Premier acte: Il y a deux ans, durant la course au leadership du PQ, elle promet «un référendum le plus tôt possible». Et, toujours fidèle au programme du parti, affirme qu'un gouvernement péquiste militera pour la souveraineté dès son élection, avant même d'avoir consulté la population sur cette question.
Deuxième acte: Au printemps, redevenue seule en lice après la débâcle électorale et la démission d'André Boisclair, Mme Marois change son fusil d'épaule: le PQ ne fera pas de référendum, et n'engagera pas non plus les fonds publics pour promouvoir la souveraineté. C'est clair, non? Pas si clair, apparemment.
Troisième acte: Au sortir d'un entretien privé avec la chef péquiste, Ségolène Royal déclare ingénument à un reporter français que Mme Marois lui a dit qu'il n'y aurait pas de référendum. Soudain, malaise au PQ: mais non, ce n'est pas exactement cela, c'est plutôt que le PQ ne parlera pas de «mécanique référendaire», mais cela n'exclut pas qu'il puisse y avoir un référendum un jour
Quatrième acte: Dans la foulée de sa victoire dans Charlevoix, Mme Marois déclare qu'un gouvernement péquiste aura un «ministre de la souveraineté». Comme ce ministre sera rémunéré par l'État et qu'il aura, c'est évident, un cabinet avec le personnel requis, cela veut donc dire que le PQ utilisera les fonds publics pour promouvoir la souveraineté! La contradiction est de taille.
Cela rappelle les contorsions auxquelles la chef péquiste s'était livrée après avoir décidé d'aller sur le terrain de l'ADQ en «réhabilitant» le «nous», ce «nous» représentant, disait-elle, cette ancienne nation canadienne-française ayant derrière elle «quatre cents ans d'histoire». Quelques heures après, interrogée par les journalistes, Mme Marois enfilait ses patins: le «nous» englobait la minorité anglophone et toutes les minorités culturelles, bref - étrange anomalie linguistique -, il y a un «nous», mais il n'y a pas d' «eux» !
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La seule chose sûre, dans le parcours louvoyant de la chef péquiste, c'est qu'elle déteste l'idée de s'enfermer dans ce qu'elle appelle «la maudite mécanique référendaire». Elle n'a pas tort, cet engagement téméraire ayant fait le malheur de tous ses prédécesseurs (sauf Jacques Parizeau, un homme qui n'a jamais tenté de camoufler ses intentions).
Sa stratégie, essentiellement électoraliste, est cependant bien transparente. On le sait bien, tout cela ne tient qu'aux sondages, qui montrent que sous l'impulsion de l'ADQ, qui a fait dévier les velléitaires aspirations à la souveraineté de la population vers la recherche, plus confortable, de l'«autonomie», l'option souverainiste est en perte de vitesse.
Le jour où les sondages montreront une forte relance du mouvement souverainiste, préparons-nous à entendre Mme Marois promettre un référendum pour très bientôt! Et si cette remontée du sentiment indépendantiste devait se produire sous son règne, bien sûr qu'elle le tiendrait, ce référendum dont elle promettait qu'il n'aurait pas lieu!
Son futur «ministre de la souveraineté» sera sans doute, entre autres choses, chargé de la tâche d'analyser les sondages et d'en commander de nouveaux. En somme, c'est la stratégie, pas idiote électoralement, des «conditions gagnantes». Un gouvernement sensé ne fait pas un référendum qu'il n'est pas raisonnablement sûr de gagner. (Remarquez, cette règle a connu bien des exceptions: voir Mulroney et son référendum sur Charlottetown, ou plus récemment, Chirac et son référendum sur la constitution européenne).
Sous l'angle indépendantiste, cependant, l'abandon d'une échéance référendaire est analogue à une démission ou du moins à un recours à une stratégie marquée par la passivité (ce que refusait le chef volontariste qu'était Jacques Parizeau).
Seule en effet la perspective d'un référendum défini dans le temps peut mobiliser les militants, forcer les électeurs indécis à se brancher, et imprimer à la démarche souverainiste un caractère d'urgence et de nécessité. Pour prendre une comparaison dans un domaine que je connais bien, le référendum, c'est le «deadline», l'heure de tombée, l'échéance incontournable qui déclenche la poussée d'adrénaline et force l'écrivain à se mettre au boulot.
En remettant le référendum aux calendes grecques, comme si la souveraineté allait un jour nous tomber dessus sans effort, Mme Marois est comme l'éditeur qui vous dirait: «Écris là-dessus à temps perdu, mais je ne peux t'assurer qu'on te publiera»
Les patins de Mme Marois
Pauline Marois est décidément difficile à suivre.
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