Excellent texte de Bernard Desgagné

Les vrais gros enfants gâtés, ceux du capital, toujours à l'abri

Tribune libre

Depuis quelques jours, à propos de la grève étudiante, les médias font de plus en plus dans la psychiâtrie ou la psychanalyse à deux sous, une médecine que les indépendantistes connaissent pour y avoir déjà goûté dans les années soixante. Ainsi, selon moult éditorialistes, chroniqueurs et animateurs, nous n'aurions affaire qu'à des enfants gâtés, de ces enfants à qui, depuis le fameux docteur Spock, les parents n'osent plus rien refuser.
Que de tels enfants existent et que le phénomène soit déplorable, comment le nier ? Mais là n'est pas la question. Réduire la grève étudiante à une crise d'enfants gâtés n'a vraiment rien de scientifique. Cela relève plutôt de la plus pure démagogie.
Car, des enfants, n'y en a-t-il pas d'infiniment plus gâtés que nos étudiants ? J'irais même jusqu'à dire de plus pourris. Pourtant, ceux-là, peut-être parce qu'ils portent chaque jour veston et cravate, on ne les condamne pas. Tout au plus, une fois ou deux par année, s'arrête-t-on quelques secondes pour les gronder et les prier d'être un tantinet moins goinfres, et puis hop ! on passe vite à un autre sujet combien plus préoccupant, l'ongle incarné de Céline ou le dernier but de Gomez...
Aussi est-ce tout à l'honneur de M. Bernard Desgagné, du journal Le Québécois, d'avoir débusqué au moins deux de ces enfants extrêmement gâtés. Il aurait pu en nommer bien davantage, c'est sûr, mais c'est un article qu'on lui a demandé d'écrire, pas un livre !
Voici le lien Internet vers cet excellent article : http://www.lequebecois.org/chroniques-de-bernard-desgagne/reparer-le-monde-injuste
Je suggère d'ailleurs à M. Bernard Frappier de le reprendre sur Vigile. Sans doute ni M. Desgagné ni la direction du Québécois ne s'y opposeraient, bien au contraire.
En voici, à mes yeux, le passage le plus incisif :
Dans l’esprit de bon nombre de nos concitoyens, les étudiants sont des enfants gâtés qui ne tolèrent pas qu’on leur dise non. Ils auraient apparemment le matérialisme dans les veines et ne penseraient pas aux autres. Nous savons bien, pourtant, que c’est le contraire de la vérité. Nous savons que les étudiants mènent une lutte aussi féroce que courageuse pour les générations qui les suivront. Ils se sacrifient tandis que des plus vieux, jadis contestataires et ayant bénéficié de droits de scolarité relativement bas, refusent à ceux qui les suivent les conditions dont ils ont bénéficié dans leur jeunesse.
Nous savons que, même en faisant un calcul purement économique, sans compter les autres avantages pour la société en général, abaisser les droits de scolarité au maximum est rentable. Le Québec aura plus de médecins, d’infirmiers, d’ingénieures et de biologistes bien formés, qui paieront plus d’impôt que s’ils étaient devenus chômeurs, faute d’avoir de l’argent pour étudier. Le Québec sera plus intelligent et plus prospère. Il ne sera pas plus pauvre et plus endetté, au contraire.
Pour employer le langage des gens d’affaires, en supposant que le Québec soit une grosse entreprise, les actionnaires auraient intérêt à favoriser le réinvestissement des bénéfices dans la formation pour maximiser leurs profits à long terme. Oui mais voilà: ceux qui dirigent le Québec ne travaillent pas pour les actionnaires, c’est-à-dire le peuple. Ils le trahissent au profit de ceux qui veulent l’appauvrir et l’utiliser.
Les psychopathes néolibéraux et leurs valets du genre d’André Pratte, d’Alain Dubuc et des primates des radios poubelles s’emploient depuis toujours à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Les profits énormes d’une infime minorité seraient synonymes de dynamisme économique. La concentration du capital entre les mains d’une bande de parasites nous garantirait un avenir meilleur. Que de sottises!
Les vrais enfants gâtés, ce sont des types comme Michael Sabia, auquel la Caisse de dépôt vient de verser 1,7 million de dollars pour ses services en 2011. Comme chacun le sait, M. Sabia a 300 de quotient intellectuel et travaille 25 heures par jour. Alors, il mérite d’être payé trois fois le salaire d’un neurochirurgien.
Enfant gâté aussi est Louis Vachon, le président de la Banque Nationale, qui a touché la bagatelle de 8,5 millions de dollars en 2011. Vous savez ce que font les Michael Sabia et Louis Vachon de ce monde si on les menace de leur faire payer plus d’impôt sur les millions qu’ils soutirent aux travailleurs? Ils font une crise et menacent le gouvernement de déménager l’entreprise sous des cieux plus complaisants. Avec le libre-échange et la dérèglementation débridée, les grands enfants gâtés ont tout ce qu’ils veulent, y compris un jet privé. Le grand capital est roi.

