Pauline Marois s'est juré de ne pas subir le sort de ses prédécesseurs qui ont été mis à la porte par les militants. «Je vais vous dire une chose, ça va s'arrêter à moi.»
C'est un euphémisme de dire que diriger le Parti québécois n'est pas un emploi de tout repos. Tout ce qui est en deçà de la souveraineté est nécessairement insuffisant pour les militants péquistes, même le pouvoir. Cela garantit un climat d'agitation perpétuelle que la garde prétorienne de Mme Marois aura bien du mal à contrôler.
Il est de bon ton de les présenter comme une bande de cannibales qui dévorent leurs chefs les uns après les autres, par opposition aux militants libéraux qui poussent le respect de l'autorité et l'esprit de parti jusqu'à se comporter comme des lavettes. Il y a là une bonne part de mythe. S'il est vrai que les militants libéraux sont plus disciplinés, ils sont bien moins indulgents envers les perdants que leurs homologues péquistes.
Depuis 50 ans, Jean Charest est le seul chef du Parti libéral du Québec qui a survécu à une défaite. Même le père de la Révolution tranquille, Jean Lesage, n'a pas eu droit à un match revanche après son revers crève-coeur de 1966. Si la défaite libérale de novembre 1998 avait été aussi cuisante que celle du PQ en décembre 2008, M. Charest n'aurait peut-être pas réussi à traverser les années de misère qui ont suivi.
René Lévesque, lui, a encaissé deux cuisantes défaites en 1970 et 1973 sans être sérieusement inquiété, si ce n'est un embryon de fronde à l'été 1976. Au total, il a été chef du PQ pendant 17 ans, soit plus longtemps que Robert Bourassa durant ses deux règnes.
Certes, après le «beau risque», le père fondateur a été poussé vers la sortie et Pierre Marc Johnson a bel et bien été victime d'un putsch. Que feraient les militants libéraux si leur chef décidait tout d'un coup de renier le fédéralisme?
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La sévère défaite subie par le PQ en 1989 n'a pas davantage ébranlé le leadership de Jacques Parizeau. Malgré sa malheureuse phrase sur l'argent et le vote ethnique, les militants péquistes n'ont pas exigé sa démission au lendemain du référendum. Il est parti simplement parce qu'il n'était pas intéressé par la gouvernance d'une province.
Le cas de Lucien Bouchard est assez particulier. Habitué à être obéi au doigt et à l'oeil au Bloc québécois, il n'a jamais cherché à composer avec la culture péquiste. Il prétendait s'adresser directement à la population et c'est l'apathie des Québécois par rapport aux exactions fédérales qu'il a invoquée pour justifier une démission que seule une petite minorité de militants souhaitait.
Mme Marois a la vie dure ces temps-ci, mais Claude Ryan a vécu un calvaire semblable quand il a essayé de s'accrocher après avoir été battu aux élections d'avril 1981. Si Robert Bourassa en 1976 et Daniel Johnson en 1998 ont évité ce supplice, c'est qu'ils ont eu la sagesse de comprendre que leurs services n'étaient plus requis. Tout comme André Boisclair.
Il est peut-être vrai qu'on est plus exigeant pour les femmes, en politique comme ailleurs, mais Paul Martin, Stéphane Dion et Michael Ignatieff pourraient témoigner que, peu importe le sexe ou le parti, la solidité du leadership est généralement proportionnelle aux perspectives de victoire.
Il y a sans doute quelque chose d'admirable dans le farouche combat que mène Mme Marois pour sauver son poste, mais elle connaît parfaitement les règles du jeu. Elle avait été la première à réclamer le départ de Bernard Landry.
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La chef du PQ s'est montrée agacée qu'on cherche à lire entre les lignes de la lettre que lui a adressée Gilles Duceppe en insistant sur ce qu'il n'y dit pas.
Quand elle a offert à l'ancien chef du Bloc québécois de se joindre à son équipe, Mme Marois savait très bien qu'il refuserait, mais en rendant cette invitation publique, elle le forçait au moins à sortir d'un mutisme qui pouvait être interprété comme un encouragement à poursuivre la contestation de son leadership. Elle ne pouvait cependant pas le forcer à aller au-delà de ce qu'il voulait bien dire, même si elle lui a fourni le rédacteur.
Elle a réussi à lui arracher un appel à l'unité des souverainistes et le souhait de la voir mener le PQ aux prochaines élections, mais il a fait savoir du même souffle que lui-même ne sera pas de la partie, ce qui l'aurait sans doute assurée de pouvoir tenir jusque-là.
M. Duceppe dit ne pas se sentir prêt à replonger dans la vie politique active «actuellement», mais il ne dit pas qu'il a définitivement tourné la page, ni qu'il ne serait pas intéressé par le poste de chef du PQ s'il devenait disponible. Pour ceux qui souhaitent le voir monter sur le trône, cela devrait suffire. Il n'encourage pas les cannibales, mais il ne les décourage pas vraiment non plus.
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