Karim Benessaieh - Franco Fava est-il le «bénévole avant tout», simple militant libéral qui a une influence limitée, qui se contente de donner son opinion quand on la lui demande, comme il le prétend? Ou celui que les médias ont décrit comme le «grand argentier» du Parti libéral du Québec, qui a affirmé à des journalistes avoir ses entrées au plus haut niveau politique et place ses amis à des postes importants?
En contre-interrogatoire ce matin, l'avocat de Marc Bellemare, Jean-François Bertrand, a littéralement talonné Franco Fava pour obtenir la réponse. Souvent coupé par les objections des avocats du gouvernement et du PLQ, Me Bertrand a semblé profité d'une plus grande tolérance du commissaire Michel Bastarache, qui l'a laissé manoeuvrer à sa guise.
Êtes-vous un homme influent, a demandé à maintes reprises Me Bertrand à un Franco Fava nettement sur la défensive? «Les gens savent qu'on est des solliciteurs. S'ils nous perçoivent comme très influents, c'est leur perception. Ce n'est jamais un qualificatif que j'ai utilisé.»
Confronté à la déclaration qu'il a faite en mai 2010 au journaliste du Soleil, François Bourque, où il a prétendu avoir ses entrées «au plus haut niveau de la fonction publique», M. Fava a quelque peu tempéré son affirmation. Ses «entrées», a-t-il précisé, c'était essentiellement le secrétaire général du conseil exécutif Gérard Bibeau et la responsable des nominations au bureau de Jean Charest, Chantal Landry.
Des ministres? Simplement «des gens qu'on rencontre et qui viennent à nos activités. Dans ce sens-là, j'en connais plusieurs. Je n'ai aucun contact privilégié.» Il a assuré n'avoir aucun accès au premier ministre, dont il n'a pas le numéro de téléphone personnel et qu'il croise à l'occasion lors d'activités du parti. «Il m'appelle Franco, me remercie pendant les activités. Il sait le rôle qu'on joue au sein du parti, le financement du parti, c'est important. Quand on se croise dans des occasions sociales, il dit «bonjour Franco». Je réponds : «Bonjour M. Charest.»»
Comme hier, il a de nouveau nié toute intervention ou pression auprès de Marc Bellemare pour obtenir la nomination de trois juges. «La première fois que j'ai entendu le nom de Mme Line Gosselin Després et de Marc Bisson, c'est ce printemps dans les journaux. Quand à M. Simard, il m'avait rejoint pour un dîner, c'est tout.»
A-t-il exercé des pressions pour nommer qui que ce soit? M. Fava s'est rebiffé quand on lui a posé la question et a soutenu que «tout dépendait de la définition». «Quant tu mets un c.v. dans un système, est-ce que c'est de la pression? Dans le monde de la construction, c'est quand on tord le bras de quelque un. Je parle à des gens, je leur fais part de mon opinion. S'ils voient ça comme des pressions, c'est leur problème, ce n'est pas le mien.»
Le collecteur de fonds a tout de même admis être «une courroie de transmission» pour apporter les curriculums de certains candidats au bureau de Chantal Landry. «Quand des gens étaient intéressés à certaines fonctions, on remettait les c.v., ce sont des instructions qu'on avait reçues quand M. Charest est arrivé. On n'intervient pas directement, on a un processus d'acheminement, on a une courroie de transmission. C'est le véhicule qu'on nous avait indiqué pour faire suivre ces c.v.»
Les seuls exemples concrets d'interventions qu'il a donnés concernent «deux avocats de Montréal» qui lui avaient manifesté leur désir de siéger à la Commission des lésions professionnelles. Il a remis leur candidature à Mme Landry et a appris plus tard qu'un avait effectivement hérité d'un siège à la CLP, tandis que l'autre travaillait pour le Tribunal administratif du Québec.
Il a insisté sur le fait que son «principal souci n'était pas de placer (son) monde». «Quand on me demandait mon opinion, je l'exprimais.»
Quoi qu'il en soit, a précisé M. Fava, ces interventions ne lui rapportaient aucun avantage financier, ni comme homme d'affaires ou à titre personnel. «J'aime connaître les gens, je suis un bonhomme assez social, a-t-il expliqué. Je n'ai jamais assez d'amis ou de connaissances.»
Me Bertrand a en outre dû affronter un barrage d'objection quand il a demandé les relevés téléphoniques de M. Fava, au bureau ou par cellulaire, ainsi que ses relevés de cartes de crédit. Le commissaire Bastarache a refusé. On a par ailleurs appris que les relevés téléphoniques pour les lignes terrestres du ministère de la Justice n'étaient pas disponibles pour l'année 2003-2004. Quand aux relevés de téléphones cellulaires du Ministère, «ils n'ont rien donné», a précisé, laconique, le commissaire.
La fin du contre-interrogatoire de Franco Fava a coïncidé avec la pause du dîner. On attend le témoignage du premier ministre Jean Charest cet après-midi.
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