Bonjour monsieur Bertrand,
Pour commencer, j'aimerais vous signaler que votre projet de république fédérale du Québec se marie très bien avec les concepts géopolitiques que je développe dans mes vidéos.
En effet, la meilleure façon, selon moi, d'enrichir l'ensemble de la population d'un Québec indépendant serait de se servir de l'effet de cuvette que je décris dans mes vidéos et qui, dans tous les pays du monde, amène les régions périphériques à produire les matières premières (et le surplus d’enfants) qui descendent naturellement vers les grands centres urbains industriels qui sont situés dans des territoires plats, bien arrosés et de basse altitude. C'est le cas au Québec avec Montréal et Québec qui sont situées sur le fleuve Saint-Laurent et à des points stratégiques du territoire.
J'ai toujours dit qu'un Québec indépendant devrait investir massivement dans les régions pour ensuite laisser ruisseler la richesse sur tout le territoire en descendant vers Montréal; une métropole continentale qui, en plus, profitera, grâce à des droits de passage, de la richesse qui s'écoulera naturellement de l'Ontario et de l'Ouest canadien : produits industriels, minerais, grains, pétrole, etc.
Monsieur Cloutier me dit que, selon vous, aucun peuple n’a fait l’indépendance pour des raisons économiques mais pour des raisons plus émotives comme la protection de son identité nationale. Je suis parfaitement d’accord sur ce point. Je crois en effet qu’en fin de trajectoire, les gens voteront d’abord et avant tout en fonction de leurs émotions. Cependant, comme la peur est aussi une émotion - et une des plus puissantes - je crois qu’il est primordial, pendant les années précédant le référendum, qu’on utilise à fond les arguments économiques en faveur de l’indépendance pour rassurer les gens et éliminer de telles peurs. Vous noterez en passant que les humains montrent toujours énormément d’enthousiasme pour les projets payants (ex : l’augmentation de leurs salaires ou de leurs pensions).
Quelques objections à votre projet
Pour avoir participé activement aux États Généraux organisés par le Conseil de la Souveraineté au cours des dernières années, je puis vous dire que les participants se sont montrés étonnamment réticents à l’idée de ¨refaire le Canada¨ dans le Québec indépendant. Deux arguments assez convaincants ont alors été présentés contre le projet d’une république fédérale du Québec. Le premier, c’est qu’un Québec indépendant serait suffisamment petit pour que son gouvernement central puisse l’administrer sans trop faire d’erreurs. Le deuxième, plein de bon sens, c’est que l’indépendance est supposée réduire les coûts d’administration de l’État; ce qui ne se produira pas si on recrée des structures fédérales au Québec
Pour ma part, je crois que le système de redistribution de richesses que je propose rendrait obligatoire la création d’instances régionales chargées d’investir judicieusement l’argent disponible en fonction des véritables besoins de la population locale. Je pense cependant qu’il serait possible de faire fonctionner un tel système avec une infrastructure relativement légère en se servant au maximum de gens déjà élus (maires, députés, commissaires d’écoles, etc.) tout en impliquant au maximum des représentants de la société civile (caisses pop., groupes citoyens, etc.). Pour ce qui est des petits investissements de moins de 50,000$ par exemple, le système décisionnel pourrait même être basé sur un système de votation par Internet.
La partie de votre projet qui, personnellement, m’embête le plus concerne la façon d’établir une telle république. En effet, comme je le dis toujours, on se tirerait nous-mêmes dans le pied en proposant trop de changements en même temps dans un référendum parce que cela augmenterait d’autant le nombre de raisons de voter ¨non¨. Par exemple, s’il serait, selon moi, assez facile d’obtenir que beaucoup de Musulmans votent ¨oui¨, on les empêcherait de le faire en ajoutant dans la question référendaire qu’un Québec indépendant sera un État purement laïc.
La théorie des ensembles nous apprend que, même si on a 90% des gens qui sont en faveur de l’avortement, 90% qui sont en faveur de l’euthanasie et 90% en faveur de l’indépendance, il se peut que seulement 45% soient en faveur des trois en même temps. Poser une question comprenant ces trois éléments serait donc suicidaire. Il s’agit bien sûr ici d’un simple exemple.
Comme le pays appartient à ses habitants et non à ses élites et qu’en démocratie, on est obligé de demander son avis à la population, il faut abandonner l’idée de ¨frapper un grand chelem¨ avec un seul référendum. La meilleure façon de procéder serait donc de faire d’abord un référendum sur l’indépendance en proposant l’extrême minimum des changements nécessaires.
Une fois qu’on aura ¨sorti le Fédéral du Québec¨, il sera toujours temps de former une constituante qui sera chargée de préparer la constitution définitive d’un Québec souverain qui, elle aussi, sera soumise à l’approbation de la population lors d’un autre référendum. Compte tenu de ce que je viens de dire sur la théorie des ensembles, je crois cependant qu’il sera difficile d’obtenir un ¨oui¨ dans un tel référendum.
