La démocratie participative dont Québec solidaire fait la promotion illustre un drôle de paradoxe. Je ne sais pas par qui et où elle a été documentée scientifiquement (si on admet comme science les « sciences politiques »), mais l’exemple que l’on donne de son application vient de la ville de Porto Alegre au Brésil. Elle consiste en une extension de la démocratie municipale en donnant à une assemblée de citoyens un droit de regard sur une partie du budget municipal. Elle est donc née dans un pays du Tiers-Monde. Même émergeant, le Brésil, à cause de sa grande masse de paysans pauvres, reste un pays du Sud.
La démocratie participative n’origine donc pas d’un de ces pays développés que l’on reconnaît comme démocratiques. Elle vient d’un de ces pays que l’on présente souvent comme chaotiques, toujours sous tutelle d’une dictature, encore soumis de grès ou de force au néocolonialisme, dont les populations ont besoin d’aide, … Toutes ces caractéristiques attribuées aux pays du Sud en cachent toutes les richesses spoliées et tiennent d’un mythe persistant comme quoi ils auraient besoin de nous pour se développer. Notre présence n’y est souvent que prétexte à l’asservissement (celle de l’ACDI en Afghanistan l’illustre bien) et il va devenir de plus en plus notoire qu’une masse critique des habitants de ces pays résistent à la sujétion au grand dam des élites locales plus soumises.
D’un certain point de vue et de notre côté, qui parle d’étendre les valeurs démocratiques ? Qui fait la promotion de la démocratie ? Nos États qui tardent souvent à innover et dont on sait que les démocraties sont encore en déficit démocratique pour le peu de progrès des modes de scrutin qui s’y manifestent dans leur évolution vers une démocratie plus représentative du pluralisme politique. En tout cas ce sont des critiques qu’on y avance chez les démocrates et à gauche du spectre politique au Québec.
La promotion de ces valeurs démocratiques prend même la voie militaire, comme en Afghanistan où 34 pays du monde, que l’on nomme la communauté internationale, sous la direction étasunienne occupent le territoire et y défend par la force l’instauration de la démocratie et ses valeurs. Monsieur Harper est bien naïf (l’est-il vraiment ?) d’y voir une lutte antifasciste. Il serait plus réaliste d’y déceler l’entreprise néocoloniale.
Vous voyez comment la démocratie participative, cette innovation originaire du Tiers-Monde, nous renvoi à nos vieux mythes sur ce qu’est véritablement la démocratie, comment elle se développe, qui en est à l’origine et surtout quel caractère populaire elle doit manifester. Est-elle une émanation du peuple qui la réclame et la pratique ou est-elle maintenant imposée de l’extérieure par nos armées ?
Un représentant élu à répétions, pour les avantages que ses décisions politiques procurent à son peuple, est présenté dans les médias traditionnels comme un autre futur dictateur de ce chaotique Tiers-Monde en ébullition constante. Je veux parler, vous l’aurez deviné, de Chavez au Venezuela.
La démocratie sera sans doute l’enjeu majeur du XXI ième siècle. Qui la défendra le mieux ? De qui émanera-t-elle ? Qui en prendra la direction ? Quels représentants fera-t-elle émerger des choix populaires ? Vous voyez bien que ce n’est pas si simple. Et qu’il ne suffit plus de se proclamer démocrate pour en être. Les liens que les dirigeants politiques des pays démocratiques entretiennent avec le monde de la finance perturbent l’exercice de la démocratie au point que plusieurs n’y croit tout simplement plus.
Imposer la démocratie militairement à tout un peuple pauvre est une contradiction insurmontable pour les valeurs occidentales dont on veut faire la promotion. Ne pas reconnaître de valeurs démocratiques aux élections successibles de Chavez est tout aussi contradictoire.
Depuis Athènes, société esclavagiste, on nous présente la démocratie comme une des conquêtes parmi les plus prestigieuses de l’humanité. La démocratie issue de la révolution française est née dans un bain de sang. La révolution socialiste n’en a pas été épargnée, malgré ce qu’elle a fait naître d’espoir chez les travailleurs, désormais une majorité de la population, qui n’arrivent pas encore, si ce n’est à travers Québec solidaire, à se donner les instruments politiques efficaces pour la conquête de la démocratie.
Et s’il arrivait que les travailleurs occupent vraiment tout l’espace démocratique avec ces multiples instruments qu’ils ont réclamés depuis deux siècles, qu’elle serait la réaction de ceux qui sont habitués d’user de la démocratie pour asseoir leur pouvoir sur les salariés ? Les réactions à l’exercice démocratique du droit de grève sont parfois révélatrices de ce qui en serait vraiment.
Les sociétés socialistes ont été remises en cause par une bonne partie de leur population, même ouvrière. Mais leur chute n’a pas engendré ces cataclysmes sous forme de guerres civiles atroces qu’ont été les remises en cause des sociétés capitalistes comme en Espagne en 1936. Signe de maturité démocratique ? Peut-être bien plus que ne le pense les pourfendeurs des démocraties populaires et du socialisme passés à l’histoire désormais.
Plus récemment les 76,000 victimes de l’insurrection salvadorienne ont peu touché de gens sauf ces quelques militants internationalistes, le France de Mitterrand et le Mexique, préoccupés qu’une oligarchie militarisée soutenue par les États-Unis tombe sous les coups d’un FMLN insurgé … qui vient d’être élu, comme parti politique au El Salvador, après vingt ans d’un régime de droite de l’ARENA démocratiquement réélu grâce aux pressions des néoconservateurs étasuniens.
Une dernière remarque. Hitler a été élu. Il est donc aussi un produit de la démocratie. À ce qu’on dit, toutes les informations collectées par la police qui ont servi à la répression des démocrates, des socialistes ou des communistes ont été recueillies en période démocratique.
De quoi interroger sur cette paradoxale institution et chercher ce qui en fera un instrument populaire en progrès constant jusqu’au moment où elle sera exercée non pas au nom du peuple mais par le peuple lui-même d’ici quelques dizaines, centaines ou milliers d’années.
Je vous laisse avec ces quelques réflexions sur la démocratie. Je suis bien d’accord pour lui laisser toutes ses chances, mais il ne faudra pas que l’on ait tout le temps un double standard. Un pour l’expression politique et démocratique d’une majorité de la population de salariés et un autre pour la défense des institutions démocratiques qui n’ont servi jusqu’ici qu’au pouvoir effectif d’une minorité de possédants. Il devient de plus en plus évident à bien du monde que ces nantis ne jouent pas à armes égales avec le plus grand nombre de salariés à cause des moyens politiques et financiers dont ils disposent.
C’est à travers ces paradoxes que Québec solidaire a décidé de naviguer. Et le vide laissé par le Parti Québécois à gauche nous laisse entrevoir une belle odyssée jusqu’à l’indépendance et après des progrès de société indéniables.
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