À mes amis Wilfrid et Raoul qui n’attendaient que la fin de la dictature pour retourner en Haïti. À mes amis Kepa et Aurora qui attendaient une éclaircie pour retourner en Pays Basque et qui, maintenant, ont pris racine ici et mènent avec nous le combat québécois. À Maria et Ibrahim, qui parfois pleurent le Liban mais espèrent avec nous le moment de fêter la plénitude de notre liberté. À Luis qui a fui le Chili de Pinochet et a retrouvé ici les racines de son combat, à tous ces amis de notre longue route, je demande la caution de votre amitié. Parce que si jamais j’ose poser la question des enjeux politiques de l’immigration, il y a de bonnes chances que je me fasse crucifier ou lapider. Et ce, même si j’ai voté à gauche toute ma vie. On me traitera de raciste alors que j’ai défendu la négritude et pourfendu le colonialisme et l’impérialisme.
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Or je suis québécois et je dis comme Gilles Vigneault à tous les hommes de la terre : ‘’Ma maison est votre maison.’’ On ne peut prendre trop de précautions lorsqu’on aborde un sujet aussi fortement circonscrit. Un mur grillagé surmonté de barbelés protège ce sujet brûlant, propriété du Parti Libéral du Québec qui en exhibe le copyright. Qui retouche le discours sur l’immigration s’expose à des poursuites et des condamnations. Pour ces Libéraux, il n’y a qu’une façon de penser la chose et c’est dans le sens des bienfaits pour l’économie. Mais derrière ce discours, il y a la manipulation des immigrants, leur exploitation politique, leur prise en charge par un système clientéliste qui fait d’eux la pierre d’assise d’un programme néo-libéral visant à les dresser contre la gauche et les mouvements libérateurs. Ça pourrait ne pas marcher. Mais comme ça marche, les réactionnaires libéraux ont décidé de s’en servir à fond. On sait que la démocratie québécoise mène vers l’indépendance, les oligarques fédéraux ont donc choisi de la stopper. Loi sur la clarté, programme des commandites, encerclement juridique, ce sont là des moyens qu’Ottawa utilise. Mais l’immigration massive, qui oserait donc la dénoncer comme anti-démocratique? Qui même oserait y voir là une stratégie planifiée de dilution du vote québécois?
À l’heure où la commission Bouchard-Taylor s’interroge sur les accommodements raisonnables, et le pouvoir vivre ensemble de différentes communautés culturelles et d’une majorité française inscrite dans l’histoire des nations, moi je pense plutôt à notre combat inabouti. Le débat porte sur les foulards, les signes religieux, les habitudes qui dérangent et les petites exigences de chacun. Pourtant, le vrai débat reste enfoui sous l’insignifiance et le silence des élites aseptisées.
J’affirme que la question de l’immigration ne peut être uniquement culturelle. Elle reflète des enjeux qui sont hautement politiques.
Pour des raisons faciles à comprendre, nous savons que le gouvernement fédéral et les fédéralistes au Québec ont décidé de se servir des immigrants comme Boucliers Humains destinés à freiner l’élan démocratique des Québécois vers leur indépendance. À long terme, cette politique peut s’avérer stérile car il reste l’espoir qu’après deux générations, les enfants de la loi 101 s’intègrent culturellement et politiquement à la nation québécoise. Mais à court terme, la tentation est grande pour les services fédéraux de fausser la démocratie québécoise comme elle l’a fait en 1995 en paquetant littéralement l’assemblée par la création sur mesure de nouveaux citoyens canadiens venant de prêter serment d’allégeance à sa majesté britannique.
Cette Humiliation Suprême que tout Québécois digne de ce nom devrait chercher à éviter, l’État Fédéral l’impose à tout nouvel arrivant. À moins que les serments n’aient plus aucune signification, comment peut-on amener ces nouveaux Québécois à trahir leur serment et rejeter le système qui vient de les assujettir? Il y aurait donc deux qualités d’électeur au Québec : ceux qui doivent fidélité à la monarchie canadienne, c'est-à-dire les immigrants, et les autres. C’est donc Ottawa qui crée cette différenciation. Non seulement, il la crée, mais il l’exploite au mieux. Le régime sait tellement sur qui il peut compter qu’au référendum de 1995, il a accéléré le processus d’octroi de la Citoyenneté pour des dizaines de milliers de nouveaux électeurs, sachant d’avance qu’un immigrant ne vient pas au Canada pour y mener une lutte nationale d’émancipation. Donc, l’immigration est une arme comme elle le fut au temps de Lord Durham, de la Reine Victoria et comme elle le fut toujours.
