Décidément, MM. Bouchard et Taylor se satisfont de peu. Sur la base d’un rapport décrivant la nature des interventions devant leur commission, ils se félicitent de ce que « seulement » 2 % des intervenants aient tenu des propos racistes, et que «seulement » 12,6 % aient tenu des propos dits « négatifs ».
Dans quelle catégorie entrent ceux qui ont ramené sur le tapis ce vieil argument antisémite contre la certification casher des aliments ? Dans quelle catégorie entrent ceux qui prônent, au nom du noble principe de la laïcité, l’interdiction du foulard islamique dans l’espace public ? Ou ceux qui affirment poliment qu’aucun accommodement ne devrait être toléré ? Ou ceux qui confondent la secte des hassidim avec la communauté juive, et les fondamentalistes islamiques avec l’ensemble de la communauté musulmane ?
D’après ce qu’on comprend, les analystes classent dans la catégorie des «racistes » les intervenants agressifs ou brutaux. Pourtant, le racisme (mais il s’agit le plus souvent de xénophobie) peut fort bien s’exprimer en termes très courtois. Par ailleurs, la catégorie dite « négative » apparaît bien proche de la xénophobie.
Il y a une autre catégorie, dite « modérée ». Mais il y a de quoi s’interroger quand on voit que cette catégorie est définie par ce commentaire typique : « En tant que peuple, notre identité est encore fragile. On veut vivre avec les immigrants mais ils doivent s’intégrer à nos manières de faire. »
Les auteurs du rapport, comiquement, décrivent ce genre de commentaires comme « des propos balancés, nuancés, parfois critiques, relevant de grands principes ». De quels « grands principes » s’agit-il ici ? Veut-on nous faire prendre la paranoïa et l’ignorance pour de « grands principes » ?
C’est en effet de la paranoïa que de s’imaginer qu’un vieux peuple tricoté serré qui constitue 80 % de la population pourrait être menacé dans sa survie par quelque 2 % de musulmans et de juifs. Et c’est de l’ignorance crasse que de s’imaginer que des immigrés puissent s’intégrer pleinement à la société d’accueil en une seule génération. Dans la plupart des cas, en particulier quand il s’agit de gens de cultures très différentes, ce processus requiert deux ou trois générations. Il n’y a rien de « balancé », encore moins de « nuancé », dans de tels propos. Pourquoi les qualifier de « modérés » ?
***
Les commissaires, qui ont été fortement critiqués pour avoir donné le crachoir à toutes sortes de fanatiques, ont évidemment voulu se défendre en commanditant cette enquête. Malheureusement, sa méthodologie paraît fort douteuse, et sa crédibilité est impossible à établir.
Ses auteurs ont lu les masses de transcriptions des audiences publiques et classé arbitrairement les propos selon qu’ils les jugeaient « négatifs », «pluralistes », etc. On imagine le nombre d’heures qu’ils ont dû consacrer à l’exercice. Encore des fonds publics gaspillés dans cette opération inutile !
Mais tenons pour acquis que les statistiques que nous offre la commission sont à peu près exactes.
Oui, certes, si une pareille commission s’était tenue au Canada anglais, en France, aux États-Unis, en Allemagne, n’importe où, on aurait probablement à peu près les mêmes résultats : une infime minorité de racistes authentiques, une bonne minorité de xénophobes, une pluralité de soi-disant « modérés » et une bonne minorité de « pluralistes » ouverts et tolérants… La différence, c’est qu’ailleurs, aucun gouvernement n’a été assez irresponsable pour organiser des forums publics sur des sujets aussi sensibles que l’immigration ou les minorités religieuses.
Le résultat net, c’est que tous les préjugés naguère inavouables ont été en quelque sorte légitimés par le simple fait qu’ils ont été exprimés à voix haute, et souvent applaudis, dans ces forums à caractère très « officiel ». Et que la méfiance mutuelle, entre Québécois de souche et immigrés, s’est accrue.
Il n’y a pas de doute que c’est dans un esprit de service public que les deux commissaires ont interrompu de brillantes carrières pour co-présider cette commission. Mais l’affaire était piégée dès le départ.
Ou ils laissaient parler les gens avec une liberté maximale, ce qui était du reste le but de l’opération, mais alors on les accusait de donner le micro à n’importe quel hurluberlu. Ou ils intervenaient et tentaient d’injecter un peu de bon sens dans le débat, mais alors on les accusait de paternalisme et de condescendance. C’était, comme on dit, une « no-win situation ».
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Bonjour M. Frappier,
Je suis étonné que personne n'ait répondu à Lysiane Gagnon. À publier sous son texte seulement si ça vous chante :
Lysiane Gagnon écrit l’ânerie suivante : « … le racisme […] peut fort bien s’exprimer en termes très courtois… » http://www.vigile.net/Les-racistes-et-les-autres
Mme Gagnon doit croire que les Américains ont été bienveillants envers les Amérindiens avant de les exterminer quasiment tous ? Que les nazis étaient remplis de délicatesses envers les juifs avant de les gazer ? Que les massacres rwandais ont été faits avec civilité ?
Voyons donc ! Faudrait peut-être offrir à Mme Gagnon un dictionnaire, car, par définition, le raciste n’est pas courtois mais HOSTILE et DOMINATEUR !
Voici des extraits de mon Petit Robert :
[il y a] racisme [quand…] la race dite supérieure […croit avoir le…] droit de DOMINER les autres. « Mein Kampf [d’Adolf Hitler] est […] l'évangile […] du racisme » (Bainville). […]
[…le racisme est aussi une] HOSTILITÉ systématique contre un groupe […]
[le] raciste [est une] Personne qui soutient le racisme […] Les racistes d'Afrique du Sud pratiquaient la SÉGRÉGATION.
[…le raciste…] croit à la hiérarchie des races […] est HOSTILE à des groupes ethniques considérés comme inférieurs […]
Pierre Desaulniers, 14 février 2010
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