Les petits pas de Pauline

Chronique de Patrice Boileau

Qui ne se souvient pas de la stratégie des « petits pas » de Jacques Parizeau? L’ancien chef du Parti québécois espérait, en planifiant une mise en place tout en douceur des éléments pouvant conduire à la souveraineté du Québec, convaincre ses compatriotes d’y souscrire.
Peut-être est-ce également ce qu’a en tête la nouvelle dirigeante du Parti québécois. Sauf que sa main tendue s’adresse en premier lieu aux autres formations indépendantistes ! Devons-nous alors parler de l’établissement d’un PPP nouvelle mouture : un partenariat entre partis progressistes ?!?
En voulant entamer un dialogue avec ses « rivaux souverainistes » au sujet d’une plateforme commune, sans pour autant renoncer à des sièges, la députée péquiste de la circonscription de Charlevoix s’approche du projet de pacte auquel souscrit le Rassemblement pour l’indépendance du Québec (RIQ). Rappelons que ce mouvement indépendantiste souhaite voir des partis indépendantistes se liguer pour le pays, dans le cadre d’une élection décisionnelle, en acceptant d’additionner leurs voix dans l’espoir d’atteindre 50% + 1 des suffrages exprimés. Les formations politiques liguées n’auraient pas à abandonner l’intention de présenter des candidats dans les 125 comtés que compte le Québec, sauf dans quelques-uns dont l’issue du vote apparaîtrait serrée.
Certes, Pauline Marois s’oppose présentement à l’emploi de la voie élective pour permettre au Québec d’accéder à son indépendance. La chef péquiste semble ignorer que le projet de pacte avancé par le RIQ insiste sur la nécessité d’obtenir au préalable l’appui de la majorité absolue des Québécois avant d’aller de l’avant. Cette règle ne peut être ignorée, aujourd’hui, afin d’obtenir la reconnaissance internationale. La leader du deuxième parti d’opposition à L’Assemblée nationale s’obstine à croire qu’il n’existe qu’une forme d’élection référendaire. Ainsi, l’électorat serait invité à trancher définitivement au sujet d’un enjeu, sans tenir compte du pourcentage d’appui obtenu! Quelle vision passéiste de la voie élective!
L’élection décisionnelle moderne autorise un parti politique à offrir de façon récurrente son projet politique, tout en poursuivant, s’il n’hérite pas de la majorité absolue des suffrages exprimés, son travail et ses actions pédagogiques. Il serait même antidémocratique de l’obliger à abandonner la lutte après une défaite.
En renonçant à tenir un référendum sur la souveraineté dans les prochains mandats, Pauline Marois s’engage à proposer aux Québécois une forme de gouverne provinciale dont l’objectif est de faire déraper le fédéralisme. Le climat politique d’affrontement qu’elle compte instaurer ne fait pas de doute puisque le Parti québécois se dit toujours souverainiste. Éventuellement, le PQ voudra donc une fois de plus entraîner les Québécois dans une joute référendaire où tous connaissent les prouesses frauduleuses de l’adversaire fédéraliste. Dans ce contexte, il ne faut pas se surprendre de voir que les derniers sondages dévoilent que le Parti libéral de Jean Charest creuse l’écart face aux péquistes.
Il est probable qu’un PQ préconisant dorénavant la voie élective comme mode d’accession à l’indépendance ne change pas immédiatement la tendance que révèlent les dernières enquêtes des maisons de sondage. La transparence du PQ, quant à ses intentions politiques, extirperait cependant le goût amer qui enrobe présentement la formation souverainiste. Sachant en effet qu’elle sortira éventuellement son référendum du placard, bon nombre de Québécois jugent négativement ce geste. On lui associe effectivement un sentiment de cachotterie. D’où le peu de progrès qu’enregistrent les péquistes dans les intentions de vote. Dire clairement, au contraire, que le projet de pays est au cœur de leur programme politique, à chaque scrutin, et qu’une victoire électorale sans majorité absolue ne changerait rien quant à cet engagement indépendantiste, enverrait un signal clair aux Québécois. Le Parti québécois montrerait alors qu’il est convaincu plus que jamais de l’urgence de sortir le Québec d’une fédération anglophone qui le minorise, l’affaiblie et l’assimile.
Enterrer le projet de pays pour les deux ou trois prochains mandats, comme l’a annoncé le Parti québécois, a donné l’impression qu’il doute dorénavant de son option fondamentale. Ce qui a eu un effet dévastateur dans la population : le projet indépendantiste a vu en effet ses appuis faiblir. Pauline Marois constate que sa stratégie ne fonctionne pas. D’où cette dernière idée de tenter de se rapprocher des autres partenaires indépendantistes. Voilà un geste d’ouverture rafraîchissant. C’est un pas dans la bonne direction. Un petit pas qui, espérons-le, la convaincra d’en faire d’autres qui lui feront réaliser que l’étapisme référendaire est une impasse qui tue son parti, et surtout le projet qu’il chérit.
Patrice Boileau


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    21 mai 2008

    Vous écrivez : «Enterrer le projet de pays pour les deux ou trois prochains mandats, comme l’a annoncé le Parti québécois, a donné l’impression qu’il doute dorénavant de son option fondamentale».
    Mme Marois n'a jamais enterré le projet de pays pour les deux ou trois prochains mandats. Elle veut simplement ne pas brûler le prochain référendum. Dès que les Québécois montreraient une solide majorité pour la souveraineté du Québec, "elle n'est pas folle", elle tiendrait rapidement un référendum pour le gagner. Elle ne va pas se dire : Les derniers sondages montrent que les Québécois sont très majoritairement pour le OUI, je crois que je vais attendre 2 ou 3 autres élections avant de me décider à procéder.
    Quand il y aura un assez grand nombre de Québécois à voter OUI, le référendum ne sera plus un obstacle à la souveraineté.
    La stagnation de l'option souverainiste ne résulte pas du fait que Mme Marois s'est dégagée de la tenue obligatoire d'un référendum sur la souveraineté mais parce qu'il qu'il y a eut une certaine ouverture des Conservateurs envers le Québec qui contraste beaucoup avec la fermeture des Trudeau, Chrétien et Dion et que les Québécois ne sont pas particulièrement martyrisés ou l'objet d'un réel génocide...me semble. On ne peut quand même pas demander au fédéral de nous dicriminer davantage afin de nous aider à nous libérer. Faut juste que les indépendantistes/souverainistes québécois travaillent plus fort à convaincre les fédéralistes de la beauté de l'option.