Alors qu’on assiste à 80,000 naissances par année au Québec, le Parti Libéral du Québec vient de fixer le seuil de nouveaux arrivants à 47,000 par année et espère pouvoir doubler ce nombre très bientôt. Ce qui est presque une politique de remplacement de population. S’il est vrai que certaines communautés immigrantes ont voté à 95% en 1995 contre le projet national des Québécois, on peut raisonnablement se poser la question si la voie démocratique sera encore valable pour faire aboutir la question québécoise dans la prochaine décennie.
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La démocratie québécoise devra-t-elle attendre trois générations avant que se résorbe la politique dénaturée du Bouclier Humain telle que voulue par les stratèges fédéraux? Il faut régler cette question maintenant et pour cela nous devons nous livrer à un bon exercice de vérité, pour notre bien à tous, Québécois et immigrants confondus.
Ce qu’on appelle le syndrome d’Hérouxville reflète bien ce malaise de ne pas affirmer qui nous sommes. Il existe tout un discours autour de l’immigration qui est loin d’être de gauche ou humaniste et qui sert à faire écran à notre réalité auprès des nouveaux arrivants.
Ce discours, qui construit notre négation, enchaîne l’immigrant à une vision irréelle de sa situation en affirmant que les Français du Québec sont des fils d’immigrants comme tous les nouveaux arrivés. Ce discours égalitariste en apparence ne vise en fait qu’à gommer notre histoire pour mieux renforcer le statu quo colonial anglo-canadien.
Nous ne sommes pas des immigrants, nous sommes des colons qui avons construit une nouvelle société en Amérique au même titre que les Américains. Nous avons défendu cette société les armes à la main. Nos ancêtres ont versé leur sang pour qu’elle existe et défende sa liberté. Nous avons une patrie et cette terre est notre patrie. Si les fédéraux font de nous des immigrants, c’est pour nous enlever le droit à cette patrie. Selon eux, elle est à tous ceux qui la veulent, mais surtout aux conquérants britanniques qui n’ont pas encore réussi à éteindre notre combat.
En fait , elle est à nous, et pour en être, il faut être avec nous. Qui ne renie pas son serment à la monarchie britannique, qui ne rejette pas les conséquences du fait colonial, qui participe à notre assimilation, n’a pas droit à notre accueil bienveillant.
Politique, oui l’immigration est politique! S’emparer de cette question, c’est s’emparer d’un des principaux leviers de notre action démocratique.
Mais pour cela, nous devons non seulement rejeter le tabou mais encore nous défaire de la pensée fédéraliste que nous avons fait nôtre sans le savoir. Je me résume : nous avons le droit de poser des conditions à l’immigration et la première, c’est qu’elle serve à la construction d’une nation française.
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Maintenant, il reste à disposer du deuxième grand tabou de l’immigration : celui qui affirme que le multiculturalisme, c’est la modernité et que les Québécois doivent s’adapter sans rechigner à ce nouveau monde qui apparaît.
Or rien n’est plus ancien que ce phénomène. Les Québécois ont depuis toujours vécu dans un monde pluriethnique. D’abord dans leur longue fréquentation avec le monde amérindien mais aussi par l’apport des variétés linguistiques de tous les dialectes français qui se sont fusionnés ici autour de la langue de Paris, le français de la noblesse et de la cour. C’est seulement après la conquête anglaise que la volonté britannique d’assimiler les Français du Canada a rendu menaçante la venue de nouveaux arrivants. Les Loyalistes Américains, les Écossais protestants, les Irlandais anglophones, et finalement les Anglais pure race ont servi d’arme assimilatrice entre les mains du régime colonial britannique. Cette politique a partiellement échoué car ce sont les Québécois qui ont assimilé de nombreuses familles anglophones, surtout irlandaises. En fait, tout ce qui était bourgeois était happé par la communauté anglophone de Montréal et tout ce qui était ouvrier tendait à se fondre dans la masse française. Une brèche était toutefois ouverte au sein du peuple par la fondation d’écoles catholiques anglophones par le clergé irlandais.
