« La justice militaire est à la justice ce que la musique militaire est à la musique. »
_ Clemenceau
Chems Eddine CHITOUR - Le 1er avril parait dans le Washington Post le mea-culpa du juge Goldstone qui dit, qu’en substance, qu’il s’était trompé et qu’Israël n’est pas coupable... Immédiatement, la machine sioniste s’est mise en marche, Netanyahu enjoint les Nations unies de déchirer le rapport Goldstone. En clair, il n’y a pas eu 400 enfants morts dont les photos de martyrs sont toujours aussi insoutenables. Devant l’énormité de l’information, on aurait cru, un instant que c’était une farce traditionnelle que l’Histoire a fixée à cette date. Il n’en n’est rien et de fait, connaissant la puissance des lobbys israéliens, cela devait arriver. Il faut s’étonner que cela ne se soit pas produit plus tôt au vu de l’énorme pression qu’a dû subir le juge Goldstone pourtant juif et sioniste.
Que dit Goldstone ?
Les réserves de Richard Goldstone concernent essentiellement l’intentionalité des crimes commis par Israël et donc l’existence de crimes de guerre. « On en sait bien davantage aujourd’hui sur ce qui s’est passé pendant la guerre de Gaza que lorsque je présidais la commission d’enquête », explique le magistrat dans le quotidien américain Washington Post. Richard Goldstone regrette qu’à l’époque de son enquête, « notre commission d’enquête n’ait pas eu accès aux preuves sur les circonstances dans lesquelles nous estimons que des civils ont été visés à Gaza ». « Cela aurait probablement modifié nos conclusions sur l’intentionnalité des crimes et l’existence de crimes de guerre », ajoute-t-il. Le rapport Goldstone, publié fin 2009, accusait Israël d’avoir usé de la force de façon disproportionnée, d’avoir délibérément visé des civils, d’avoir détruit des infrastructures civiles et d’avoir utilisé des civils comme boucliers humains. Il accusait aussi le Hamas d’avoir délibérément visé des civils avec des roquettes. En trois semaines, 1400 Palestiniens avaient été tués, dont des centaines de civils, ainsi que 13 Israéliens. (1).
Goldstone va plus loin, il diabolise le Hamas et l’accuse d’être le commanditaire du merutre d’une famille israélienne, il y a un mois « Si j’avais su à l’époque ce que je sais maintenant, le rapport Goldstone aurait été un autre document. » (...)... Avec ces preuves, on ne peut plus dire qu’Israël est responsable de crime de guerre. » Si Israël a fait enquêter « à un degré significatif » sur les résultats de cette guerre,« le Hamas, qui contrôle Gaza depuis 2007, n’a rien fait » explique Goldstone. Le juge critique également Conseil des droits de l’homme de l’ONU qui critique Israël bien plus qu’il ne critique toutes les autres nations réunies. « Quelque chose qui n’a pas été dit assez fort, c’est que ces actes des terroristes du Hamas ont également été condamnés par l’ONU », ajoute Goldstone, en ajoutant que son rapport a « trouvé des preuves de crimes de guerre présumés et peut-être des crimes contre l’humanité par le Hamas. Les roquettes du Hamas ne visent-elles pas sans discrimination les cibles civiles israéliennes ? ». Goldstone a également exhorté l’ONU à condamner le massacre d’une famille juive dans le petit village d’Itamar : « C’est un massacre inexcusable d’un couple israélien et de 3 de leurs enfants pendant qu’ils dormaient. Un massacre commis de sang-froid. » En conclusion : le juge en charge du rapport se retire de son propre rapport. Le rapport Goldstone est mort. Vive Goldstone ! » (2)
La diabolisation du juge jusqu’à son revirement
