Tout neurochirurgien qu’il fut jadis et homme cultivé qu’il est réputé être encore, le premier ministre Philippe Couillard ne dédaigne aucunement le lancer de la boue comme mode d’attaque prisé contre ses adversaires.
Un visage de Philippe Couillard répète ad nauseam qu’il fait de la politique «positive» et «basée sur les idées. L’autre visage, au contraire, n’hésite aucunement à insulter un adversaire dès qu’il se fait le moindrement menaçant sur le plan politique.
Pour certains, c’est déroutant. Pour d’autres, ça commence à tomber sérieusement sur les rognons.
Qui peut oublier de l’avoir entendu lancer ceci dès la campagne électorale de 2014 : «Je déteste ce gouvernement.» Ce dernier étant celui de Pauline Marois. Détester ? Le mot était gros. Très gros.
Puis, une fois au pouvoir, le premier ministre Couillard s’est évertué, à répétition, à faire passer ses adversaires péquistes et caquistes pour de dangereux xénophobes s’amusant cruellement à «souffler sur les braises de l’intolérance».
Sur le sujet, je l’ai déjà dit et je persiste : dès qu’il est question d’attaquer des nationalistes, durs ou mous, le chef libéral s’exprime à la manière d’un éditorial paranoïaque de la Gazette, et non pas comme le premier ministre du Québec. Robert Bourassa, feu l’ex-premier ministre et chef libéral, doit s’en retourner de honte quotidiennement dans sa tombe.
En cela, M. Couillard fait aussi penser à ces petits garçons qui, dans la ruelle, lancent des roches aux passants tout en se cachant sous un escalier, avant, bien sûr, de courir à leur mère pour se plaindre qu’ils ont été «provoqués» ou que ce n'était pas eux.
Et lorsque ce n’est pas lui qui lance des roches virtuelles d’insultes à ses adversaires, son ministre matamore de la Santé le fait régulièrement pour lui avec grand plaisir.
Cette fois-ci, une ministre et une candidate libérales montent au front pour lancer encore des roches politiques. De grosses roches.
La cible, évidemment, est François Legault, chef de la CAQ - parti politique en avance dans les sondages depuis des mois.
Juste comme on pensait avoir tout entendu dans le domaine du lancer de la boue, eh bien, non. On s’était trompé vertement.
La candidate libérale Marwah Rizqy (de qui on s'attendait pourtant à une certaine élévation d'esprit), de même que la ministre Christine St-Pierre dont on n'attend plus grand-chose, viennent de fracasser le record. Comme lerapporte le Journal, elles ont «accusé dimanche François Legault d’afficher un «féminisme de façade», l’ont comparé à Donald Trump et l’ont accusé d’avoir commis des «actions sexistes».» Leur raison? La CAQ a rendu publics les textos de la candidate libérale controverése Gertrude Bourdon confirmant son intérêt soutenu et encore tout récent pour la CAQ. Dans les circonstances, leur publication était en fait d'intérêt public. Question d'informer les électeurs du contexte réel entourant l'arrivée de Mme Bourdon au PLQ.
Or, il s'adonne que Mme Bourdon, en effet, est une femme. Qu'auraient lancé Mmes Rizqy et St-Pierre comme insultes si Mme Bourdon avait été M. Bourdon?
Bref, n’en jetez plus. La poubelle est pleine.
En tout respect, si mesdames Rizqy et St-Pierre cherchent de véritables manifestations de sexisme, ce n’est quand même pas ça qui manque dans le merveilleux monde de la politique.
Que pensent-elles, par exemple, des rumeurs persistantes sur leur ex-collègue Gerry Sklavounos qui, bien avant que des allégations d’agression sexuelle ne soient faites à son endroit (le DPCP conclura par la suite qu’il n’a commis aucun acte criminel), ne l’avaient pourtant jamais empêché avant de siéger au caucus libéral? Des rumeurs persistantes à l’effet qu’il aurait été «insistant», «déplacé» et «cruiseur» auprès des femmes à l’Assemblée nationale.
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Avec raison, François Legault dénonce la sortie de mesdames Rizqy et St-Pierre : «Est-ce lui (Philippe Couillard) qui a demandé à Christine St-Pierre de faire cette sortie-là? Est-ce qu’il se promène comme un homme pur, mais il envoie d’autres personnes faire la job sale?».
Comme dirait l’autre, poser la question... Le premier ministre considèrent en effet qu’elles sont «libres de s’exprimer».
Chapeau aussi au chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, qui a su prendre la défense du chef caquiste contre ces attaques non fondées.
Pendant ce temps, en refusant de désavouer les propos de mesdames Rizqy et St-Pierre, le premier ministre renforce en fait la perception d'un tir téléguidé.
Ce faisant, le premier ministre se déshonore et déshonore son poste. Les Québécois en ont ras-le-pompon de cette politique de chats de ruelle. Quelqu'un devrait l'expliquer calmement au premier ministre et à ceux et celles qui s'en inspirent fort maladroitement.
Comme si les accusations non fondées de xénophobie lancées à ses adversaires ne suffisaient pas déjà à pourrir un climat politique fragile, voilà que ses troupes en rajoutent une couche nauséabonde en traitant M. Legault de féministe de façade.
Or, le féminisme de façade, il existe pourtant, mais pas tout à fait là où mesdames Rizqy et St-Pierre le voient.
Le vrai féminisme de façade, ça s’appelle l’austérité budgétaire. C'est de se draper dans le beau principe de l'égalité homme-femme tout en réduisant plus durement encore pour les plus vulnérables et de nombreuses femmes, des services publics dont elles ont pourtant besoin.
Y compris entre autres des milliers de proches aidantes, de mères d’enfants avec des difficultés majeures d’apprentissage et d'aînées n'ayant plus que des miettes de soutien à domicile. De nombreuses femmes que le gouvernement a laissées à elles-mêmes au nom de sa chasse au déficit-zéro.
Ça, c’est du vrai féminisme de façade.