Entre 1900 et 1910, un million d’immigrants sont arrivés au Canada venus des îles britanniques. Le Québec comptait alors un million d’habitants. Jusqu’en 1960, ce flux a continué mais alimenté par les ressortissants d’Europe de l’Est et les Polonais, puis après 1950 par l’immigration italienne, grecque et portugaise. Tant que les enfants n’allaient pas longtemps à l’école, le problème d’intégration ne se posait pas. Mais en 1960, la loi de l’instruction obligatoire change tout. Les Catholiques Italiens et autres choisissent d’envoyer leurs enfants dans les écoles irlandaises. La langue de la bourgeoisie étant l’Anglais, les immigrants d’après-guerre sont séduits par l’idée d’instruire leurs enfants en anglais. C’est le début des guerres scolaires et linguistiques à Montréal. La loi 101 n’a en rien réglé ce problème car les immigrants d’après-guerre vont encore à l’école anglaise et les nouveaux arrivants s’inscrivent massivement au cégep anglophone et à Concordia après leurs études secondaires. Une nouvelle communauté anglophone artificielle est créée à Montréal avec l’argent public des Québécois.
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La question de l’immigration actuelle et à venir se pose dans ce contexte de pression à l’assimilation et à l’acculturation québécoise.
On voit que les Québécois ont une longue expérience de l’immigration et pourtant, on leur dit que c’est nouveau et bénéfique, alors qu’elle est conflictuelle depuis 1760 et le plus souvent utilisée à des fins politiques pour réduire le fait français au Québec et au Canada.
Et pourtant, malgré ces ratés dus au système canadien de domination nationale, c’est en se référant à la Confédération que les fédéralistes justifient leur seul argument politique en faveur d’une augmentation de l’immigration : à savoir, maintenir le poids relatif du Québec à l’intérieur de la fédération canadienne. On pourrait qualifier cette préoccupation de fertile et généreuse si elle n’émanait pas de ceux même qui cherchent à amoindrir le Québec depuis plus de 45 ans de lutte pour l’indépendance. Tous devraient savoir que si cette question n’est pas posée en même temps que celle de l’intégration, elle risque de nous mener à une situation pire que celle que nous connaissons. Si, du fait de l’immigration, la population du Québec augmentait au même rythme que celle de l’Ontario, mais qu’on ne réussisse pas à intégrer les nouveaux arrivants à la majorité française, quel serait l’avantage de notre supposé poids relatif si ce devait être au prix de l’affaiblissement de la majorité française? Qui alors va revendiquer un nouveau statut pour le Québec, plus de français, moins d’intrusion fédérale? Qui va dénoncer la participation aux guerres impérialistes? Qui va fêter les Patriotes, qui va écouter Gilles Vigneault et Paul Piché? Qui va célébrer la fête nationale?
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En quoi un Québec moins français mais plus populeux nous confère-t-il de la force?
On voit que, sans l’intégration non seulement culturelle mais aussi politique, l’immigration pose des problèmes potentiellement conflictuels. Une politique québécoise bien menée nous rend fiers de l’apport des Marco Calliari et Luck Mervil qui vivent avec nous la belle aventure québécoise sans rien renier de leurs origines. Mais l’entrée massive des enfants d’immigrants au Collège Dawson et à Concordia nous montre également que c’est à cause de notre propre incohérence que nous arrivons à annuler tous les bienfaits de la loi 101 et d’une immigration que nous avons supposément bien prise en main.
Il faut en fait que l’immigration devienne notre entière responsabilité et soumise à nos plus hautes exigences. Si les immigrants devaient rester des Boucliers Humains devant servir à freiner la lutte nationale, ce serait alors la mesure de notre échec. Si le monde économique croit que l’immigration massive est utile pour augmenter le nombre de consommateurs asservis, il faudrait peut-être alors lui proposer un pacte. Que les hommes d’affaires consentent à régler la question nationale et assurer définitivement la vie française à Montréal et au Québec, en contre-partie nous ouvrirons les vannes de l’immigration pour satisfaire ce monde économique si inquiet de la baisse de consommation au Québec.
En gros, l’immigration ne doit plus se faire contre nous mais pour nous. C’est comme ça qu’on réconcilie le nationalisme civique et le nationalisme historique. Eux deviennent Nous.
