Loin d’être le premier médium au pays à se voir obligé de le faire — et loin d’en être le dernier —, TVA abolit 68 postes. L’air du temps est maussade pour les médias. En démocratie, ce n’est pas une bonne nouvelle. Or, rien de cela n’est de génération spontanée.
L’inaction béate du fédéral face aux GAFA — Google, Amazon, Facebook et Apple, sans compter Netflix ou autres pieuvres du numérique —, nourrit l’affaiblissement des médias québécois et canadiens. Selon la présidente et chef de la direction du Groupe TVA, France Lauzière, « afin d’assurer notre survie, nous devons faire des choix difficiles pour protéger la production de contenu original de langue française, créé au Québec ».
Les mots-clés sont « contenu original de langue française, créé au Québec ». Pour la seule nation francophone d’Amérique, l’enjeu est carrément vital. D’autant plus que ceux qu’on appelle les « géants » du numérique sont en fait des mastodontes rendus intouchables pour cause d’ineptie gouvernementale.
Inepte
Graciés par le fédéral d’un congé de taxes pour des raisons aussi obscures que douteuses, ces mastodontes mangent tout rond les plus petits qu’eux. Quant au CRTC, il ferme les yeux. Nous voilà donc prisonniers d’un écosystème gravement inéquitable où les mastodontes étrangers règnent en rois et maîtres.
Résultat : année après année, c’est à coup de centaines de millions que le gouvernement prive lui-même le trésor public. Aussi inepte que sa prédécesseur Mélanie Joly, le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, verse maintenant dans le ridicule. Questionné à la Chambre des communes, il s’en est pris au gouvernement Harper. Lequel, lance-t-il, « a eu les deux doigts dans le nez pendant 10 ans et n’a rien fait ».
Pardon ? Les libéraux de Justin Trudeau sont au pouvoir depuis 2015. Les conservateurs n’ont certes rien fait. Depuis quatre ans, les libéraux, pourtant bien au fait des impacts toxiques de leur propre inaction sur les médias canadiens et québécois, ont néanmoins réussi un exploit prodigieux. Celui de se plonger quant à eux les quatre doigts dans le nez.
Hypocrisie
Le ministre Rodriguez a aussi laissé tomber ceci : « nous allons nous assurer que tous ceux qui profitent du système y contribuent ». Vraiment ? Aussi lent qu’un éléphant en pleine canicule, le gouvernement Trudeau a attendu jusqu’à l’an dernier pour convier un groupe d’experts à réfléchir à une possible modernisation des lois sur les télécommunications et la radiodiffusion.
Pis encore, son rapport final n’est dû qu’en 2020, soit bien après les élections d’octobre prochain. En d’autres termes, le gouvernement Trudeau ne voit aucune urgence d’agir pour imposer aux GAFA et Netflix de ce monde les mêmes règles du jeu qu’à nos propres médias. De quoi peut-il tant avoir peur ?
L’ultime hypocrisie est bassement politique. Pendant que les gouvernements Harper et Trudeau ont prétendu être de grands défenseurs de la culture canadienne, ils ont choisi d’engraisser les mastodontes qui l’américanisent à tous crins. Le tout, au détriment des médias d’ici qui, eux, la portent à bout de bras. Cherchez l’erreur.