Comme souvent, du grand Bernard Desgagné !
Oui, il y a de petits enfants gâtés. Mais il y en a surtout de gros, de très gros. Ceux-là, pour reprendre un mot de Bourgault se moquant du supposé courage de Trudeau lors de la Saint-Jean de 1968, ceux-là ne sont jamais devant les matraques, mais toujours, comme Trudeau, derrière. Bien à l'abri.
Sans être le moins du monde l'un de ces gros enfants gâtés, plutôt le contraire, je n'ai cependant jamais, je l'avoue, vraiment affronté une matraque, cela a seulement failli, je dis bien failli m'arriver une fois, c'est tout. Ce n'est pas là la seule raison pour laquelle je me garde bien de jouer au psychiâtre à propos des étudiants en grève, mais le serait-elle qu'elle suffirait amplement.
Luc Potvin
Verdun


Laissez un commentaire



10 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    30 avril 2012

    Merci pour tous vos commentaires.
    J'apprécie en particulier le vôtre, M. Pierre Tremblay. Vous mettez les points sur les «i» avec vos chiffres. En outre, vous visez juste en citant Jean Garon selon qui c'est par la tête qu'il convient toujours de commencer un dégraissage, et non par la base.
    Il faudrait produire et mettre en permanence sous les yeux de la population des tableaux montrant clairement la répartition de la richesse. En 2006, Statistiques Canada révélait certaines données pour l'ensemble du Canada. Ça devait être un peu moins mauvais au Québec, mais pas tellement plus ragoûtant. 20% de la population possédait alors 75% de la richesse. Et 10% en possédait 58%. Il aurait été intéressant de savoir quelle part revenait aux 5% les plus fortunés, ainsi qu'au 1%.
    http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/061213/dq061213c-fra.htm
    http://www.statcan.gc.ca/pub/75-001-x/11206/9543-fra.htm
    Mais, déjà, les chiffres révélés avaient de quoi donner la nausée. Certes, l'inégalité des revenus est inévitable : jamais on ne paiera un balayeur autant qu'un neurochrirurgien, même si l'un est tout aussi respectable que l'autre. Cependant, comme le remarque avec justesse Bernard Desgagné, que des individus puissent gagner trois fois (Sabia) ou même environ quinze fois (Louis Vachon) le salaire d'un neurochirurgien, cela n'est-il pas délirant et même plus que révoltant ?
    Et cette petite minorité de pachas sait y faire pour payer peu ou pas d'impôts. Résultat : c'est la classe moyenne qui casque sur le plan fiscal et des médias contrôlés par la petite minorité de pachas lui font croire, à cette classe moyenne, que tous ses ennuis lui viennent des plus pauvres qu'elle, c'est-à-dire les plus pauvres parmi ces 80% obligés de se débrouiller avec seulement 25% de la richesse !
    Enfin, tout cela prouve surtout qu'il va d'abord falloir trouver le moyen de briser les conglomérats médiatiques qui déforment la vérité ou qui l'enterrent sous des tonnes de nouvelles toutes plus futiles les unes que les autres. Un monde où chaque courant de pensée aurait son quotidien, son poste de radio, son poste de télé, cela ne devrait-il pas être la moindre des choses sous tout régime se targuant d'être une démocratie ?
    Sinon, M. Didier risque d'avoir raison et nous n'en sortirons jamais : ce sera toujours Pratte le larbin ou Martineau le démago, bonnet blanc ou blanc bonnet.
    À bas la concentration de la presse !
    Luc Potvin
    Verdun

  • Archives de Vigile Répondre

    30 avril 2012


    Monsieur Noel,
    Pourquoi alors si le pourcentage de financement des étudiants a diminué , pourquoi leurs frais réels augmentent-ils?
    Serait-ce parce qu'en haut de la pyramide, les dépenses augmentent à un rythme incontrôlable?
    Moi je payais 333$ par session soit environ 670$ par année en 1985. Pourquoi aujourd'hui sommes-nous rendu à près de 1300$ par session soit le quadruple? Donc au moins 300% d'augmentation? Est-ce le taux d'inflation?
    Ça signifie qu'on ne contrôle pas les dépenses et comme Garon le dit c'est en commençant par la tête qu'il faut dégraisser et ensuite on demande à la base de faire un effort et non l'inverse. La Marionnette à Charest, Beauchamp admet qu'elle n'a pas regardé de cette façon donc tout ce processus est discrédité.
    Les étudiants ont raison qu'on commence à couper les recteurs de McGill et Concordia avec des salaires de 500 000$ par an et des primes de départ indécentes.
    On n'a pas le droit de s'en prendre au plus démunis de la société.