En conséquence, il faut renforcer la loi 101, refinancer l’enseignement du français, exiger la connaissance du français à l’arrivée des immigrants, instaurer le cégep en français et franciser l’Université Concordia. Il ne faut pas avoir peur de fixer un seuil de possibilité d’accueil. Il faut aussi cesser d’accuser les Québécois de xénophobes et de tout ce qu’on voudra du moment qu’ils posent des questions sur leur survie nationale.
Avec un tel début d’une nouvelle politique d’intégration, on peut penser à un avenir démocratique pour la résolution de la question québécoise. Autrement la démocratie ne voudra plus rien dire. Il ne faut plus jamais se retrouver dans une situation où les immigrants serviraient de Boucliers Humains pour bloquer les nécessaires changements politiques. Il faut mettre fin à leur exploitation politique. Il reste odieux qu’un immigrant doive parler trois langues pour intégrer le marché du travail.
Il faut surtout, et particulièrement au Parti Québécois, cesser d’opposer un principe à un autre. La générosité de l’accueil à l’immigration ne doit pas mettre en péril la francisation de la société québécoise, mais encore plus, devenir un frein à l’indépendance.
René Boulanger
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
13 octobre 2007M. René Boulanger, comptez moi parmi vos amis. J’ai fuit la corruption, la criminalité et l’agressivité qui règnent dans mon paye d’origine. Je n’ai aucune envie que cela se reproduise au Québec. L a politique de remplacement de population par l’immigration massive est dangereuse surtout sous la bannière du multiculturalisme. Les exemples de réussites sont absents, les exemples d’échecs sont nombreux. C’est pour cette raison que nos chères multiculturalistes ne tolèrent pas de discussions à ce sujets – ils manque sérieusement d’arguments.
Je crois qu’une partie de solution serait de choisir des immigrant en fonction de leurs désirs et leurs capacités de s’adapter et de formuler une politique alternative à multiculturalisme qui mettrait plus d’emphase sur la préservation de la culture québécoise traditionnelle.
Archives de Vigile Répondre
12 octobre 2007Combien la vérité peut-elle être aussi bien apparente que lorsqu'elle est exprimée avec tant d'évidence. Monsieur Stéphanne Dion n'aura sûrement rien à redire sur la clarté de votre texte et, s'il a l'honnêteté et la rigueur intellectuelle à lesquelles il prétend, il devra également en reconnaître la pertinence et le bien-fondé. Merci, monsieur Bélanger, pour ce texte dont le contenu est éloquent. Ce que vous dites sur le serment exigé des immigrants va dans le sens de la continuité historique imposée par le conquérant anglais qui se perpétue de nos jours par l'intermédiaire du gouvernement fédéral et des fédéralistes : Jadis, le futur conquérant anglais a exigé de la part des Acadiens, en 1755, le serment d'allégeance à la couronne britannique et, devant leur refus, il a cherché à tous les déporter, réussissant pour près de 12,000 d'entre eux, plus de la moitiée de la population acadienne périssant par ailleurs à l'occasion de ce grand dérangement. Il n'a osé remettre en application ce procédé auprès des Québécois après la conquête, sachant pertinemment bien que le tout aurait été peine perdue, cherchant plutôt à nous assimiler à travers une immigration massive qu'il voulait de langue anglaise ou sympathique à la culture et à la langue des conquérants: Ce qu'il n'aurait pu exiger de nous avec succès, il l'a exigé de ces hordes d'individus, souvent fuyant un passé récent d'oppression et de malheurs, plein d'espérance de recommencer une nouvelle vie plus heureuse sur une autre terre, qui se pressaient à nos portes et à qui il pouvait plus facilement demander ce serment d'allégeance comme condition de leur entrée, les dressant dès lors contre nous et nous contre eux, dès l'instant où ils acceptaient de respecter ce serment d'allégeance qui allait à l'encontre même de l'existence du peuple et de la nation francophone qui les recevait chez lui. Quel procédé odieux! D'autant plus odieux, que nos protestations et notre résistance étaient retournées contre nous par ceux-là mêmes qui l'avaient imaginé ou en étaient devenus les partisans comme si elle était l'expression d'un racisme et de la peur de ce qui n'était pas nous, ce qui généralement avait comme conséquence de conforter les nouveaux arrivants avec cette opinion à notre égard et à leur donner une raison de plus de respecter leur serment d'allégeance.