Le gouvernement Legault prépare une relance de notre politique linguistique, laissée à l’abandon depuis longtemps.
Il a raison. Ça presse.
Les années Charest-Couillard furent une ère de radicale indifférence au sort du français.
Reculs
L’anglais revient en force dans les milieux de travail. Les cours de français pour les immigrants sont dotés de ressources insuffisantes.
Le gouvernement du Québec ne respecte pas sa propre politique linguistique. Il est fonctionnellement bilingue, comme le gouvernement fédéral.
Des entreprises, des commerces rient au nez de leurs clients francophones.
Le nombre de francophones dans les cégeps anglophones monte sans arrêt depuis des décennies.
Dans les universités, l’anglicisation est sournoise, toujours justifiée par le besoin d’aller chercher des étudiants étrangers plus payants pour pallier la baisse des inscriptions des francophones.
En cherchant longtemps, on trouve certes, ici et là, des exemples encourageants, mais les données inquiétantes sont plus nombreuses et plus significatives.
On perd souvent de vue que les progrès accomplis dans les années qui suivirent l’adoption de la loi 101 le furent en ramant dans le sens contraire du courant naturel.
Dès que vous relâchez la surveillance et les efforts, l’anglais s’impose partout.
Il y a plus de 10 ans, le démographe Marc Termotte avait noté que le Québec était un cas unique au monde, oui, au monde.
Nous sommes en effet la seule société au monde dans laquelle l’avenir de la langue de la majorité n’est pas assuré, tout simplement parce qu’on laisse aux nouveaux arrivants le choix de vivre dans une autre langue s’ils le veulent, sans que la langue de la majorité ait ici la force que peut avoir l’allemand en Allemagne ou l’italien en Italie.
Le gouvernement Legault se heurtera à trois obstacles majeurs.
D’abord, la société civile est infiniment moins mobilisée sur la question linguistique que sur la laïcité.
Le défaitisme et la résignation se sont installés.
Ensuite, les jeunes ne sont absolument pas interpellés par cette question. Ils voient dans la langue un simple outil de communication et un choix purement individuel.
Comme il y a 40 ans, il faut recommencer à expliquer que la question n’est pas de savoir s’il est bon ou mauvais qu’un individu parle plusieurs langues, dont l’anglais – évidemment que oui –, mais de savoir quelle sera la langue habituelle et prédominante de la vie publique au Québec.
Enfin, depuis 15 ans, c’est le PLQ qui a nommé les hauts fonctionnaires de l’État québécois.
Leur inclinaison sera de traîner les pieds et de multiplier les objections, comme ils le firent pour la laïcité.
Province
Tant au Québec qu’au Canada anglais, la question de la langue soulèvera les mêmes passions que la religion.
Ultimement, le gouvernement Legault sera confronté à une réalité de base : la question de la langue est presque indissociable de celle de notre statut politique.
Si nous n’agissons pas, nous deviendrons des joueurs de banjo, des spécimens amusants et folkloriques pour touristes à la recherche d’exotisme.