  • Francis Déry Répondre

    30 avril 2012


    Comme souvent, du grand Bernard Desgagné !
    Oui, il y a de petits enfants gâtés. Mais il y en a surtout de gros, de très gros. Ceux-là, pour reprendre un mot de Bourgault se moquant du supposé courage de Trudeau lors de la Saint-Jean de 1968, ceux-là ne sont jamais devant les matraques, mais toujours, comme Trudeau, derrière. Bien à l’abri.
    Sans être le moins du monde l’un de ces gros enfants gâtés, plutôt le contraire, je n’ai cependant jamais, je l’avoue, vraiment affronté une matraque, cela a seulement failli, je dis bien failli m’arriver une fois, c’est tout. Ce n’est pas là la seule raison pour laquelle je me garde bien de jouer au psychiâtre à propos des étudiants en grève, mais le serait-elle qu’elle suffirait amplement.

    Il me semble que Turdeau avait affronté les matraques du temps qu'il fut indépendantiste lors de la crise de la conscription. C'est peut-être douteux.
    Mais nul doute que Bernard Desgagné a goûté à la ratonnade du SPVM lors de la visite du prince Charles au régiment de la Garde Noire des alpins écossais. Il sait ce que c'est une ligne de front.

  • Gaëtan Lavoie Répondre

    29 avril 2012

    Décidément, Jacques Noël ne lâche pas facilement le morceau ou sa marotte sur les enfants gâtés. Son texte est farci de raccourcis.
    Premièrement, je suis de sa génération, je pense, et j'ai bien connu les collèges classiques. Des quelque cent élèves, tous pensionnaires et de sexe masculin, qui fréquentaient mon collège classique, quatre ou cinq au plus appartenaient à la bourgeoisie québécoise; les autres comme moi étaient des fils de fermiers, d'ouvriers et de gens de métiers (électriciens plombiers, etc.). Le cours classique réservé aux élites, dites-vous?
    Combien il en coûtait à nos parents pour nous garder instruits, entretenus, nourris, logés,etc. dans cet établissement? 25 dollars par mois (de 1951 à 1953), puis 28 $ pendant les deux années suivantes, puis 30 $ par mois de 1955 à 1957. Il était plus économique pour les parents d'envoyer leurs garçons en pleine croissance dans cet établissement que de les garder à la maison ou de les faire travailler pour des salaires de misère.
    Deuxième raccourci: Les droits de scolarité ne représentent qu'une fraction des frais encourus par les étudiants. Vous oubliez le loyer pour ceux qui ne vivent pas dans les grands centres, les fournitures scolaires, les frais afférents, etc. Les élites dont vous parlez, on les retrouvait plutôt à l'Université de Montréal dans les années soixante, et surtout dans les facultés qui ont fabriqué nos dirigeants d'aujourd'hui. En sciences pures (ma faculté), il n'y avait guère d'enfants de médecins, d'avocats, de notaires; les autres travaillaient à temps partiel, comme vous le dites si bien, ou s'inscrivaient dans les programmes COTC et ROTP des forces armées canadiennes (comme le firent les anciens ministres Serge Ménard et Bernard Landry, l'ancien recteur de l'UQO Jean Messier et beaucoup d'autres comme moi-même.) Connaissant le rôle ignoble que joue aujourd'hui notre Ministère de la défense nationale, on ne s'étonne pas que cette source de financement ne présente plus guère d'attrait auprès de notre jeunesse.
    Troisième raccourci: Ce n'est pas parce qu'on s'est serré la ceinture comme étudiants qu'on doit forcer nos jeunes de 2012 à faire de même. Nous sommes censés leur forger une société meilleure que celle que nos parents nous ont léguée.
    Quatrièmement: Selon votre logique, nous devrions abolir l'assurance-maladie,couper l'électricité, interdire la télévison, etc. car nos parents n'ont pas eu l'heur de bénéficier de ces mannes autant que les jeunes de 2012.
    Finalement, j'ajoute, en tout respect, que je pense que vous êtes envieux de ces jeunes. Moi je les envie en tout cas s'ils l'ont vraiment plus facile que moi, ce dont je ne suis pas convaincu, mais je me battrai à leurs côtés pour qu'il en soit ainsi.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 avril 2012

    J'ai cependant bien peur, monsieur Potvin, que la crise étudiante ne vienne confirmer la réputation d'invincibilité de Jean Charest aux élections.

