Les bonnes nouvelles sont plutôt rares pour le PQ, qui ne sait manifestement pas si et comment il pourra assurer sa survie. Dans l’état où il se trouve présentement, il ne peut pas constituer une solution de remplacement sérieuse à la CAQ, qui monopolise le terrain nationaliste. Dans un premier temps, il doit au moins redevenir le premier choix des souverainistes. À cet égard, les états d’âme de Québec solidaire sur le port de signes religieux sont encourageants.
Le gouvernement Marois a cru à tort que la laïcité pourrait prendre le relais de la question linguistique comme moteur de la souveraineté. Il n’en demeure pas moins que la charte de la laïcité a provoqué le débat le plus intense que le Québec ait connu depuis l’adoption de la loi 101, il y a plus de quarante ans.
Il n’existe toujours pas de consensus sur l’étendue de l’interdiction qu’il convient d’imposer au port de signes religieux. Au départ, on voulait les bannir de toutes les administrations publiques, y compris les municipalités, les universités, les cégeps et les hôpitaux. L’irréalisme d’une telle ambition est vite apparu, mais la conviction que la laïcité de l’État doit s’incarner au moins en partie dans ses employés est restée.
La très grande majorité des Québécois estiment que les signes religieux devraient être interdits à tout le moins aux juges, aux policiers, aux gardiens de prison et aux procureurs de la Couronne, comme le recommandait la commission Bouchard-Taylor. Même dans le cas des enseignants, la question n’est plus tellement de savoir s’ils devraient être exemptés, mais plutôt s’ils devraient bénéficier d’une clause dite « grand-père » qui préserverait les droits acquis.
Compte tenu de sa clientèle anglophone et allophone, sans laquelle il aurait presque disparu le 1er octobre dernier, personne n’a dû être surpris de voir le PLQ réitérer son opposition à toute interdiction. Si l’électorat de QS est très majoritairement francophone, il ne faut cependant pas sous-estimer l’appui dont le parti bénéficie chez les non-francophones, dont certains militent très activement en faveur du libre-choix.
Consciente de l’évolution de la société québécoise, l’aile parlementaire de QS s’était ralliée aux recommandations du rapport Bouchard-Taylor, dans lesquelles Amir Khadir disait voir un « équilibre » acceptable. À l’époque, le caucus solidaire ne comptait cependant que deux députés, alors qu’ils sont maintenant dix. Au moins un d’entre eux, Vincent Marissal, a déclaré que l’interdiction le mettait « mal à l’aise », y compris dans le cas des agents de l’État qui détiennent un « pouvoir de coercition ».
La position de M. Marissal est peut-être en porte à faux avec l’opinion publique, mais il peut légitimement prétendre s’appuyer sur le programme officiel du parti, qui se lit ainsi : « C’est l’État qui est laïque, pas les individus. Québec solidaire accepte le port de signes religieux par les usagers et les usagères des services offerts par l’État. En ce qui concerne les agents et agentes de l’État, ces derniers peuvent en porter pourvu qu’ils ne servent pas d’instrument de prosélytisme et que le fait de les porter ne constitue pas en soi une rupture avec leur devoir de réserve. Le port de signes religieux peut également être restreint s’ils entravent l’exercice de la fonction ou contreviennent à des normes de sécurité. »
« Il faut voir comment on interprète l’application de ce programme », a plaidé Manon Massé à l’issue de la journée de réflexion sur la journée que QS a tenue en fin de semaine dernière à Trois-Rivières. L’interprétation qu’en a faite l’aile parlementaire au cours des dernières avait cependant toutes les apparences d’une déformation. Lors du conseil national de mars prochain, « on ne va pas absolument rien changer à notre programme », mais plutôt l’« actualiser », a expliqué Mme Massé. Cela vous paraît clair ? À moi non plus.
Ce flou a été soigneusement entretenu au cours de la dernière campagne électorale. La plateforme de QS était totalement muette sur le sujet et ses porte-parole ne l’ont jamais abordé. Quand le gouvernement Legault déposera son projet de loi, il ne sera cependant plus possible de ménager la chèvre et le chou.
Il n’est pas question de se laisser influencer par les sondages, a lancé Mme Massé. À la bonne heure, mais le PQ ne demande qu’à pouvoir dire que QS est prêt à sacrifier l’identité québécoise à son credo multiculturaliste. Cela risque de faire très mauvais effet dans les régions où QS a réussi une étonnante percée le 1er octobre.
Chez les partisans d’une refondation du PQ qui permettrait de relancer le mouvement souverainiste sur de nouvelles bases, on ne se fait aucune illusion sur la possibilité d’une fusion avec QS. On préférerait d’ailleurs le vider de ses membres, comme René Lévesque l’avait fait jadis avec le RIN. Si QS veut se disputer les non-francophones avec le PLQ, grand bien lui fasse !