Pour rappel, depuis la parution du rapport Goldstone fin 2009, les autorités occupantes israéliennes, qui avaient refusé de collaborer avec l’enquête de l’ONU, se sont déchaînées contre le juge sud-africain, accusé de faire le jeu du Hamas à Gaza, après les avoir accusées de viol des lois de la guerre et portant atteinte au droit international. Les dirigeants israéliens peuvent légitimement sabler le champagne, et trinquer sur la tombe des 1400 martyrs palestiniens massacrés pendant l’attaque « Plomb durci » contre la population de la bande de Gaza en décembre 2008 - janvier 2009. Le juge sud-africain à la retraite Richard, Goldstone, a en effet fini par se rétracter. D’origine juive, se déclarant lui-même sioniste, Goldstone se pensait peut-être à l’abri d’accusations de partialité, voire d’antisémitisme, de la part des dirigeants israéliens, lorsqu’il rendit son rapport sur « Plomb durci » en septembre 2009. Il se trompait. Forts de leur impunité -puisqu’aussi bien, le rapport Goldstone n’a été suivi au niveau de l’ ONU et des puissances qui dirigent cette institution d’aucune mesure de rétorsion et encore moins de sanctions- les dirigeants israéliens et leurs alliés dans les « communautés juives » du monde ont lancé fatwa sur fatwa contre Goldstone, le bannissant de la tribu en tant que « Juif traître ». La pression alla jusqu’à s’exercer, avec succès, à l’intérieur du cercle familial de Goldstone, lui interdisant par exemple d’assister à la bar mitzvah (cérémonie religieuse marquant le passage d’un garçon à l’âge adulte) de l’un de ses propres petits-fils. Les menaces et calomnies de la propagande israélienne sont donc aujourd’hui récompensées. Avec « Plomb durci », Israël n’a fait finalement qu’exercer un droit inaliénable à la légitime défense, y écrit en substance le vieux juge à l’honneur perdu (...) (3).
De fait, la machine de guerre sioniste contre Goldstone pourtant juif lui-même s’est mise en marche après la publication du Rapport ; Yossi Sarid de Ha’Aretz écrit : « Si le juge sud-africain qui a accusé Tel-Aviv de crimes de guerre a jadis collaboré avec le régime d’apartheid, l’Etat hébreu en était le fidèle allié, rappelle le chef du parti de gauche Meretz. Sous le titre « Tache noire » Yediot Aharonot a publié le 7 mai un reportage de dix pages sur les sentences prononcées par le juge sud-africain Richard Goldstone sous le régime d’apartheid. Bien que le magistrat, d’origine juive, ait pu se défendre dans les colonnes du quotidien israélien et qu’il ait reçu l’appui de militants historiques de la lutte contre l’apartheid, Danny Ayalon, le vice-ministre des Affaires étrangères israélien, et Alan Dershowitz, célèbre avocat et romancier américain, ont comparé la ligne de défense de Goldstone à « celle des officiers SS ». Il suffit parfois de pointer les faiblesses d’autrui pour attirer l’attention sur les nôtres. (...) Même le « certificat de conformité » que lui décernera ensuite le Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela en le nommant à la Cour constitutionnelle [de 1994 à 2003] n’effacera jamais cette tache indélébile ». (4)
« Dès l’instant où quelqu’un a prêté main-forte à l’apartheid, quitte à s’en détourner plus tard, il a contracté la lèpre. (...) En assistant à la chute de Richard Goldstone, beaucoup de gens en Israël ne cachent plus leur joie, estimant sans doute que sa descente aux enfers entraînera avec elle celle de son fameux rapport. (..) De même, nous serions bien inspirés de veiller à ce que les vitres de notre maison ne volent pas en éclats, car beaucoup d’entre nous risqueraient d’avoir des écorchures. Je pense en particulier à ces magistrats israéliens qui rendent leurs jugements revêtus de l’uniforme militaire. Certes, nos cours martiales [dans les Territoires occupés] ne prononcent pas de condamnations à mort, mais elles mettent fin à des vies, et pas forcément dans le strict cadre du « respect de la loi », comme Ilana Hammerman [écrivaine israélienne] en rend souvent compte dans ses chroniques. « A l’époque, je ne faisais qu’appliquer la loi », rétorque le grand Goldstone en guise de défense. (4)
Goldstone n’est pas seul à décider
