À la veille du 8 mars 2017, est-il encore pertinent de célébrer la Journée internationale des femmes?
Je le crois. Ne serait-ce que pour mesurer le chemin parcouru au chapitre de la longue marche vers l’égalité entre les hommes et les femmes, tant sur les plans économique que politique et social.
Sur le plan économique, de nombreuses barrières psychologiques et structurelles se dressent toujours devant les femmes quant à leur accès à des postes décisionnels et à l’équité salariale. C’est particulièrement le cas pour les femmes issues de l’immigration.
Sur le plan politique, la sous-représentation des femmes dans les lieux de pouvoir est largement documentée. Quant au plan social, les femmes sont hélas plus nombreuses à vivre dans la pauvreté et l’exclusion, et la violence qui leur est faite est loin d’être éradiquée.
Populisme et fanatisme religieux
De plus, de nouveaux enjeux ont fait leur apparition en ce début du 21e siècle dans un contexte où la confiance des citoyens à l’égard de leurs classes politiques s’érode dramatiquement. Ce déficit démocratique est aggravé par la résurgence des idéologies populistes à la Donald Trump et par la montée de la droite et des extrémismes religieux. À coups d’individualisme outrancier et d’instrumentalisation de la «liberté de religion», des forces rétrogrades s’attaquent directement aux droits des femmes et aux acquis qu’elles ont pu obtenir, de haute lutte, durant les cinq dernières décennies.
Simone de Beauvoir le rappelait, à juste titre, en ces termes: «N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.»
Outre les inégalités des genres qui demeurent bien réelles dans toutes les sociétés occidentales, il y a le lot des atrocités que subissent les femmes ailleurs dans le monde et qui nous interpellent tous. Je pense, entre autres, au sort tragique réservé aux femmes et aux enfants en zones de guerres et de conflits.
La traite des Yézidies
Le peuple yézidi est une minorité ethnique et religieuse qui vit au confluent de l’Irak, de la Syrie et de la Turquie; on les retrouve également en Arménie, dans les anciennes républiques de l’Union soviétique d’Asie centrale et dans la diaspora aux États-Unis, en Europe et au Canada.
Leur identité s’articule autour du yézidisme, une religion préislamique, parmi les plus vieilles du monde, qui leur a valu d’être persécutés à travers l’histoire.
Les djihadistes de l’État islamique leur vouent une haine sans bornes et les considèrent comme des «adorateurs du diable» et des idolâtres irrécupérables qui méritent les pires châtiments.
Les femmes yézidies représentaient donc un butin de choix pour les djihadistes de l’État islamique. Dès 2014, elles ont été enlevées par milliers et enchaînées comme du bétail pour être vendues et revendues sur le marché de la traite des esclaves.
L’humiliation avait atteint son paroxysme quand l’État islamique avait affiché les prix de ce commerce déshonorable. Ainsi, les djihadistes pouvaient s’acheter des esclaves yézidies en fonction de leur âge et de leur statut matrimonial: pour un enfant de 1 à 9 ans: 200 euros; de 10 à 20 ans: 100 euros; de 20 à 30 ans: 68 euros, etc.
Violées à répétition, torturées et martyrisées par les multiples bourreaux qui se les sont échangées et ont disposé de leur corps au gré de leur sadisme, certaines avaient réussi à fuir, à s’exiler en Europe et à témoigner de l’enfer qu’elles avaient vécu.
Le Canada doit agir
Deux d’entre elles, Lamiya Aji Bashar et Nadia Murad, des survivantes de l’esclavage sexuel, avaient reçu, en 2016, le Prix Sakharov «pour la liberté de l’esprit» du Parlement européen. Nadia, également ambassadrice de l’ONU pour la dignité des victimes du trafic d’êtres humains, poursuit avec Lamiya leur lutte pour que les criminels de Daech soient traduits devant la Cour pénale internationale. Elles réclament également la création d’une zone sécuritaire dans le Kurdistan irakien. Le Canada, qui a choisi de s’impliquer auprès des combattants kurdes, est interpellé au premier chef. Le 8 mars prochain est une occasion tout indiquée pour que le premier ministre Justin Trudeau annonce ses couleurs.
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