Voilà pourquoi j’ai toujours suggéré de tenir, lors des élections générales suivantes, un deuxième référendum portant uniquement sur les modifications constitutionnelles faisant consensus au Québec (laïcité, égalité hommes-femmes, droits de l’homme, primauté du français, etc.). Toutes les modifications plus controversées (euthanasie, avortements, peine de mort, etc.) seraient adoptées, une par référendum, lors d’élections subséquentes. Un tel processus évolutif, en plus de ne pas obliger le déplacement inutile des électeurs, aurait beaucoup plus de chances de fonctionner que cette idée de ¨frapper un grand chelem¨. Autrement dit, on réaliserait votre république du Québec par morceaux.
J’ajouterai que le référendum sur l’indépendance devra être basé sur une question claire et non équivoque et ce, pour plusieurs raisons absolument essentielles.
1) D’abord, la population n’est pas stupide et sait parfaitement bien de quoi il est question. Il est donc inutile de ¨sucrer¨ la question.
2) Seul le 50% + 1 fera obéir 99% de la population québécoise qui croit sincèrement à la démocratie. (Pour contrôler les capotés du 1% qui restera, il suffira de menacer leurs biens de saisie. Cela est toujours très efficace…).
3) Parce que seul le 50% + 1 à une question claire amènera la reconnaissance internationale presque automatique d’un Québec souverain. C’est désormais devenu la norme en la matière ou presque.
4) Parce que le Canada anglais a reçu l’ordre de sa propre Cour suprême de négocier de bonne foi la séparation du Québec en cas d’un ¨oui¨ clair à une question claire.
Quand à votre idée de mettre l’expression ¨jour pour jour¨ dans la question pour le moment de la déclaration d’indépendance, elle est, selon moi, non seulement inutile mais politiquement dangereuse, car cela donnerait l’opportunité au fédéral de tenir par exemple son propre référendum rapide pour invalider le nôtre. Le plus simple ici serait de poser une question référendaire simple et claire et d’envoyer dans tous les foyers une copie du projet de loi sur l’accession à la souveraineté qui fournirait à la population le détail du processus que nous suivrions. De cette façon, dès qu’on aurait un ¨oui¨ on procéderait en suivant le projet énoncé dans ce projet de loi mais en gardant toute notre liberté de réagir rapidement aux événements.
Dernières remarques : il n’est pas de l’intérêt des premières nations de participer au mouvement puisque leur stratégie actuelle est de se placer entre les deux peuples pour obtenir des concessions sans cesse plus importantes en utilisant l’argument moral. Pour qu’elles se joignent au processus et votent ¨oui¨, il faudrait leur garantir des négociations dès l’avènement de l’indépendance dans le but de les enrichir selon le modèle de la convention de la Baie de James.
Pour ce qui est des Anglophones, s’il sera essentiel et moral de protéger leurs droits, il serait injuste et IMMORAL de leur garantir la protection de leurs ¨droits acquis¨ qui sont en fait des droits de vol. Comme ils représentent 8.5% de la population, ils ont en effet droit à 9% des budgets et non à 20, 30 ou 40% comme maintenant. (Pour donner un seul exemple, 45% des budgets pour l’administration des universités au Québec vont à la communauté anglaise qui se paie de gros salaires et de grosses maisons avec MES taxes.)
Pour ce qui est de l’immigration, je crois qu’il est grand temps que nous sortions tous du paradigme voulant qu’on en ait absolument besoin. Si une immigration modérée est une bonne chose, l’immigration massive de destruction comme celle qu’on nous impose présentement au Québec est selon moi, non seulement nuisible, mais immorale.
Meilleures salutations,
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7 commentaires
Robert J. Lachance Répondre
22 juin 2016@ Pierre Cloutier,
«La réflexion de Me Bertrand est intéressante et mérite d’être diffusée ou débattue. Elle doit faire partie des avenues proposées dans le cadre d’un projet de pays.»
D’accord.
Merci à Jacques Nantel pour son article; le site de Me Guy Bertrand se mérite à nouveau un rang mondial au classement d’Alexa depuis le 18 juin. il ne s’en méritait plus depuis le 25 février. Il en détenait un suite au passage de Guy Bertrand à TVA en octobre ou novembre 2015.
Pour avoir lu et relu, pourquoi n’a-t-il pas intitulé son projet qu’il nous lègue Liberté-Régions ou Liberté-Nations ?
http://www.republiquefederaleduquebec.com
Pierre Cloutier Répondre
16 juin 2016Moi j'ai toujours dit : indépendance et constitution par et pour les citoyens. Mais indépendance d'abord et constituante ensuite.
Mais pour faire l'indépendance, il faut d'abord la vouloir et ensuite en faire la défense et l'illustration. L'illustration de l'indépendance c'est ce qu'on appelle communément un "projet de pays". Pas un plan d'ingénierie. mais à tout le moins un plan d'architecte pour démontrer aux citoyens ce qu'on veut et ce qu'on souhaite : une république de langue française et laïque et un État souverain et indépendant décentralisé au profit des régions.