Des analystes, des observateurs et des juristes ont fortement critiqué les récentes allégations de Goldstone, les qualifiant d’une vraie atteinte aux normes juridiques et droit international, ainsi qu’une violation à la justice, considérant que ces allégations sont intervenues suite à de fortes pressions du gouvernement de l’entité sioniste sur l’ONU et sur le juge Goldstone lui-même en crainte de rendre justice aux victimes des familles palestiniennes Gazaouites. A sa façon, l’intellectuel israélien qui milite pour la justice à rendre à la Palestine, essaie de se mettre dans la tête de Goldstone quand il a écrit cet article du Washington Post le 1er avril et aurait dû écrire à la place de :
« If I had known then what I know now, the Goldstone report would have been a different document. » « Si je savais les choses que je sais maintenant, le document aurait été différent » il aurait dû, en fait écrire sous la pression « If I had known then that the report would turn me into a self-hating Jew in the eyes of my beloved Israel and my own Jewish community in South Africa, the Goldstone report would never have been written at all. »
Que l’on pourrait traduire par : « Si j’avais su tous les problèmes que j’aurai avec Israël et avec ma communauté de Juifs en Afrique du Sud, le Rapport Goldstone n’aurait pas du tout été écrit. » (5)
Le juriste Gilles Devers analyse, pour sa part d’une façon fine le Rapport Goldstone du point de vue du droit, de plus, il nous apprend que les autres juges n’ont pas été consultés sur cette volte-face. Enfin, il déclare qu’à côté du Rapport Goldstone, il y a d’autres rapports tout aussi accablants pour Israël. Nous lisons :
« Le Goldstone du rapport Goldstone a un doute. Gardons le calme, et replaçons ce rapport dans la réalité des faits, et du droit. Plomb durci, c’est une opération de l’armée israélienne qui a lourdement frappé la population qui vit à Gaza : 1500 morts en moins de quatre semaines. La première guerre dans laquelle on dénombre plus d’enfants tués que de combattants. Le monde entier a réagi : la puissance occupante - Gaza étant, comme toute la Palestine, un territoire occupé depuis 1967 - agressait la population occupée, qu’elle avait en toute illégalité soumise à un blocus. ». (6)
« L’opération militaire israélienne sur Gaza a pris fin le 18 janvier 2009. Le 22 janvier 2009, le ministre de la Justice de Palestine remettait au procureur près la Cour pénale internationale une déclaration de compétence. La Palestine n’a pas ratifié le traité de la CPI. Cette déclaration d’attribution de compétence est fondée sur l’article 12.3 du statut. Deux mois après cette déclaration, le Conseil des droits de l’homme, qui est une commission permanente de l’Assemblée générale de l’ONU a désigné une fact finding mission, à savoir une commission chargée, avant toute procédure, de dire si des faits violant le droit international ont été commis. C’est dans ce contexte qu’a été désigné non Goldstone, mais la commission Goldstone : Richard Goldstone, ancien juge à la Cour constitutionnelle d’Arique du Sud,,Christine Chinkin, professeur de droit international à la « London School of Economics and Political Science », Hina Jilani, de la Cour suprême du Pakistan, chargée de nombreuses missions au sein de l’ONU et membre de la commission international d’enquête sur le Darfour, le colonel Desmond Travers, un ancien officier irlandais, membre de l’équipe de direction de l’Institute for International Criminal Investigations. La semaine dernière, Goldstone se lâche dans le Washington Post : il dit en substance qu’il n’aurait pas écrit ce rapport accusant Israël si celle-ci avait collaboré. » (6)
Le 4 avril Hina Jilani membre de la Commission a répliqué :
« Absolutely not ; no process or acceptable procedure would invalidate the UN Report ; if it does happen, it would be seen as a « suspect move ». Aucune nouvelle information n’invalide le Rapport des Nations unies »