  • Gilles Verrier Répondre

    29 avril 2012

    Obama ne payait pas ses dettes d'études ? C'est pourquoi il est président des USA. Un pays reconnu pour ne pas payer ses dettes mais en faire assumer le fardeau par le autres. Un autre modèle est possible !
    GV

  • Claude Richard Répondre

    29 avril 2012

    Parlant de salaires mirobolants et scandaleux, il ne faudrait pas oublier les 3,1 millions de Monique Leroux. Un affront à l'esprit des Caisses et du fondateur, Alfred Desjardins.
    J'ai fait une intervention là-dessus à la dernière assemblée générale de la Caisse Pierre-Le-Gardeur lundi dernier à L'Assomption. Même si cette intervention a recueilli passablement d'applaudissements dans la salle, on s'est empressé de me répondre à l'avant qu'il fallait tenir compte du marché, de la "compétence" de madame Leroux et autres inepties du genre.
    Comme si Alfred Rouleau, Raymond Blais et Claude Béland n'étaient pas aussi compétents que madame et que les rendements à leur époque n'étaient pas aussi bons que ceux d'aujourd'hui. Leur rémunération n'était pourtant qu'une fraction de celle de Monique F.
    Notre élite bourgeoise s'est emparée de cette institution autrefois égalitariste et orientée vers le bien commun et n'aura de cesse qu'elle soit devenue une parodie des banques. Observez l'ascension de la rémunération de Monique dans les prochaines années. Dégueulasse!

  • Archives de Vigile Répondre

    29 avril 2012

    Et voici les paroles de L'Alouette en colère.
    Parole de chanson L'alouette en colère
    J'ai un fils enragé
    Qui ne croit ni à dieu
    Ni à diable, ni à moi
    J'ai un fils ecrasé
    Par les temples à finances
    Où il ne peut entrer
    Et par ceux des paroles
    D'où il ne peut sortir
    J'ai un fils dépouillé
    Comme le fût son père
    Porteur d'eau, scieur de bois
    Locataire et chômeur
    Dans son propre pays
    Il ne lui reste plus
    Qu'la belle vue sur le fleuve
    Et sa langue maternelle
    Qu'on ne reconnaît pas
    J'ai un fils révolté
    Un fils humilié
    J'ai un fils qui demain
    Sera un assassin
    Alors moi j'ai eu peur
    Et j'ai crié à l'aide
    Au secours, quelqu'un
    Le gros voisin d'en face
    Est accouru armé
    Grossier, étranger
    Pour abattre mon fils
    Une bonne fois pour toutes
    Et lui casser les reins
    Et le dos et la tête
    Et le bec, et les ailes
    Alouette, ah!
    Mon fils est en prison
    Et moi je sens en moi
    Dans le tréfonds de moi
    Malgré moi, malgré moi
    Pour la première fois
    Malgré moi, malgré moi
    Entre la chair et l'os
    S'installer la colère

  • Archives de Vigile Répondre

    29 avril 2012

    Rappelez-vous « L'Alouette en colère » de Félix Leclerc.
    http://www.youtube.com/watch?v=sWBSq039-5c
    Écoutez... ou réécoutez, car il ne faudrait jamais l'oublier.

  • Archives de Vigile Répondre

    28 avril 2012

    «Ils se sacrifient tandis que des plus vieux, jadis contestataires et ayant bénéficié de droits de scolarité relativement bas, refusent à ceux qui les suivent les conditions dont ils ont bénéficié dans leur jeunesse.»
    Voilà qui est complètement faux. Dans les années 60, les étudiants financaient un quart de leurs études (et les programmes de prêts et bourses étaient nettement moins généreux). Les CEGEP n'existaient pas encore, fait qu'il fallait payer le cours classique (dès la huitième année!), réservé à une petite élite (ou aux futurs curés).
    Aujourd'hui les étudiants ne financent que 12% du cout de leurs études universitaires (et le CEGEP évidemment est gratos). Le gouvernement leur demande de financer 17%, dans 7 ans! Mais c'est trop demander à nos enfants-rois.
    PS: Obama a dit récemment que lui et sa femme ont fini de payer leurs prêts universitaires il y a 5 ans à peine. Juste avant de devenir président! On est-y loin de ca icite?