Dans ce sens le travail de Me Guy Bertrand est remarquable et sort des sentiers battus. En plus, il vient battre les fédéralistes canadiens sur leur propre terrain en reprenant l'idée fédérale à son compte pour nous illustrer ce que pourrait être la République fédérale du Québec. Que voulez-vous que les fédéralistes répondent à cela?
Quand on y regarde de plus près, ce n'est pas l'idée fédérale en soi qui est mauvaise. Bien au contraire. La fédération, à quelque niveau que ce soit, est souhaitable, dans le domaine politique, social et économique. Mais encore faut-il que les entités fédérées soient égales et qu'il n'y ait pas de distorsion comme dans le fédéralisme canadien où on retrouve 9 provinces (plus les territoires) de langue anglaise et une province de langue française, alors qu'au départ, il était censé y avoir 2 peuples fondateurs. La nuance est là, mais elle est de taille.
La réflexion de Me Bertrand est intéressante et mérite d'être diffusée ou débattue. Elle doit faire partie des avenues proposées dans le cadre d'un projet de pays.
J'ai bien dit : "projet de pays" et non pas "projet de province" comme le PQ nous l'a proposé au cours des 6 dernières élections. Assez c'est assez. Quand on veut un pays, on commence par avoir le courage élémentaire de le mettre sur la table.
Archives de Vigile Répondre
16 juin 2016Les dés sont pipés.
Une fois ce p'tit boutte compris, il devient plus facile de devenir créatifs...
...et sortir de la boite...
Jean-Jacques Nantel Répondre
16 juin 2016Monsieur Ricard,
Quand je parle d'un référendum portant uniquement sur l'indépendance, un référendum où SEULS les changements les plus absolument nécessaires pour faire un pays seraient proposés à la population, cela, par définition, signifie, bien entendu, que nous garderions la constitution canadienne actuelle (légèrement adaptée) jusqu'au moment où nous la modifierions.
Ce serait très exactement l'inverse du ¨saut dans le vide¨ dont vous parlez.
En fait, les gens saurait très exactement ce dans quoi ils s'embarqueraient. Ce serait le Québec actuel, mais hors du Canada.
Pour le dire autrement, on ferait d'abord du Québec un pays et, seulement après avoir sorti le Fédéral du Québec, on modifieraient la constitution actuelle, morceau par morceau, aux cours de référendums subséquents tenus lors d'élections générales.
Jean Lespérance Répondre
16 juin 2016Pour moi, une constituante constitue une erreur car c,est quelque chose de non définie en soi. Et faire voter les gens sur quelque chose qui n'est pas définie est un chèque en blanc, un véritable tour de force.
Qu'est-ce qui prouve qu'une constituante serait mieux qu'une constitution que je rédigerais ou que quelqu'un d'autre rédigerait? Absolument rien. Si des personnes se sentent incapables de rédiger une constitution pour le peuple et qu'elles préfèrent faire confiance à des inconnus, c'est peut-être leur choix mais ce n'est pas le mien. Moi, je sais que je peux rédiger une constitution dans un temps record et qu'elle répondrait aux besoins du peuple, de tout le peuple. En la faisant connaître longtemps avant une élection, nous aurions plus de chances que cette constitution soit adoptée. De toute façon, elle pourrait être modifiée pour répondre aux exigences et aux aspirations du peuple. Mais comme cela semble un projet gagnant, on préfère l'inconnu dans lequel les gens ne se jetteront pas. Voter sur du concret est toujours plus attirant que de voter sur quelque chose qu'on ne voit pas.
Normand Paiement Répondre
16 juin 2016Monsieur Nantel,
Puisque la «saison des idées» bat son plein en ce moment du côté des indépendantistes, j'en arrive à la conclusion qu'il importe très peu de savoir qui sera élu chef du PQ en octobre.
Il m'apparaît davantage essentiel de tenter d'influencer les candidat(e)s à la direction de ce parti, comme vous et d'autres le faites sur ce site et ailleurs.
Bonne continuation!
Normand Paiement
François Ricard Répondre
16 juin 2016En effet, "la population n'est pas stupide" et c'est probablement pourquoi elle ne veut pas de l'indépendance qui ressemble à un saut dans le vide.Pourtant c'est bien ce que l'on lui propose en lui offrant un référendum sur l'indépendance uniquement.
Va-t-on profiter de l'occasion pour instaurer une dictature? Qui sera le dictateur? Ou une monarchie? Qui sera la reine ou le roi? Le nouvel état sera-t-il laique ou religieux? Si religieux, de quelle religion?
Un pays, c'est un territoire. mais c'est aussi des gens qui veulent avoir une façon commune de vivre. Les gens ne sont pas fous fous.Avant de dire oui, ils veulent avoir une bonne idée de ce en quoi ils embarquent. Ils veulent savoir: "Il aura l'air de quoi, ce pays?"