de ces différentes institutions d’enseignement font leur travail. Une fois connu leur budget, ils décident (en tenant compte de très nombreuses contraintes techniques) comment l’affecter aux différents services, gérant ainsi les institutions dont ils ont juridiquement la gouverne.

Que l’on soit d’accord ou non avec leurs choix, ils sont les seuls responsables habilités à prendre des décisions de microgestion et devront vivre avec les conséquences qu’elles entraînent. Ils rendent d’ailleurs compte de leurs actions à leur conseil d’administration. On imagine facilement que, de façon générale, ces personnes font de leur mieux pour minimiser les effets des compressions sur les services qu’elles ont la mission de fournir aux citoyens. Je dis bien minimiser, car seule la pensée magique (ou le cynisme politique) peut laisser croire à la population que l’on peut encore « faire plus avec moins » ou « ne pas toucher aux services ». Dans le contexte actuel, après plusieurs années de compressions en éducation, toutes les personnes sérieuses s’entendent : on devra faire moins avec moins, quoi qu’en disent les « porte-parole » du gouvernement et autres « communicants » chargés de l’intoxication médiatique et de la « gestion de crise ».

Les bibliothèques

Quelle ne fut donc pas ma stupéfaction de lire dans l’édition du Devoir du 28 août 2015, par la bouche de votre porte-parole (Mme Julie White), que les bibliothèques de l’UQAM resteraient ouvertes le dimanche, malgré l’annonce contraire par la directrice générale des bibliothèques de cette université, qui expliquait que les restrictions budgétaires imposaient des choix difficiles et que le moindre mal consistait à réduire les heures d’ouverture la journée la moins fréquentée de la semaine. Fallait-il plutôt couper (encore) dans les abonnements aux revues savantes ? Ou plutôt acheter moins de livres, même sous forme numérique ? Ou encore diminuer le personnel sur les planchers des bibliothèques ? Ce sont là des questions complexes qui ne peuvent être prises sans avoir accès à toutes les données. On peut sérieusement douter que vous — ou même votre « porte-parole » — ayez eu le temps d’étudier sérieusement cette question, qui relève justement des directeurs de service qui prennent des décisions en accord avec leurs supérieurs.

Il sera toujours permis de diverger d’opinion sur l’opportunité des choix effectués par les différentes universités en fonction de ce qu’elles considèrent comme leurs priorités d’action, mais un fait demeure : le ministre de l’Éducation ne peut s’ingérer dans la microgestion du quotidien des universités, institutions autonomes confrontées à des compressions massives de budget qui répondent ultimement de leurs décisions à leur conseil d’administration, sans parler de la confiance qu’elles doivent conserver auprès de la communauté universitaire.

Sachant que vous avez déjà été candidat au rectorat à l’Université Laval, mais que cette communauté universitaire a choisi, à tort ou à raison, une autre personne pour diriger ses destinées, il est peut-être utile de vous rappeler, avec respect, que si vous voulez vraiment vous occuper du fonctionnement quotidien d’une université, y compris les heures d’ouverture des bibliothèques, il faudrait trouver une façon de vous faire nommer recteur. Mais vous devrez alors laisser à d’autres la tâche — assez lourde pour être occupée à temps complet — de définir les grandes priorités du ministère de l’Éducation du Québec.


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