Les routes «déficientes» du Québec ont été construites sur des sols gorgés d’argiles sensibles qui contaminent et pourrissent leurs fondations. Il existe des solutions à ce problème connu, mais Québec et les municipalités sont incapables de payer la facture.
L’argile dans le sol de la vallée du Saint-Laurent est l’une, sinon la cause principale de la dégradation massive des routes du Québec.
«Le Québec a été construit sur les basses terres du Saint-Laurent, sur de la grosse argile qui est extrêmement mauvaise pour faire des routes. Généralement, les fondations sont déficientes», indique le directeur technique de Bitume Québec, Florian Lafage.
Notre Bureau d’enquête avait d’ailleurs révélé il y a quelques années que 80 % du territoire habité du Québec était à risque de connaître des glissements de terrain et des affaissements, en raison des argiles sensibles qui forment ses sols.
La plus grande partie du réseau routier du Québec a été construite dans les années 1960 et 1970.
«Un peu n’importe quoi»
À l’époque, les concepteurs ne savaient pas que l’argile causerait à long terme des affaissements, des fissures, des cassures et une contamination des fondations.
Les experts constatent fréquemment, dans les fondations des routes québécoises, la présence de matériaux contaminés et imbibés d’argiles, qui rendent les routes instables.
«On le voit presque toutes les fois qu’il y a une étude pour la réfection d’une route. On voit les sondages, les teneurs en particules fines sont très élevées dans les fondations. C’est assez fréquent», explique Guy Doré, titulaire d’une chaire de recherche sur les chaussées à l’Université Laval.
L’expert mentionne que les sous-fondations de ces vieilles routes étaient conçues avec «un peu n’importe quoi», comme du bois. Des matériaux peu étanches et qui se drainaient très mal.
L’équipe de nos pages En 5 minutes a d’ailleurs préparé un modèle 3D afin d’expliquer les impacts de l’argile sur nos vieilles routes, ainsi que la manière de construire une route qui résisterait à l’argile (page précédente).
Repartir à zéro
Le MTQ et les villes savent très bien que leurs travaux ne seront pas durables lorsqu’ils misent sur des travaux d’urgence et d’entretien de nids-de-poule au lieu d’être en mode reconstruction, soutient Florian Lafage de Bitume Québec.
En faisant des opérations d’asphaltage, dit-il, les décideurs cachent seulement la pourriture. Une technique moins coûteuse à court terme, en raison de la capacité de payer des Québécois, estiment les experts consultés.
Les experts soutiennent que le Québec doit «vraiment repartir à zéro et excaver à 100 % les routes» pour enlever les matériaux qui sont pourris sous l’asphalte, mais il faudrait investir des milliards.
Les normes du MTQ étaient insuffisantes
Le ministère des Transports est incapable d’indiquer le pourcentage de vieilles routes qui doivent être reconstruites, mais il admet que les normes de construction de l’époque étaient «insuffisantes» pour contenir l’argile qui détruit leurs fondations.
«À l’époque, les normes étaient insuffisantes, je l’accorde», a affirmé en entrevue la semaine dernière Guy Bergeron, chercheur du laboratoire des chaussées pour le MTQ.
Selon lui, l’épaisseur des fondations n’était pas assez profonde, ce qui a fait vieillir les chaussées prématurément et permis à l’argile de s’infiltrer dans les sous-fondations.
«Des fondations de 800 millimètres, 900 millimètres là-dedans, ça ne marche pas. Quand le froid descend, ça va faire des soulèvements importants, et au dégel l’argile va être très molle et va remonter dans le sable de sous-fondation, relate M. Bergeron. C’est pour ça qu’aujourd’hui, on a des fondations beaucoup plus épaisses.»
L’expert reconnaît que le MTQ ne connaît pas le pourcentage exact des vieilles routes qui devraient être reconstruites avec les normes d’aujourd’hui.
«C’est un peu comme demander à un médecin qui va avoir la grippe demain matin», plaide l’expert de la chaussée, admettant néanmoins qu’il s’agissait d’une question «tout à fait légitime».
De la chance
Selon lui, dans le cas des vieilles routes, il n’y a pas seulement les fondations qui doivent être prises en considération. Il y a plusieurs indicateurs qui vont amener le ministère à intervenir ou non sur une route.
«Il y a des routes qui ont été conçues il y a très longtemps et qui se comportent très bien. Parce qu’à l’époque, justement, ils les ont conçues avec des matériaux acceptables. C’est un peu un coup de chance», admet-il.
«Aujourd’hui, on peut faire des épaisseurs beaucoup plus grandes, selon la gélivité de l’argile.»
Il minimise ainsi l’impact de l’argile sur les nouvelles routes construites par le MTQ.
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