LOI SPÉCIALE

Les juristes ont 45 jours pour signer

Moreau force le retour au travail, mais doit prolonger les négociations

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Un coup de force législatif






Le président du Conseil du trésor, Pierre Moreau, tente un coup de force législatif. Il a déposé lundi soir, sous bâillon, un projet de loi spéciale visant à forcer Les avocats et notaires de l’État québécois (LANEQ) à reprendre le travail, dès « 8 h 30 le mercredi 1er mars 2017 », tout en leur permettant de « poursuivre avec diligence et bonne foi, pendant une période maximale de 45 jours, la négociation en vue de convenir d’une entente ».


 

En cas d’échec à la table des négociations, les conditions de travail prévues au projet de loi 127, à première vue moins généreuses que celles se trouvant dans l’« offre finale et globale » soumise jeudi dernier par M. Moreau, entreront en vigueur.


 

Mais pas question d’imposer immédiatement un nouveau contrat de travail au millier de juristes de l’État en grève depuis le 24 octobre dernier, a spécifié M. Moreau, tout en pointant la jurisprudence. « D’une part, il faut tenir compte de l’état du droit et des décisions des tribunaux à cet égard-là. On est très conscient de ça, et certainement qu’on veut se conformer à ça. […] Il était clair pour moi que la loi est un recours ultime et, même au moment du dépôt de la loi, je veux qu’il soit clair que le message du gouvernement, c’est de rester dans un contexte de négociation », a-t-il souligné lors d’un impromptu de presse en milieu de soirée.


 

Le président de LANEQ, Jean Denis, a dénoncé le coup de force, y voyant une façon pour le gouvernement libéral de « garder le fusil sur la tempe » des juristes. Il a réitéré lundi soir sa volonté de contester devant les tribunaux la « loi spéciale », si elle passe la rampe de l’Assemblée nationale. « Ils nous enlèvent notre droit de grève ! On va aller avec ça jusqu’en Cour suprême », a-t-il déclaré pendant que les élus débattaient du motif de la procédure d’exception mise en branle par le gouvernement libéral.


 

Le retour — forcé — au travail serait « épouvantable » mercredi, appréhende M. Denis. « Il a fait un projet de loi sur le statut de la Ville de Montréal [qui a été dévoilé pendant la grève]. Pensez-vous que les gens ne savent pas son nom à celui-là [qui] a pris le travail des autres, puis qui l’a mené à terme ? Ça va être le fun, ça. Puis, il y a d’autres gens aussi à l’intérieur, ceux du ministère de la Justice : […] ils n’ont rien fait pour nous », a-t-il affirmé à la presse.


 

Le dirigeant syndical croisait les doigts d’en arriver à une entente négociée avant la mise aux voix du projet de loi, prévue mardi. D’ailleurs, les parties négociaient toujours lundi soir.


 

LANEQ comptaient lundi sur l’appui des trois partis d’opposition. La députée péquiste Nicole Léger se désolait de voir le gouvernement libéral « briser le climat de confiance » entre l’État et son bataillon d’avocats et de notaires. À ses yeux, « Pierre Moreau a échoué à son premier test [aux commandes du Conseil du trésor] : celui de régler le conflit des juristes de l’État ».


 

Le chef caquiste, François Legault, estime que le projet de loi spéciale constitue une nouvelle illustration de l’« incompétence » du premier ministre Philippe Couillard, qui « n’a jamais négocié de sa vie ». « Il me semble que, juste comme gestionnaire, tu veux pas avoir des employés aussi importants que les juristes qui rentrent au travail, puis qui sont pas de bonne humeur », a-t-il lancé, tout en s’affichant pour la première fois bras dessus bras dessous avec M. Denis.


 

Conciliateur, médiateur


 

Le projet de loi 127 contraint les parties patronale et syndicale à négocier « avec diligence et bonne foi » pendant une période d’un mois et demi, durant laquelle ils pourront demander à la ministre du Travail, Dominique Vien, de désigner un conciliateur. Mme Vien pourra prolonger cette période de tout au plus 15 jours supplémentaires si LANEQ et le Trésor lui soumettent une « demande conjointe » en ce sens.


 

Un médiateur entrera en scène « si une mésentente subsiste ». Celui-ci sera choisi par l’association et l’employeur ou, à défaut d’une entente, par Mme Viens. Il aura 30 jours pour dénouer l’impasse. « Le processus de médiation porte sur les conditions de travail des salariés. Toutefois, la modification, directement ou indirectement, du régime de négociation applicable aux salariés [qui est pourtant au coeur des revendications de LANEQ] est réputée ne pas constituer une telle condition de travail », précise-t-on dans le projet de loi 127.


 

Même si le projet de loi est muet sur la négociation sur le statut professionnel des juristes de l’État, rien n’empêche les parties de débattre, en l’absence d’un médiateur, d’une éventuelle révision du régime de négociations des avocats et des notaires de l’État, a fait valoir M. Moreau. « Moi, je suis d’opinion et le gouvernement est d’opinion que les juristes de l’État n’ont pas le degré d’indépendance des procureurs de la Couronne. Cela dit, avec beaucoup de respect, on dit : “On est prêts cependant à se soumettre à un comité indépendant qui va établir si oui ou non cette indépendance-là existe” », a-t-il répété lundi soir.


 

La possibilité offerte aux parties de recourir à un médiateur apparaît surprenante dans la mesure où M. Moreau répétait « on n’est pas à l’heure de la médiation, on est à l’heure de la négociation après la sortie du Barreau du Québec et de la Chambre des notaires du Québec pour réclamer la désignation d’un “médiateur neutre et indépendant” ».


 
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