« Depuis deux ans, les rapports se sont multipliés, et tous dans le même sens. Entre autres, on peut citer : le rapport dirigé par John Dugard. Celui d’Amnesty International ou de Human Rights Watch. S’il a un doute, poursuit Gilles Devers sur les faits, Goldstone doit réunir la commission (Un travail collectif de 4 personnes) et demander de manière argumentée au Conseil des droits de l’homme d’être redésigné pour un complément de mission. Mais une tribune solitaire de quelques dizaines de lignes dans le Washington Post, ce n’est pas au niveau. (…) Que Richard Goldstone publie une tribune pour contester les travaux de la commission qu’il a présidée, sans en parler aux autres membres de cette commission et sans aviser l’organisme qui a mandaté cette commission, c’est curieux. Du point de vue du droit, c’est un épiphénomène. Que le procureur près la CPI, qui dispose de tous les éléments d’informations, qui est saisi par une déclaration du ministre de la Justice de Palestine, dont la compétence est reconnue par l’AG de l’ONU, reste plus de deux ans sans prendre de décision, alors que son devoir statutaire est de saisir la chambre préliminaire de la CPI, seule compétente pour autoriser une enquête, est foncièrement anormal ». (6)
Les réactions
Dans une déclaration du 3 avril, le porte-parole du Hamas, Sami Abu Zuhri, a mis en doute les regrets de Goldstone sur le rapport, et il a fait remarquer qu’Israël avait refusé de coopérer avec les enquêteurs des Nations unies « alors que dans la bande de Gaza, on les avait accueillis et facilité leur travail ». Le responsable du Hamas a noté aussi que Goldstone n’avait pas une autorité exclusive sur le rapport, lequel rapport est un document international et non sa « production privée ». Abu Zuhri d’ajouter : « Le rapport n’est pas la propriété privée de Goldstone, il est cosigné par lui et aussi par un groupe de juges internationaux. » « En outre, le rapport s’est fondé sur des documents et des témoignages qui lui donnent crédibilité et force. » (7) Israël réclame l’annulation du rapport « J’appelle l’ONU à annuler immédiatement le rapport Goldstone. Il faut jeter ce rapport dans les poubelles de l’Histoire », a affirmé le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré samedi que le commentaire de Goldstone « confirmait ce que nous tous avons toujours su...Je pense que nos soldats et notre armée se sont comportés conformément aux règles internationales les plus élevées. » (7) Que peut-on en conclure sinon qu’il y a toujours deux standards ? Le Rapport n’avait aucune chance d’être pris en charge par la CPI. Cette annonce est une confirmation de la puissance d’Israël capable de démolir un rapport pourtant validé par l’ONU. La seconde mort des enfants martyrs de Gaza est une réalité. A quand la justice des hommes ?
***
Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
1. Richard Goldstone émet des réserves sur son rapport sur l’opération militaire israélienne de 2008-2009 à Ghaza
2. Jonathan-Simon Sellem : Goldstone fait son mea-culpa : Israël n’est pas coupable de crime de guerre Ha’Aretz 2 avril 2011
3. Massacre de Ghaza : le juge Goldstone capitule, et déchire son propre rapport dimanche 3 avril 2011 Paco Goldstone revient sur son rapport CAPJPO-EuroPalestine 4 avril 2011
4. Yossi Sarid : Salir la réputation du juge GoldstoneHa’Aretz 20.05.2010
5. llan Pappe’s, « Goldstone’s shameful U-turn », http://electronicintifada.net en français : http://www.legrandsoir.info/Goldsto...
6. Gilles Devers : Palestine : Respecter les faits, et le droit 5 Avril 2011 http://www.middleeastmonitor.org.uk......
7. Hamas : Goldstone n’est pas propriétaire du rapport des Nations unies http://www.palestine-info.cc/fr/ Lundi 4 Avril 2011
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