IDÉES

Les frontières de l’Arctique, source de conflits futurs?

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Des frontières qui dégèlent

Avec les impacts majeurs des changements climatiques, l’Arctique est redevenu un sujet d’actualité sur la scène politique canadienne. La fonte des glaces, en ouvrant possiblement l’accès à des routes maritimes stratégiques et à des ressources jusqu’ici peu exploitées, bouleversait un équilibre politique en fait largement hérité de la guerre froide.

Les changements climatiques, en rendant possibles (mais non pas inévitables) une exploitation accrue des ressources et un trafic maritime en expansion, ont contribué, avec l’augmentation spectaculaire des cours des matières premières jusqu’en 2014, à propulser l’Arctique dans la logique commerciale de la mondialisation. Ces enjeux économiques et stratégiques soulignaient l’importance de la définition des frontières dans la région : les différends opposant les États arctiques ont souvent été interprétés comme de potentielles bombes à retardement compte tenu de l’ampleur annoncée des réserves de ressources de la région et de l’importance stratégique prêtée aux routes arctiques.

Un litige différent

Il faut déjà préciser que le litige sur le passage du Nord-Ouest est très différent dans sa nature, des litiges entourant les frontières maritimes des plateaux continentaux étendus. La dispute entre États-Unis et Canada sur le passage du Nord-Ouest porte sur le statut de ces eaux. Pour Ottawa, il s’agit d’eaux intérieures canadiennes, sur lesquelles le Canada a donc plein contrôle, en particulier pour établir des règlements ayant trait à la navigation. Pour Washington, une bonne partie du passage se trouve sans doute dans les eaux territoriales du Canada, mais ce passage constitue un détroit international, ce qui signifie en droit que n’importe quel navire peut y passer sans avoir à demander d’autorisation. Ailleurs dans l’Arctique, il y a des désaccords sur les frontières des plateaux continentaux étendus, zones maritimes dans lesquelles les États ne sont pas souverains, mais disposent des droits de réglementation de l’exploitation des ressources des fonds marins.

La dispute avec les États-Unis et l’Union européenne portant sur le passage du Nord-Ouest n’est pas récente : elle remonte aux années 1960 et a connu plusieurs rebondissements, en 1969 et 1985 notamment. Elle s’est retrouvée sous les feux des projecteurs avec la fonte de la banquise, qui potentiellement pouvant entraîner le développement du trafic maritime et donc poser la question du contrôle de celui-ci : liberté de navigation ou supervision selon les règles canadiennes ?

En réalité, ce n’est pas pour le potentiel économique du passage du Nord-Ouest (PNO) en tant que tel que Washington manifeste son désaccord : le département d’État a reconnu que les navires commerciaux américains qui souhaiteraient transiter par le PNO devraient respecter la législation canadienne. Ce que craint Washington, à tort ou à raison, c’est la restriction de mouvement de ses navires militaires, et le précédent, la possibilité que la souveraineté canadienne sur le PNO donne des idées (à tort ou à raison) à d’autres États pour restreindre la liberté de navigation.

Les litiges entourant les frontières maritimes ne sont pas récents non plus : un différend oppose le Canada et les États-Unis en mer de Beaufort depuis 1977, tandis que la Russie et la Norvège ont connu un long désaccord en mer de Barents remontant aux années 1970. Ces litiges ont connu un retour en scène avec la diffusion de revendications frontalières tout au long de la décennie précédente.

Trop chères, trop complexes

Faut-il s’inquiéter de ces disputes en Arctique ? Au sujet du PNO, contrairement aux pronostics, le trafic de marchandises en transit y demeure très faible : un navire en 2013, un en 2014, zéro en 2015. Du côté russe, nettement mieux équipé, le trafic a augmenté jusqu’en 2013 (71 transits) puis s’est effondré à 18 en 2015. Ces chiffres sont très faibles par rapport aux points stratégiques que constituent Suez (18 500 transits en 2015) ou Panama (11 000 transits en 2015). Les compagnies maritimes s’intéressent très peu au transit par les routes arctiques, trop chères, trop complexes, peu faciles à intégrer dans les contraintes logistiques du transport maritime. De fait, il n’y a pas de trafic maritime à superviser, ou très peu : il n’y a donc pas de motif de tension politique.

Quant aux frontières maritimes, l’apparent empressement des États à déposer des revendications n’a rien à voir avec une quelconque loi de la jungle qui donnerait une prime au premier arrivé. Au contraire, c’est vraiment la règle de droit qui prévaut jusqu’à présent. Et celle-ci dit que les États disposent de 10 ans après leur ratification de la Convention du droit de la mer pour pouvoir déposer une revendication sur des plateaux continentaux étendus.

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