J’ai une formation en science politique et j’ai appris deux ou trois choses. Notre régime repose sur trois pouvoirs plus ou moins étanches : 1) le législatif; 2) l’exécutif; 3) le judiciaire. Le judiciaire, c’est tout ce qui concerne l’interprétation des lois; ce sont les tribunaux. C’est là qu’on va chercher des injonctions et qu’on obtient des condamnations, entre autres. Ce n’est pas une instance démocratique; les juges ne sont pas élus, ils sont nommés, et la population n’est pas consultée sur les décisions rendues. L’exécutif, c’est l’appareil d’État; c’est la fonction publique, y compris le personnel médical et enseignant et les forces de l’ordre. Ce n’est pas une instance démocratique non plus; les fonctionnaires sont des employés de l’État, certes, mais la population n’est pas consultée sur leur embauche et ils se rapportent à une hiérarchie dont ils prennent leurs ordres, non aux citoyens.
La seule instance véritablement démocratique est donc le législatif : le Parlement à Ottawa, l’Assemblée nationale à Québec, les commissions scolaires et les conseils municipaux. C’est là que sont adoptés les lois et règlements; ce sont donc les instances décisionnelles suprêmes, et les seules qui soient réellement redevables à la population. Cependant, c’est une forme de démocratie indirecte : les élus sont SUPPOSÉS représenter et défendre les intérêts des électeurs, et l’on PRÉSUME qu’ils ont été équitablement choisis par une majorité de citoyens. Il y en aurait long à dire là-dessus; mais là n’est pas mon propos.
Dans notre société, on reconnaît aussi un statut quasi législatif – celui d’instances décisionnelles légitimes, en tout cas – à des organes régis par une forme de démocratie directe comme les coopératives et les syndicats. Dans ces organes, les décisions sont prises après consultation des membres, qui ont donc la possibilité de s’exprimer et de manifester leur accord ou leur désaccord. Or, les juges qui ont accordé ces injonctions à des étudiants fortunés ont erré en droit; ils sont allés sciemment à l’encontre du droit syndical en donnant préséance à ces demandes sur la volonté exprimée par la majorité, dans le cadre des votes de grève tenus démocratiquement par les associations étudiantes.
Je pose la question : si le judiciaire et l’exécutif prennent le pas sur le législatif – ou le quasi législatif, dans le cas des assemblées étudiantes – peut-on encore parler de démocratie? Dans ce sens, les enjeux de ce conflit dépassent largement la question des droits de scolarité, en effet. Les décisions de ce genre ont tendance à faire jurisprudence; qu’arrivera-t-il, demain, si des scabs invoquent leur droit au travail pour obtenir des injonctions contre des travailleurs syndiqués en grève?
Accepter de se soumettre à de telles injonctions, c’est ouvrir la porte à l’arbitraire et au fascisme; c’est renoncer au droit le plus sacré des citoyens et des travailleurs, celui de se rassembler au sein d’organisations et d’assemblées souveraines; c’est sonner le glas de la démocratie telle qu’on la conçoit depuis Aristote.
Ne vous y trompez pas : l’actuel conflit étudiant n’est qu’un banc d’essai pour les mesures néolibérales antidémocratiques et antisyndicales qui reposent dans les cartons du gouvernement Charest. Si les travailleurs québécois avaient pour deux sous de jugeotte, ils seraient tous dans la rue à se battre aux côtés des étudiants, en ce moment, au lieu d’écouter les élucubrations libertariennes des Martineau, Duhaime et autres laquais d’une oligarchie qui ne recule devant rien pour nous priver de nos droits et de nos libertés, au nom de son propre droit au profit illimité et de sa propre liberté d’exploiter les ressources physiques et humaines de la planète jusqu’à leur complet épuisement, et qui est en train de pervertir notre démocratie pour lui faire servir ses propres fins.
Les vrais enjeux du conflit étudiant en cours
Des injonctions antidémocratiques aux implications inquiétantes
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
4 commentaires
Archives de Vigile Répondre
6 mai 2012À Héléna pour votre
information y a pas plus souverainiste
que moi, Et la Conduite de Lucien Bouchard
de 1995 à 2001 m'a dégoûté j'ai pris
et appris que cette homme à qui le Parti tout le
parti Québécois avait fait confiance était un
traître à notre cause et à notre pays.
Il y a 2000 ans un hommme a dit:
Vous ne pouvez servir deux maîtres....
Il servira l'un déservira l'autre
qu'elle serment a fait Bouchard
à la Reine du Canada en 1986 ?
Archives de Vigile Répondre
2 mai 2012Votre article est très clair, l'entourloupette est de taille ! Pourquoi les chefs syndicaux n'instruisent pas leurs travailleurs? Les travailleurs qui ne lisent pas Vigile ni aucun journal mais tendent l'oreille à la radio...à l'information télévisuelle dénaturée.
Ce Lucien bouffe-lucide,le bon ami de Madame Marois, que vient-il faire sinon tenter de raisonner la jeunesse à la manière janséniste de vieux prof défroqué. Croit-il encore qu'on va le prendre au sérieux celui-là que l'on sort du "coffre à trésor" ou "des boules à mites" quand on croit qu'il peut servir, pour venir nous sermonner et nous montrer la voie ? Avec son ton doctoral, il croit intimider encore ? Les jeunes ne sont plus les moutons tondus. C'est de cela que la clique des GROS a peur? De se faire dépasser par des esprits plus brillants, plus humains, plus créatifs qu'eux?
On va croire un homme qui a trahi le Québec ?
Allez,Tartuffe,fous l'camp, tu es démasqué, il y a belle lurette! Le charme de tes yeux noirs est bien éteint et ton talent oratoire est de la vieille école exécrable. Le Québec se réveillera avant que tu baises son veau d'or.
Archives de Vigile Répondre
2 mai 2012Bachand vient de dire que
ça prend des élections pour trancher. Pourtant Patapouf n'avait pas dit que ce serait honteux de faire des élections en se servant du problème des étudiants? Ignoble avait-il dit?
On voit bien la stratégie. On entretient le conflit en espérant que les sondages augmentent pour les libéraux pour obtenir le seuil critique afin de finir premier aux élections. Finalement les paroles de Bachand démontrent bien que les libéraux utilisent le conflit pour remonter dans les sondages.
Archives de Vigile Répondre
2 mai 2012Bonjour,
C'est tellement vrai votre raisonnement. Ce n'est pas Martineau ou Pratte qui va regarder le conflit sur cet angle.
Comment les gens peuvent-ils continuer à travailler à maigre salaire lorsque des gens investissent quelques milliers de dollars dans un parti politique en obtenant un contrat gouvernemental dont une partie des profits est retourné au parti? Quelle est la différence avec les commandites du parti libéral fédéral et ce à quoi on assiste au Québec?